Visages des guerres de religion

Publié le 14/03/2023

Château de Chantilly

Amateur d’art passionné, le duc d’Aumale – dernier propriétaire du château de Chantilly – a réuni une collection unique de tableaux, gravures et dessins qui font la richesse du musée Condé.

Les œuvres actuellement présentées au cabinet d’arts graphiques évoquent, à travers portraits et dessins, la période si difficile traversée par la France lors des guerres de religion durant la seconde moitié du XVIe siècle. Catholiques et protestants se sont livrés un combat fratricide sans merci. L’exposition donne l’occasion de retrouver cette page d’histoire qui a perturbé, fracturé le royaume.

Alors que le catholicisme régnait en maître, le calvinisme se développe dans les années 1550 ; la France va alors se déchirer, des oppositions violentes se font jour entre les deux religions. Les protestants sont considérés comme des hérétiques et s’ensuivent des massacres violents. De longues années seront nécessaires avant que s’installe une paix durable. Durant cette période, des artistes – et en particulier François Clouet – exécutent des portraits de personnalités, parfois historiques, de cette période.

Grande a été l’influence du calvinisme, notamment chez la noblesse qui découvrait la foi intense des protestants. Ces derniers vont se servir de la politique et du combat militaire pour s’imposer. Les portraits de quelques protagonistes de ces années terribles sont présents, ainsi Louis 1er de Bourbon, prince de Condé, réalisé par l’atelier de Clouet vers 1565 ; son visage au regard bleu, intense, révèle un vrai caractère. Somptueux dans son manteau d’hermine, Odet de Coligny, cardinal de Châtillon que François Clouet nous fait découvrir. Tout ici est beauté : le rouge de la soutane qui ressort du décor vert moiré. Le personnage paraît d’un grand naturel.

Peintre de talent, Clouet excelle également dans les représentations graphiques. C’est ainsi François de Coligny, converti au calvinisme et très actif dans la propagation de cette religion qui lui a valu l’emprisonnement ordonné par Henri II. Il est dessiné de face à la pierre noire et sanguine, en un tracé d’une extrême finesse et un rendu remarquable de la barbe.

Si les protestants tentent de s’imposer, les catholiques réagissent à ce qui constitue pour eux une hérésie ; la famille de Guise joue à ce moment un rôle important comme opposante. Dans un portrait, le cardinal de Guise – Charles – semble inciter le public à le suivre ; Clouet, dont on admire la maîtrise, trace légèrement le dessin où domine la sanguine. Il utilise pour ses œuvres les frottis, l’estompe, parfois quelques hachures et ses portraits possèdent une grande vérité. Chacun de ces personnages vit sur la toile ou le papier. Les portraits féminins sont tout aussi attirants, souvent présentés de trois-quarts ; les visages au léger modelé et d’une grande finesse sont animés par le regard toujours intense. Deux d’entre elles converties au protestantisme attirent par leur beauté : Renée de Rieux, marquise de Nesle, si présente, si naturelle dans un des portraits. Elle apparaît remplie de charme comme Isabelle d’Hauteville. Ces œuvres témoignent d’une réelle délicatesse ; il semble que le tracé effleure à peine le papier.

La lutte toujours forte entre les deux camps va aboutir au massacre de la Saint-Barthélémy, commencé après le mariage d’Henri de Navarre et Marguerite de Valois. Rapidement, l’amiral de Coligny est tué par un tir. Personnage important, Antoine de Crussol, converti un moment au protestantisme, revient au camp royal et joue un rôle important dans la réconciliation. Son visage apparaît dans un portrait de Clouet à l’intense présence.

Après l’assassinat d’Henri III, lui succède Henri IV, protestant qui devra se convertir au catholicisme. Son visage, réalisé à la sanguine, le révèle empli de bonhomie.

La maîtrise de François Clouet, autant que son observation remarquable, font revivre la haute société de l’époque.

Château de Chantilly, musée Condé Chantilly, Route Pavée, 60500 Chantilly

Du 4 mars au 21 mai 2023

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