Val-de-Marne (94)

Les festivals dans le Val-de-Marne : des laboratoires pour l’accessibilité et la réduction de l’impact carbone

Publié le 24/07/2023
Les festivals dans le Val-de-Marne : des laboratoires pour l’accessibilité et la réduction de l’impact carbone
Anton Gvozdikov/AdobeStock

La Région Île-de-France accueille de nombreux grands festivals de musique pendant la période estivale. La concurrence et les exigences actuelles imposent aux productions de faire preuve de plus en plus d’ingéniosité pour réduire l’impact environnemental des festivités et les rendre positives, en termes sociaux. L’exemple notamment avec Peacock qui s’est tenu dans le parc de Choisy (94).

Si les Vieilles charrues, les Eurockéennes de Belfort ou les Francofolies de la Rochelle attirent des milliers de spectateurs aux quatre coins de la France, l’Île-de-France centralise encore de très nombreux rendez-vous musicaux, et ce depuis de longues années. We Love Green occupe les pelouses verdoyantes du Bois de Vincennes, Rock en Seine squatte le parc de Saint-Cloud. Comme les Solidays, l’américain Lollapalooza remplit l’hippodrome de Longchamp, à l’intérieur du Bois de Boulogne. Pour sa douzième année, le Fnac Live Paris est, quant à lui, revenu sur le parvis de l’Hôtel de Ville de Paris. Peacock et le tout jeune Yard Land ont trouvé leur bonheur sur les pelouses du parc de Choisy : prévus sur les deux premiers week-ends de juillet (la première édition de Yard Land, mettant en valeur la scène rap, ayant finalement été annulée à cause des émeutes urbaines), ils ont donné un coup de fouet à la tranquille cité de la petite couronne. En septembre, l’Eletrik Park, festival de musique électronique, occupera l’Île des impressionnistes à Chatou.

Aussi sympathiques que soient ces méga productions, elles n’en sont pas moins des entreprises très polluantes. En France, un festival de 50 000 spectateurs c’est 1 000 tonnes de Co2, l’équivalent de 400 allers-retours Paris/New York… De même, qu’il s’agisse de sites dans la nature, dans des bois ou des hippodromes, les festivals ont longtemps été missions impossibles pour les amateurs de musique porteurs de handicap. Alors forcément, à mesure que les productions ont commencé à prendre en considération une politique RSE à travers toute l’Europe et en France (le Cabaret Vert et les Transmusicales de Rennes en premier lieu), les festivals franciliens ont dû se mettre au diapason. Le groupe Malakoff Médéric, spécialisé dans la protection sociale, accompagne 18 festivals, dont We Love Green, Solidays ou encore Rock en Seine, dans la mise en place d’une véritable stratégie en la matière. « Cela devient un incontournable, comme le sont les questions environnementales ; les acteurs s’engagent de plus en plus. Il n’y a pas d’enjeu concurrentiel entre les festivals sur ce sujet », a expliqué Pascal Andrieux, directeur de la Fondation Malakoff Humanis handicap, qui voit les organisateurs partager leurs bonnes pratiques.

En 2011, la première édition du festival We Love Green faisait date, alors installée au bois de Boulogne. Dès le départ, l’idée est de réconcilier responsabilité environnementale et grand spectacle. Pari gagné : en 2019, le festival reçoit le prix de la meilleure sensibilisation environnementale. Dans le Val-de-Marne, la production We Love Art a essayé d’appliquer la même politique avec les festivals Yard land et Peacock Society. Les festivals peuvent-ils être des laboratoires pour changer les usages et améliorer le vivre ensemble ? Actu-Juridique a interrogé Marianne Hocquard, responsable développement durable et des relations institutionnelles Festival We love Green, et Marie de la Giraudière, responsable des contenus développement durable et projets européens Festival We Love Green.

Actu-Juridique : Comment avez-vous anticipé la contrainte environnementale pour vos festivals franciliens, en particulier ceux prévus à Choisy-le-Roi ?

Marianne Hocquard : We Love Green a été créé avec l’envie de faire un événement avec l’impact environnemental le plus réduit possible et avec un impact social positif. C’est une démarche de transmission et de sensibilisation au public, pour faire prendre conscience de l’impact environnemental de l’industrie du divertissement. Nous n’utilisons aucun générateur à diesel, dès le début nous avions mis en place des ecocup, côté catering et restauration, il s’agit de sources d’approvisionnement locales avec une charte stricte. Dès le départ nous avons mis en place de l’eau gratuitement. Cette année, nous proposions des gourdes consignées avec « Eau de Paris », ainsi que de la vaisselle consignée. Pour nos événements, nous regroupons beaucoup de monde sur un même lieu, il y a donc toujours un impact (80 % de l’impact environnemental d’un festival vient des déplacements du public et des artistes, NDLR). Même si nos sites – comme le Bois de Vincennes – sont bien desservis en transports en commun, nous avons choisi d’installer des parkings à vélos sécurisés. Il reste toujours 10 % du public qui vient en voiture et 1 % en avion, mais sur le site de la billetterie nous avons ajouté un simulateur d’empreinte carbone pour inciter les gens à emprunter des modes de transports doux.

Marie de la Giraudière : Pour la programmation, nous avons également privilégié des artistes locaux avec un vrai accompagnement des artistes pour des alternatives à l’avion. Cela a fonctionné pour deux artistes et leurs équipes qui sont venus en train. Nous avions aussi une vraie annexe au contrat indiquant que le festival était 100 % vegan et végétarien, qu’il y avait une puissance maximale électrique qui serait mise en place en 2024 dont le maître mot sera la sobriété… Nous nous disons qu’avec de petites avancées et de petites victoires, on peut participer à changer les choses dans le monde des festivals européens.

AJ : Quand on consulte les sites internet de vos événements, on constate qu’une grande importance est donnée à l’accessibilité, avec plusieurs types d’accompagnements, en partenariat avec des associations, des scènes spéciales, des outils, des accueils différenciés, des lignes téléphoniques pour s’organiser en amont… Comment travaillez-vous à améliorer la prise en charge de l’accueil pour tous et toutes dans les festivals ?

Marie de la Giraudière : Encore une fois, c’est une volonté initiale. Mais au-delà des idéaux, tout dépend de la taille des festivals : plus ils sont grands, plus c’est un challenge d’accueillir les personnes en situation de handicap. Pour Peacock et Yard, dans le parc de Choisy (environ 30 000 personnes contre 100 000 pour We Love Green, NDLR), on a plus de place, plus de disponibilité pour faire du sur-mesure… Pour une production comme We Love green, nous avons beaucoup de choses à mettre en place pour que tout le monde vive la même expérience. On teste des choses, c’est un vrai laboratoire ! En plus des outils traditionnels, les restaurants et toilettes accessibles, la plateforme, la signalétique, la navette PMR ou l’adresse email dédiée pour préparer les choses en amont, on a mis en place un cheminement spécifique. Une association accueille les personnes, et on a depuis l’année dernière investi dans une boucle magnétique (pour permettre aux personnes aux oreilles appareillées d’entendre la même chose que tout le monde). On a aussi mis à disposition des sondes et des gilets vibrants pour faire de la sensibilisation auprès des personnes valides, les sensibiliser au handicap.

AJ : Le fait que vos événements se déroulent en Île-de-France est-il une contrainte ou un avantage pour mettre tous ces défis de responsabilité sociale et environnementale en place ?

Marianne Hocquard : La principale difficulté que nous rencontrons, concernant le fait que nous nous sommes implantés en Île-de-France, c’est que nous sommes sur des conventions d’occupation très temporaires. Il nous est impossible de nous lancer dans des investissements à long terme, alors qu’il serait intéressant de se projeter pour la durabilité pour décarboner encore plus notre mix énergétique. On pourrait nous raccorder par exemple aux réseaux électriques ou d’eau potable, investir dans des cheminements pérennes et qui s’inscrivent bien dans le cadre naturel (car les stocks de cheminements en location sont très limités dans la région). C’est ce que certains festivals, comme les Eurockéennes de Belfort, peuvent mettre en place, car ils ont des conventions de long terme avec la région, qui ne sont jamais remises en question. Pour nos événements, qu’il s’agisse de Paris (Bois de Vincennes) ou du parc de Choisy (géré par un syndicat mixte du département du Val-de-Marne et de la ville de Paris), nous devons toujours répondre à un appel à manifestation, ce qui suppose l’incertitude liée à tous les marchés publics.

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