William Bingham, un homme influent
Ce portrait d’Anne Willing Bingham et de sa fille, peint par Gilbert Stuart (1755-1828), est estimé 40 000/60 000 €
Tajan
La Louisiane, en 1803, ne correspondait pas à ce que la carte des États-Unis d’Amérique présente aujourd’hui. Pour commencer, René-Robert Cavelier de La Salle (1643-1687) lui avait donné ce nom en 1682 en l’honneur du roi de France, Louis XIV. Cet ancien Jésuite, devenu explorateur, venant de la Nouvelle France, avait exploré le bassin du Mississipi jusqu’à son embouchure. On ne songeait pas au bornage à l’époque ; cet immense territoire fut rapidement exploité par les Français qui installèrent des comptoirs et exercèrent tout commerce entre deux expéditions punitives contre les Amérindiens. Les Espagnols se mirent de la partie et prirent une partie du territoire en 1762, que les Français récupérèrent en 1800. La Révolution ayant considérablement affaibli la France, les jeunes États-Unis d’Amérique montant en puissance, Bonaparte Premier Consul décida de lui vendre la Louisiane, soit 2 145 000 km2, autrement dit 22,3 % de la superficie actuelle des États-Unis. La France devait empocher l’équivalent de 381 millions de dollars d’aujourd’hui, soit environ 204 millions d’euros. Une somme loin de combler les déficits creusés par les gouvernements successifs.
Parmi les négociateurs américains se trouvait un certain William Bingham (1752-1804) que nous avons oublié en France. Il revient à la surface grâce à son portrait (45 x 46,5 cm), réalisé en 1784 par Gilbert Stuart (1755-1828), l’un des tout premiers peintres américains à la fin du XVIIIe siècle. Son portrait ainsi que celui de son épouse, Anne Willing Bingham et de sa fille Maria Matilda (85 x 92 cm), seront en effet mis en vente le 12 juin 2024 par la maison Tajan, assistée par le cabinet Turquin, avec une estimation de 40 000/60 000 € pour le premier et 200 000/300 000 € pour le second. Selon l’expert : « Ce premier portrait de William Bingham, alors qu’il est en Angleterre pour des raisons commerciales, a été probablement commandé pour asseoir ses positions et marquer le début d’un grand avenir. »
Gilbert Stuart, dont on connaît le portrait de George Washington, réalisa les portraits d’hommes politiques importants, de riches commerçants et d’immigrés en Nouvelle-Angleterre. S’il n’a pas été l’élève de Joshua Reynolds, il fut l’un de ses proches. À l’origine, il avait conçu un grand portrait de famille, réunissant les parents et leurs deux filles, Anne Louisa et Maria Matilda, à la manière de Reynolds. Mais le tableau inachevé fut confié par Anne à sa sœur, puis découpé, dans le premier tiers du XIXe siècle, en trois portraits indépendants, par le peintre Thomas Sully (1783-1872), élève de Gilbert Stuart. Seul le portrait d’Anne Louisa est aujourd’hui conservé dans une collection particulière.
Anne Willing (1764-1801), correspondante de Thomas Jefferson, fut le modèle de la Lady Liberty sur les premières pièces de monnaie américaines. Surnommée « Nancy », elle fut l’une des femmes américaines les plus admirées de son temps. William Bingham, son mari, a été un homme d’affaires considérable, à la fois dans le monde des corsaires, du commerce et la politique. Après sa mort, le président John Quincy Adams, devait déclarer que « la présidence, la capitale et le pays avaient été gouvernés par Bingham ».
Référence : AJU013p6