Younès Rahmoun, « Hijra »

Publié le 09/04/2018

Younès Rahmoun, Détail Markib-Manzil, 2015, Courtesy de l’artiste et Galerie Imane.

Galerie Imane Farès

Le travail de Younès Rahmoun se développe, à travers la création artistique, ses interrogations et sa foi, dans le singulier mouvement des artistes contemporains du monde arabe. Singulier dans le sens où Younès Rahmoun relie sa vie artistique à  l’Islam, dans une approche spirituelle, où sa symbolique, ses fondements et le sens des mots qu’il emploie nous interpellent. Il y a aussi son regard qui se pose sur les événements actuels qui traversent le Maghreb et le Machrek.

L’utilisation des mots : Jabal, Hajar, Turab… Habba, Hijra, Ghorfa… Mawja, Markib, Manzil…, c’est-à-dire : Montagne, Pierre, Poussière… Grain, Migration, Chambre… Vague, Bateau, Maison…  nomment les sources scripturaires de l’Islam. En effet, Hijra c’est l’Hégire, l’émigration du prophète Mahomet, de La Mecque à Médine, en 922, et le début du calendrier lunaire islamique. Le mot Hijra exprime aussi l’émigration des hommes ou la migration (en mouvement constant) des éléments de la nature. Younès Rahmoun souligne : « Dans Hijra, je parle des membres de ma famille qui vivent en Espagne, je parle des Africains, des Syriens, de l’actualité, mais aussi plus généralement du déplacement des éléments de l’univers… Pour moi, qu’il s’agisse des esclaves, des Rifains partis en Europe pour gagner leur vie, ou du prophète Muhammad, tout cela a un sens, comme les planètes quand elles se déplacent dans l’univers, ou les atomes à leur échelle. Et les êtres humains, les animaux, les graines qui voyagent et qui donnent la vie, les insectes, le vent et l’eau ; tout est en mouvement perpétuel. Et les montagnes aussi ».

La caractéristique de son actuelle exposition, à la galerie Imane Farès, on le comprendra, est le mouvement et le déplacement. Le déplacement des planètes autour du soleil ; le mouvement (qui est interne) des pierres, qui paraissent inertes pour la plupart d’entre nous, ou le mouvement du flux et du reflux des vagues.

Younès Rahmoun, Jabal-Hajar-Turâb, 2017.

Galerie Imane Farès

Une installation nous est proposée au sous-sol de la galerie. Elle est composée d’une grande table sur laquelle est projetée une vidéo montrant une barque (Mawja) sur laquelle est placée une maison en bois, verre et plastique (Markib-Manzil), flottant sur une mer tumultueuse, et à la dérive. On pensera aussitôt à l’arche de Noé qui, dans le mouvement destructeur du déluge, s’échouera à un moment sur une montagne pour perpétuer les mouvements de la vie avec les animaux et les humains qu’elle emporta.

Younès Rahmoun, de performances en installations s’est engagé dans le jeu de la chambre-maison qu’il utilise comme un espace de travail, d’exposition et de méditation. Et loin de la déambulation folle des humains, sa quête consiste à retrouver la juste échelle et la place du corps, assis ou en mouvement.

« Mais dans mon œuvre, dit-il encore, ce que je veux vraiment révéler, c’est plutôt l’humain, et mon échelle par rapport à l’univers. » Le mot Ghorfa a les dimensions d’un corps qui est assis, et les sept pierres échangées de Hijra, une fois rassemblées dans les paumes des deux mains ont la forme et la taille d’un cœur.

 

LPA 09 Avr. 2018, n° 134u6, p.20

Référence : LPA 09 Avr. 2018, n° 134u6, p.20

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