William Christie et ses amis
Harmonia Mundi
William Christie invite au disque une poignée de « jeunes pousses » de l’actuelle génération baroque à explorer quelques manuscrits d’auteurs célèbres et moins connus. Le révéré Maître, à qui l’on doit en France la formidable renaissance du Baroque, prône l’idée de compagnonnage liant les générations, tout autant que le « sang neuf » que les jeunes interprètes apportent quant à la recherche de nouveaux répertoires et à la manière de les interpréter. Le programme a pour dessein de mettre en valeur des instrumentistes de talent, la violiste Myriam Rignol, le luthiste Thomas Dunford, le claveciniste Justin Taylor et les violonistes Théotime Langlois de Swarte et Emmanuel Resche-Caserta. Tous jouant de merveilleux instruments anciens, singulièrement une basse de viole anonyme française de la fin du XVIIe siècle, un clavecin de Goujon de la 1re moitié du XVIIIe siècle et un autre de Ruckers (Anvers, 1646), conservés au musée de la Musique à Paris. Le chant est également présent avec les voix de Gwendoline Blondeel et de Juliette Mey, cette dernière issue du Jardin des voix.
Le récital traverse un bon siècle de musique, entre 1622 et 1725. Il associe aussi bien François Couperin qu’Élisabeth Jacquet de La Guerre, Rameau que Senaillé, Purcell qu’Haendel, et les peu connus Sieur Demachy ou Nicolas Hotman, sans oublier les anonymes. Dans des pièces conséquentes comme des morceaux brefs. Avec comme fil conducteur des morceaux de viole de gambe distillés avec infiniment de poésie par Myriam Rignol, et empruntés à Demachy, Sainte-Colombe ou Hotman. Christie fait équipe avec l’un ou les autres, selon les étapes d’un parcours habilement conçu. Ainsi avec son complice claveciniste Taylor, joue-t-il « Musette de Choisy-Musette de Taverny », pages étourdissantes de plus en plus rapides. Mais aussi une pièce de Purcell, un « Ground » en Do mineur richement ornementé. Le duo avec le violon de Langlois de Swarte s’épanouit par exemple dans le morceau « Les tendres plaintes » de Rameau.
Quant aux œuvres plus consistantes, on citera la Sonate pour violon et basse continue de Jean-Baptiste Senaillé (1687-1730), un auteur que Christie avait déjà tiré de l’oubli dans un précédent CD avec Langlois de Swarte : en 4 mouvements et seulement huit minutes se succèdent un Adagio résolu, un vif Allegro, une Allemande mystérieuse et une Gigue entraînante. D’Élisabeth Jacquet de La Guerre, compositrice désormais sortie de son purgatoire, on entend une Sonate pour violon et basse continue en Ré mineur (1707), riche de six mouvements qui, après un Prélude expressif, alternent vif et lent, dont une Aria confiant au violon une mélodie emplie de tendresse et d’une note d’abandon. Assurant la basse continue avec Rignol et Dunford, Christie confie la partie soliste à Langlois de Swarte dans le premier cas, et à Resche-Caserta dans le second.
Côté chant, on découvre quelques morceaux amusants ou attendrissants que distillent la soprano Gwendoline Blondeel et la mezzo-soprano Juliette Mey, voire les deux réunies pour égrener ces pièces singulières appelées « Brunettes », enrichissant encore un éblouissant programme jubilatoire.
Référence : AJU016q6
