TJ de Nanterre : « À aucun moment, j’ai posé ma main sur sa poitrine ! »

Publié le 10/12/2024
TJ de Nanterre : « À aucun moment, j’ai posé ma main sur sa poitrine ! »
Oleg/AdobeStock

En pleine rue, un homme en état d’ivresse a agressé sexuellement une adolescente en posant la main sur sa poitrine. Devant le tribunal judiciaire, il a affirmé ne pas se souvenir du geste en tant que tel, mais a regretté son comportement.

Monsieur B. entre dans le box de la 16e chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Nanterre. Ce trentenaire à l’allure très juvénile comparait pour des faits d’agression sexuelle, qui se sont déroulés à La Défense quelques mois plus tôt.

La scène s’est déroulée pendant les Jeux olympiques, non loin des épreuves qui se déroulaient au stade Paris la Défense Arena. Les alentours du centre commercial des Quatre Temps sont alors bondés. Des policiers de la brigade des réseaux de transport ont aperçu deux hommes en train d’importuner plusieurs femmes en se postant devant elles, puis en les insultant quand celles-ci n’étaient pas réceptives à leurs lourdes tentatives de les aborder. L’un des deux individus a été aperçu devant un groupe de trois jeunes filles, il s’est approché de l’une d’elles et a posé une main sur sa poitrine. Il a été interpellé.

Aux policiers, la jeune fille a raconté que l’homme lui a demandé si elle était célibataire avant que l’une de ses amies n’intervienne pour la décaler de sa portée. Ce n’est qu’après coup qu’elle a réalisé que l’homme lui avait touché le sein avec la paume de la main. Le témoignage de son amie a confirmé sa version. Sur les images de vidéosurveillance, on distingue un homme se diriger vers la victime, porter la main à son niveau, sans pour autant voir s’il touche effectivement sa poitrine.

« C’est une manière normale d’aborder les gens ? »

Quelle est la version de Monsieur B. désormais, lui qui a contesté les faits dès le départ ?

– « J’ai posé ma main, j’ai dit « scuse-moi, scuse-moi », à aucun moment, j’ai posé ma main sur sa poitrine !

– Le policier se trompe ? La jeune fille se trompe ?

– Je sais pas comment vous expliquer. Je me rappelle pas d’avoir posé ma main sur sa poitrine !

– Pourquoi vous abordez des jeunes femmes dans la rue ?

– Je sais pas, j’étais avec des gens. J’aurais pas dû faire ça, c’est l’alcool qui m’a emporté. »

Il insiste en outre sur le fait qu’il ignorait que la jeune fille était mineure. Mais le ministère public ne s’en laisse pas conter :

– « Vous vous souvenez de ce que vous dites aux femmes que vous croisez ce jour-là ?

– T’as quel âge, t’es célibataire…

– Pourquoi vous vous sentez obligé de les insulter ensuite ?

– Je sais pas quoi vous répondre…

– C’est une manière normale d’aborder les gens ? Ça a quel effet sur les jeunes femmes ?

– Je regrette, j’ai jamais fait ça de ma vie ».

Il y a 33 mentions au casier de Monsieur B., bientôt 34. « C’est énorme », souffle le juge. Des vols, des faits d’outrage, de rébellion. « Comment on explique un casier aussi fourni ? » La réponse est un classique : « J’ai des mauvaises fréquentations, on m’a envoyé faire des choses », se justifie le prévenu.

L’examen psychiatrique effectué en garde à vue a montré un trouble schizoïde. Reste que son jugement n’était ni altéré, ni aboli. Hébergé chez ses parents, Monsieur B. se retrouve régulièrement dehors et doit appeler le 115 pour espérer dormir à l’abri. Il a été diagnostiqué schizophrène et bipolaire et est sous traitement. Il consomme de l’alcool quotidiennement.

« Le ministère public claironne l’évidence »

Dans ce lourd palmarès, la partie civile tient à souligner l’existence d’une condamnation pour exhibition sexuelle. Dans le cas de cette agression sexuelle, l’infraction est caractérisée, le récit de A., la jeune victime, corroboré par celui de son amie, auquel s’ajoute la vidéosurveillance. « A. a été un peu choquée sur le moment, elle y a beaucoup pensé. Pourquoi moi ? c’est la question qui est revenue dans sa tête, un classique pour une mineure victime d’agression sexuelle. Elle a aussi exprimé que c’est du passé, mais demande une interdiction de contact et a formulé une demande d’indemnité pour préjudice psychologique. »

La procureure détaille à son tour chaque élément conduisant à reconnaître la responsabilité du prévenu. « Ces faits n’arrivent pas par hasard : pendant vingt minutes, il a eu un comportement agressif, insultant envers les femmes. » Elle s’inquiète de son positionnement sur les faits : il se dédouane sur sa consommation excessive d’alcool, il ne se remet pas en cause, n’a pas beaucoup de recul. Elle requiert une peine de quatre mois avec mandat de dépôt et la révocation de son sursis probatoire à hauteur de trois mois.

« Je suis interloqué par la façon dont le ministère public claironne l’évidence », s’étonne la défense. « Mon client est capable d’expliquer qu’il a importuné, mais sur l’agression il n’en a aucun souvenir. » Il s’interroge sur la réalisation a posteriori de la victime d’avoir été touché au niveau de la poitrine, le manque de visibilité du policier pour distinguer où la main du prévenu s’est posée. « Notre cerveau a une capacité à conclure les espaces, il fait la jonction comme au cinéma. » Oui, son client a eu une attitude agressive, mais est-elle à caractère sexuel ? Il s’insurge enfin contre le rappel de cette condamnation pour exhibition sexuelle, sans rapport, puisque son client avait été interpellé en train d’uriner sur la voie publique. Il suggère la requalification des faits.

Monsieur B. conteste jusqu’au bout mais fait part de ses regrets à la jeune victime, absente de l’audience. Il est condamné à deux mois d’emprisonnement aménageables et ne sera pas inscrit au Fijais.

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