CementLab, un outil dédié à l’innovation collaborative dans la construction

Publié le 23/08/2019

En janvier 2018, le CementLab voyait le jour, initié par le Syndicat français de l’industrie cimentière. Véritable laboratoire d’idées lancé par un secteur voué à embrasser le tournant numérique mais aussi écologique, afin d’adapter son offre et ses pratiques aux impératifs du marché, le CementLab permet aux différents acteurs du secteur cimentier comme de la construction (architectes, ingénieurs, étudiants, cimentiers, constructeurs, bureaux d’étude et d’ingénierie…) de mutualiser les idées lors de rencontres régulières. Des thématiques comme le développement durable ou l’économie circulaire – des nécessités pour l’une des industries les plus polluantes – sont abordées, et envisagées du début à la fin de la chaîne. L’occasion de favoriser les échanges et la mise en commun des cerveaux.

Il y a deux ans, le ciment, innovation technologique qui a changé le visage du monde, fêtait ses deux cents ans en grande pompe. Le point d’orgue de cette célébration prit place en 2017, lors d’un colloque scientifique à l’Unesco. L’occasion d’une réflexion engagée sur le ciment, « en jetant un regard sur son passé mais surtout sur son avenir », précise Estelle Réveillard, directrice de la communication du Syndicat français de l’industrie cimentière (SFIC). À une période charnière de son histoire, l’avenir du ciment ne se fera pas sans prendre un virage numérique et écologique.

Ainsi c’est précisément à l’initiative du SFIC qu’est née  l’idée du CementLab. Outil de réflexion collective, il facilite les rencontres entre les différents acteurs du secteur cimentier, et, de façon plus large, de la construction. Clairement, « il existait un besoin de communication et d’échanges plus approfondis afin de permettre plus de transversalité, d’échanger des idées. C’est en discutant qu’on peut avoir une idée plus pertinente », explique-t-elle encore, valorisant les vertus de l’intelligence collective. Si le lancement officiel du CementLab a été organisé à Station F en janvier 2018, c’est pour deux raisons : « Tout d’abord Station F est un haut lieu du numérique, un lieu du rassemblement des nouvelles idées et de l’innovation, avec une portée internationale.  Ensuite, son ‘’F’’ pour Freyssinet. Aux yeux des cimentiers, Station F se pare d’une aura particulière car il s’agit d’un ouvrage d’art symbolique pour notre industrie, comme un lieu innovant, qui permettra d’économiser le matériau à l’avenir ».

Lors de sa troisième édition à l’occasion de la Semaine de l’industrie, en mars dernier, des étudiants de l’École spéciale des travaux publics (ESTP), des start-ups étaient ainsi invitées à « pitcher » auprès des acteurs du génie civil, tandis qu’un autre temps fort tournait autour d’un hackathon ayant pour thème « Le bâtiment du futur ». La 4e édition, autour de l’économie circulaire (le 16 mai dernier) a été l’occasion de parler de la mobilisation des industriels pour une réduction de leur empreinte carbone. Optimiser la chaîne de valorisation des matières des chantiers, explorer la récupération de la chaleur perdue ou encore développer le réemploi des matériaux, constituaient autant de pistes de réflexion à encourager.

Une nécessité d’autant plus pertinente depuis la signature du « Comité stratégique de filière des industries pour la construction », notamment avec un projet structurant « Bâtiment zéro-déchet ». Ce comité, sous l’égide de plusieurs ministères (environnement, cohésion des territoires, économie) s’intéresse aux bâtiments réversibles et modulables, au logement durable, au problème des « passoires thermiques »… Dans l’idée de faire de la construction, secteur aux 1,4 million de salariés et 600 000 entreprises, un moteur dans la transition énergétique et écologique.

L’enjeu crucial de l’écologie

L’industrie cimentière, responsable de 5 à 6 % des émissions de gaz à effet de serre dans le monde et deuxième plus grosse consommatrice d’énergie, doit poursuivre ses efforts. « Concernant la transition écologique, l’industrie cimentière fait, depuis près de quatre décennies, un gros travail pour diminuer son empreinte carbone », estime encore Estelle Réveillard. Les objectifs ont même été chiffrés : la filière voudrait la réduire par cinq d’ici 2050 ! Mais si des efforts ont été notés depuis les Accords de Paris sur le Climat (2016), force est de constater que la filière devrait multiplier les initiatives pour réellement atteindre ces objectifs. Les entreprises françaises sont également concernées. Car avec un ciment présent partout, – 18 000 tonnes sont produites chaque année dans l’Hexagone – des parkings, aux ponts, en passant par les bâtiments ou les métros, comment faire pour que ces émissions n’explosent pas ?

Les acteurs cimentiers se sont lancés dans le défi de l’économie circulaire et ambitionnent de remplacer les matériaux fossiles par des déchets. « En 2017, le taux de substitution des matériaux fossiles (coke de pétrole, charbon, fioul lourd…) par des combustibles de substitution (huiles usées, bois broyé, boue de station d’épuration…) est de 44 %. L’objectif est d’atteindre 50 % d’ici 2025 ».

Des nouveaux ciments sont en cours de normalisation (réduction de l’empreinte environnementale de 35 à 65 % par rapport au ciment CEM I, le ciment utilisé pour les ouvrages d’art) ou encore les LC3, dont la résistance physique est supérieure aux ciments actuels et l’empreinte écologique encore plus faible. Ces innovations résultent d’investissements très lourds de la part des groupes cimentiers.

Favoriser l’intelligence collective

Les défis du secteur sont tellement importants que toute bonne idée est bienvenue. D’où le rôle crucial du CementLab. Joël Cuny, directeur des études à l’ESTP, est ravi d’avoir accueilli la 3e édition du CementLab dans les murs de son école. « Notre but est de développer la production de connaissances à travers des activités de recherche et de développer l’enseignement sur les les systèmes constructifs, les process, les matériaux… ». Mais l’ESTP espère aussi offrir à ses étudiants les compétences essentielles pour les ingénieurs que sont la capacité d’innovation et l’entrepreneuriat. « Ainsi, nous souhaitons sensibiliser les élèves à l’innovation, à l’idéation et pouvoir accompagner tous les élèves ingénieurs, dans la reprise ou le lancement d’activités, dont beaucoup sont liées aux start-ups », précise-t-il. Dans ce microcosme, il existe aussi des PME et TPME lancées à travers des incubateurs (comme l’incubateur Léonard, la plate-forme prospective et d’innovation du groupe VINCI), précise le directeur de l’ESTP. Le CementLab permet de concrétiser ces espoirs. « Lors du hackathon sur le ‘’Bâtiment du futur’’, 600 élèves répartis en groupes de 100, ont mis au point un scnéario avec cohésion, en équipe, afin de les mettre en condition pour créer une entreprise ». À ses yeux, il est clair que « la motivation des élèves présents était forte : au sein de cette génération, le positionnement social ou écologique est important ». Ils seront sans doute les mieux placés à l’avenir pour participer à la transition écologique dont le secteur a besoin.

LPA 23 Août. 2019, n° 146y3, p.4

Référence : LPA 23 Août. 2019, n° 146y3, p.4

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