Vaux-Le-Vicomte : le génie des artistes à travers décors et mobilier
Le château de Vaux-le-Vicomte vu des jardins.
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Des décors intérieurs fastueux, un mobilier à sauver : la famille de Vogüé a réussi le challenge de préserver, malgré l’époque et sa fiscalité, le cadre intérieur de la propriété.
Tout a été dit et écrit sur Vaux-Le-Vicomte, ce « mini Versailles » privé de Seine-et-Marne : des légendes mirifiques, des faits réels, des idées reçues dont le malheureux surintendant des finances, Nicolas Fouquet, fait toujours les frais !
Suite à notre récente visite, nous prenons donc le parti d’évoquer certains décors, certains meubles ; non sans une certaine émotion et une légitime compréhension de la difficulté pour des propriétaires privés à être aujourd’hui détenteurs d’un tel domaine.
Trois artistes pour un même château
Si le château de Vaux-le-Vicomte est le fruit audacieux et jalousé de Nicolas Fouquet, un homme visionnaire et protecteur des arts, il est aussi l’œuvre des trois plus grands artistes du siècle des Lumières : André Le Nôtre pour les jardins, Louis Le Vau pour le bâti et Charles Le Brun pour la décoration.
On a souvent dit que ces trois artistes étaient inconnus et que Vaux-le-Vicomte leur a donné leur légitimité. C’est faux : André Le Nôtre était premier jardinier du roi aux Tuileries, Louis Le Vau avait déjà dessiné divers hôtels particuliers à Paris et Charles Le Brun avait déjà honoré de nombreuses commandes de décors. C’est le génie de Fouquet de les avoir associés pour réunir en un même lieu leurs talents respectifs.
Une synthèse des tendances artistiques du Grand Siècle
En édifiant Vaux-le-Vicomte, Louis Le Vau élabore un style personnel qui deviendra la pierre d’angle de toute l’architecture française pour les 150 années suivantes. Il ne superpose plus les bâtis, il les juxtapose afin de donner une épaisseur supérieure. Le château surgit (les jardins de Le Nôtre augmentent encore cette dimension) par un effet de plans successifs, presque comme des décors de théâtre qui laissent entrapercevoir au fond et au loin un dernier plan. D’abord les grilles, puis des dépendances aujourd’hui transformées en lieu d’habitation, écuries, salles d’accueil du public, une avant-cour, le château en lui-même, les parterres paysagers. Mais le centre même du château est tout en transparence, permettant ainsi de voir, deux kilomètres plus loin, la statue d’Hercule !
Les jardins de Vaux-le-Vicomte (broderies de buis, fontaines, grottes, statuaires) sont autant d’illusions optiques pour mettre en valeur le château, le révéler sous un angle différent et rompre la monotonie du regard du promeneur. Le classicisme est ici à son comble et Alain Baraton, le chef jardinier du château de Versailles, de dire : « le roi a des raisons d’être en colère, il est à Vaux-le-Vicomte dans l’excellence du jardin à la française ».
Si la coupole du grand salon ne fut pas entreprise faute de temps, le programme décoratif de la plupart des salons et des cabinets sont de la facture de Charles Le Brun. Les références à la mythologie et aux figures allégoriques caractéristiques du XVIIe siècle sont majeures à Vaux-le-Vicomte.
L’engagement d’une famille à préserver ces précieux acquis
Aux côtés de Patrice de Vogüé, propriétaire, ses trois fils, Jean-Charles, Alexandre et Ascanio, constituent la cinquième génération à assurer la gestion du domaine. On ne peut que s’émerveiller des efforts de la famille depuis le sauvetage de la propriété par Alfred Sommier pour préserver, acquérir encore à l’heure actuelle des meubles XVIIe.
Si la Révolution et les deux guerres mondiales n’ont pas trop « abîmé » Vaux-le-Vicomte, c’est plutôt le déplacement de pièces de mobilier vers Versailles et d’autres demeures royales après l’arrestation de Fouquet et surtout le coût considérable de l’entretien de l’ensemble qui ont vidé le château de certains objets.
Il est important de noter cependant que la famille actuelle fait tout préserver les pièces qui méritent un intérêt artistique ou historique : les superbes tapisseries aux grotesques et celles de la Savonnerie inspirées des fables de La Fontaine, le superbe cabinet XVIIe de Macé, la charpente du dôme, les plafonds du salon des muses, les bureaux et commodes Mazarine d’André-Charles Boulle, les pendules de Cogniet…
Bureau dit « Mazarin » en marqueterie dans le cabinet de Fouquet.
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Les guides ont l’honnêteté de dire que le mobilier n’est pas toujours d’origine mais le plus souvent le fruit d’acquisitions, mais toujours en respect avec le style du XVIIesiècle afin de préserver intact cette typicité du château : être et demeurer au maximum un joyau du Grand Siècle.
Face à la difficulté à être « châtelain » aujourd’hui, surtout d’une telle propriété, on ne peut que s’émerveiller devant cette volonté et persévérance à conserver privé ce pur bijou d’architecture, de jardins et d’un certain art de vivre à la française.