Une soirée au Théâtre de Poche Montparnasse

Publié le 18/04/2023

Théâtre de Poche Montparnasse

On peut programmer, sans grand risque de se tromper, une soirée au Théâtre de Poche Montparnasse tant les spectacles y sont de qualité (premières représentations à 19 heures, secondes à 21 heures). Le choix est ample, certaines représentations ont lieu tous les soirs, d’autres non, beaucoup sont prolongées vu leur succès. Philippe Tesson, disparu il y a peu, semble toujours présent dans le petit bar où il aimait s’attarder.

Trois spectacles seront présentés ici, et qui vu leur succès ont été prolongés. Ils ont en commun l’hommage aux classiques de la littérature française.

Duc et Pioche : dialogue entre Madame de La Fayette et le duc de La Rochefoucauld

Duc et Pioche est un Dialogue entre Madame de La Fayette et Monsieur de La Rochefoucauld, écrit par Jean-Marie Besset. On est transporté au milieu du XVIIe siècle, dans le petit cercle parisien des salons tenus par des femmes savantes – mais ni précieuses, ni ridicules – où se rencontrent aristocrates, intellectuels et écrivains. Madame de la Fayette, née Pioche de La Vergne, reçoit beaucoup dans son bel hôtel particulier rue de Vaugirard et, à la fin du jour, lorsqu’elle est seule, le duc de La Rochefoucauld lui rend visite. Il le fera pendant quinze ans régulièrement.

Ce sont ces apartés qui sont ici représentés, avec comme fil directeur la préparation du célèbre roman La princesse de Clèves. Quelle part l’auteur des Maximes a-t-il prise à la rédaction de l’ouvrage que Madame de La Fayette, ayant l’élégance de la modestie, prétendait n’en point être l’auteure ? Le mystère reste entier et peu importe.

Jean-Marie Besset ajoute à la trentaine de pièces qu’il a déjà écrites, une jolie histoire, dans le style élégant et léger du Grand siècle, celle d’une amitié amoureuse entre deux beaux esprits, celle des joies de la conversation où l’on « discute de tout sans traiter de rien », comme disait Madame du Deffand, celle de la création artistique où l’on part de rien pour arriver à tout, celle de la mélancolie que l’on cache par les pirouettes du verbe.

Une échappée hors du temps, hors de la prétention du siècle des Lumières qui ne va pas tarder à arriver. Une mise en scène habile de Nicolas Vial et deux acteurs excellents : Sabine Haudepin, dans un registre primesautier et espiègle, et François-Éric Gendron, très à l’aise dans son personnage de haut rang aristocratique de cœur et d’esprit.

Jusqu’au 29 mai

Le Menteur de Corneille

Si l’on reste dans le Grand siècle, on retrouvera Corneille dans sa comédie Le Menteur, revisitée en toute liberté inventive par Marion Bierry, ce qui convient fort bien à ce petit bijou en alexandrins écrit en 1644, en pleine production des célèbres tragédies, comme pour se divertir avec un genre auquel l’auteur excelle : la comédie.

S’inspirant d’une pièce espagnole de Pedro de Alarcón, emprunt qu’il ne cherche pas à cacher, comme il le fera pour vider la querelle autour du Cid, Corneille conte les aventures plus que mésaventures du jeune Dorante arrivant à Paris à la fin de ses études et bien décidé à mener une vie de vagabondage et de plaisirs. Pour séduire deux coquettes, rencontrées aux Tuileries, il s’invente une brillante carrière de militaire, des faits d’armes, de hautes relations et il se voit contraint pour n’être pas découvert d’en inventer de nouvelles. Cet engrenage irréversible le met d’autant plus en joie qu’il est parfaitement amoral, indifférent à l’honneur, à l’amitié, au respect paternel revendiquant le constat de Voltaire : « Après tout le mensonge n’est un vice que quand il fait du mal. C’est une vertu quand il fait du bien » !

Spectacle enlevé au pas de charge grâce à l’adaptation subtile de Marion Bierry qui renouvelle le succès qu’avait eu son Illusion comique et donne un grand coup de jeunesse aux alexandrins, grâce aussi à la fougue des comédiens, dont Brice Hillairet et Alexandre Bierry, un « menteur » insolent et impétueux à souhait, faisant ressortir l’humour primesautier du texte et une légèreté qui va bien au-delà de la farce.

Jusqu’au 15 juillet

Un cœur simple de Flaubert adapté au théâtre

Et enfin un rendez-vous avec une nouvelle de Gustave Flaubert, tirée de son recueil les Trois Contes : Un cœur simple, une de ses dernières œuvres publiée en 1877. Un rendez-vous avec une comédienne qui en a fait l’adaptation et qui réussit une vraie performance durant une heure et demie, seule en scène. Isabelle Andréani est Félicité, ce cœur simple dont elle raconte la vie, de l’enfance jusqu’à la mort. Fille de ferme, elle est devenue domestique chez Madame Aubain, bourgeoise de Pont-l’Évêque, austère et autoritaire, restée veuve avec deux enfants. Une vie sans autre histoire qu’un dévouement à cette famille, le don de soi sans réserve, l’amour donné aux deux enfants et à son neveu Victor, les deuils jusqu’à celui de son perroquet qu’elle emportera dans sa tombe.

La simplicité du conte et de son écriture inspire la mise en scène de Xavier Lemaître : quelques accessoires et une grande mobilité pour évoquer l’ensemble des personnages et des événements ; et Isabelle Andréani, avec un jeu inspiré et généreux à l’image de son personnage, tout en nuances et subtilités, comme une copie conforme de ces filles du peuple et de leur destin de soumission. L’hommage que l’auteur leur rend ne peut espérer davantage de force et de finesse.

Jusqu’au 29 mai

Théâtre du Poche Montparnasse, 75 boulevard du Montparnasse, 75006 Paris

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