Vivian Maier au musée du Luxembourg

Publié le 18/01/2022

Chicago, sans date.

Estate of Vivian Maier, Courtesy of Maloof Collection and Howard Greenberg Gallery

« Une photographie est réussie lorsque l’observateur s’approprie l’image et construit sa propre symbolique, sa narration personnelle. » Vincent Fillon

« Une photographie, c’est un fragment de temps qui ne reviendra jamais. » Martine Franck

Vivian Maier (1926-2009) est née à New York. Les sources administratives indiquent qu’elle avait des origines austro-hongroises et françaises. Nous savons qu’elle séjourna en Europe, principalement en France, dans la vallée de Champsaur et dans les Hautes-Alpes où elle passa une partie de son enfance. Elle voyagea aussi en Asie. Quant aux circonstances qui l’amenèrent à la photographie et à son parcours artistique, c’est pour le moment une énigme.

Vivian Maier gagna sa vie comme gouvernante d’enfants. Mais lors de ses loisirs et de ses moments de repos, elle arpentait les rues de New York ou de Chicago. Vivian Maier était une femme cultivée, d’un esprit très ouvert, généreuse mais peu chaleureuse, selon le témoignage des enfants dont elle eut la charge. En revanche, ses photographies témoignent d’une réelle curiosité à l’égard des choses du quotidien et une profonde attention envers les passants qu’elle croisait avec son objectif.

La plupart de ses photographies furent prises à la sauvette, et certaines rendent compte d’une véritable rencontre avec les personnes qu’elle saisissait frontalement ou à faible distance. Vivian Maier s’était aussi intéressée aux sans-abri et aux marginaux, avec une empathie évidente, pour fixer des portraits troublants dans une Amérique pourtant en plein essor économique. Pour Vivian Maier, la photographie fut plus qu’une passion : elle était une nécessité de vie et de contacts, voire une obsession. Dans des cartons, elle accumula une énorme quantité de films qu’elle ne développa jamais, faute d’argent, et qu’elle emportait à chacun de ses déménagements.

Les photographies de Vivian Maier mettent en lumière des détails anodins du quotidien, qu’elle trouvait au cours de ses promenades. Elles relatent l’étrangeté des gestes, la singularité des figures humaines et la distribution des corps dans l’espace. Vivian Maier réalisa aussi une série d’autoportraits, des reflets d’elle-même mis en scène par l’intermédiaire de miroirs ou de vitrines de magasin. Ces autoportraits sont saisissants.

Si les photographies de Vivian Maier en noir et blanc sont profondément silencieuses, avec la couleur elle aborde la photographie comme un espace de sonorités. La musicalité des couleurs semble répondre au tempo de l’espace urbain, à cette musique qui court dans les rues de Chicago, caractéristique des quartiers populaires. Les tons vibrent par leur juxtaposition, créent avec souplesse un rythme qui émerge dans l’image. Derrière le tempo chromatique, la réalité photographiée s’estompe un peu pour que nous puissions mieux voir les couleurs. Pour la couleur, Vivian Maier utilisa un Leica 35 mm qui diffère nettement du format carré du Rolleiflex, avec lequel elle réalisa une grande partie de ses photographies en noir et blanc. Le format rectangulaire permet un dynamisme dans la composition.

Les étonnantes photographies de Vivian Maier ont été découvertes par John Maloof, en 2007, lors d’une vente à Chicago. Ce jeune collectionneur, qui était à la recherche d’une documentation historique sur la ville, fit ce jour-là l’acquisition d’un important lot d’épreuves, de négatifs et de diapositives, ainsi que de films Super 8 d’un auteur inconnu. Vivian Maier, qui était une personnalité discrète et solitaire, réalisa plus de 120 000 prises de vues, produisant ainsi, en 30 ans, une œuvre significative qu’elle ne montra quasiment à personne. Son travail est à rapprocher de celui des photographes plus connus de la street photography américaine comme Lisette Model, Helen Levitt, Diane Arbus ou Garry Winogrand.

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