Une nièce rêveuse

Publié le 16/12/2024

De William Degouve de Nuncques (1867-1935),  Portrait de la nièce de l’artiste présenté à la FAB

Galerie Lancz

Nous sommes davantage habitués à pénétrer la nuit dans les tableaux de William Degouve de Nuncques (1867-1935) que dans les portraits d’enfants. Cet artiste belge proche des symbolistes s’est en effet distingué dans les années 1890 avec des scènes nocturnes à l’huile ou au pastel. Ses œuvres, à l’époque, s’inspirent d’un certain surnaturel et de climats étranges. D’aucuns affirment que ses ambiances nocturnes préfigurent le surréalisme. Simples propos de critiques cherchant à édifier un arbre généalogique artistique. Nul n’a songé qu’Edgar Allan Poe a inspiré un jour le « pape Breton ». Degouve de Nuncques a plongé en revanche dans la Maison Usher pour réaliser, en 1892, la Maison Rose, conservée aujourd’hui au musée Kröller-Müller, Otterloo.

On dit que Rodin poussa le jeune peintre à exposer à Bruxelles en 1890 puis à Paris quatre ans plus tard. C’est à cette époque qu’il s’éprit de Juliette Massin (1866-1919), une artiste peintre qui était aussi la belle-sœur d’Émile Verhaeren (1855-1916), dont la femme Marthe Massin fut la grande inspiratrice. Grâce à ce lien familial, le jeune peintre fut admis dans les milieux littéraires et artistiques dont notamment Fritz Thaulow, Maurice Denis et Pierre Puvis de Chavannes et encore Demolder, Verhaeren, Rops, Maeterlinck, et surtout le peintre Henry de Groux, avec lequel il entretiendra une amitié indéfectible. Au contraire de ses amis, Degouve de Nuncques rejeta dans ses tableaux la figure humaine, « laissant apparaître le recueillement par une mise en retrait de toute individualité, « l’homme n’a nulle place, même pour ses sentiments », explique le critique Jean Cassou.

L’artiste ne suivit pas cette règle d’une manière rigoureuse. Au cours de la Fine Art Biennale (FAB) qui s’est déroulée récemment sous la verrière du Grand Palais, la galerie bruxelloise Lancz présentait le portrait de Marcelle, nièce de l’artiste (Huile sur toile, 47,5x60cm) daté de 1899. Une charmante figure humaine. Si nous ne sommes pas parvenus à mettre un nom de famille sur Marcelle et apprendre de qui elle était la fille, nous avons été séduits par la simplicité du modèle, perdu dans des rêves faits de pétales de fleurs flottant dans un champ céleste. Si l’on accuse les tableaux de ce peintre, « d’irréalité d’une palette, de maladresse de la facture » on goûte avec lui l’intériorité de ses modèles. Ici, la petite fille est tout aussi présente qu’absente. Elle invite le spectateur à l’accompagner dans un voyage intérieur. Il n’est pas étonnant que, peu à peu, William Degouve de Nuncques se soit lancé dans une quête mystique orientant son inspiration vers des sujets religieux, tandis que son langage symboliste s’alliait à une technique un peu plus expressionniste.

La mort de sa femme le plongea dans un profond désespoir. Dévasté, il cessa de peindre pendant les trois années qui suivirent. Plus tard, grâce à sa nouvelle compagne, Suzanne Poulet, il reprit des pinceaux et peignit des paysages sombres et mélancoliques.

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