Délai excessif d’instruction d’un titre de séjour étudiant : le juge des référés de Versailles enjoint la préfecture d’agir

Le 21 mai 2025, par une ordonnance rendue sur le fondement de l’article L. 521-3 du Code de justice administrative, le juge des référés du tribunal administratif de Versailles a enjoint à la préfète de l’Essonne d’examiner, dans un délai d’un mois, la demande de renouvellement de titre de séjour d’un étudiant algérien. La décision consacre, de manière claire et utile, le caractère manifestement excessif d’un délai de 18 mois laissé sans réponse par l’administration.
Le requérant, étudiant en master de sécurité informatique et titulaire d’un certificat de résidence algérien valable jusqu’en décembre 2023, avait déposé sa demande de renouvellement le 11 octobre 2023. Malgré les démarches engagées et les relances effectuées, la préfecture n’avait toujours pas statué à la date de l’ordonnance, se contentant de lui délivrer des attestations successives de prolongation d’instruction.
Cette carence administrative n’a pas seulement affecté sa situation personnelle : elle a compromis la finalisation de sa scolarité et mis en péril son contrat d’apprentissage. Privé d’un titre en cours de validité ou de toute décision, l’étudiant se trouvait dans l’impossibilité d’attester de la régularité de son séjour, condition pourtant indispensable pour valider son année universitaire.
Un contexte d’urgence et une mesure utile
Saisi en référé sur le fondement de l’article L. 521-3 du Code de justice administrative, qui permet au juge d’ordonner en urgence toute mesure utile ne faisant pas obstacle à une décision administrative, le tribunal a admis l’urgence de la situation, soulignant les conséquences concrètes sur la vie étudiante et professionnelle du requérant. Le caractère utile de l’injonction ne faisait, selon le juge, aucun doute.
La préfecture, notifiée de la procédure, n’a pas présenté de mémoire en défense. Ce silence, ajouté à l’absence de justification quant à la durée d’instruction, a renforcé l’analyse du juge sur l’anormalité du délai.
L’ordonnance relève expressément que « la demande de renouvellement est pendante depuis plus de dix-huit mois » et que cette inertie constitue un « délai anormalement long » qui place l’intéressé « dans une situation administrative précaire ». Cette carence est jugée suffisamment grave pour justifier une injonction.
Une ordonnance plus nuancée que l’avis récemment rendu par le Conseil d’État
Dans son avis n° 499904, rendu le 6 mai 2025, le Conseil d’État considère que « la circonstance qu’un étranger se soit vu délivrer ou renouveler un récépissé ou une attestation de prolongation de l’instruction pour une durée supérieure [à quatre mois] ou postérieurement à l’expiration de ce délai ne fait pas obstacle à la naissance ou au maintien de la décision implicite de refus née du silence gardé par l’administration au terme ce délai ».
Dans cet avis, le Conseil d’État semble inviter le demandeur qui n’a pas obtenu de réponse de la préfecture, au-delà du délai de quatre mois suivant le dépôt de sa demande de renouvellement de titre de séjour, à attaquer cette décision implicite de refus, quand bien même il se voit régulièrement délivrer des autorisations de prolongation d’instruction de trois mois.
La voie contentieuse à suivre serait donc celle du recours en annulation, assorti d’un référé suspension, l’urgence étant présumée en matière de renouvellement de titre de séjour.
Le juge des référés du tribunal administratif de Versailles retient pourtant une autre voie en considérant, au regard des faits particuliers de l’espèce, que la demande de renouvellement est toujours en cours d’instruction et que, malgré les 18 mois écoulés depuis le dépôt de la demande de renouvellement, aucune décision implicite de rejet n’est née.
Une avancée pour les droits des étudiants étrangers
Cette ordonnance constitue une avancée précieuse pour les étudiants étrangers, régulièrement confrontés à des délais d’instruction longs et incertains.
Elle vient rappeler qu’un refus implicite ne naît pas automatiquement au bout du délai de quatre mois suivant le dépôt de la demande de renouvellement, dès lors qu’il existe des éléments circonstanciés permettant au juge de présumer que la demande est toujours en cours d’instruction.
En l’occurrence, le requérant prouvait qu’il avait à de nombreuses reprises relancé la préfecture sur l’état de l’instruction de sa demande, sans que cette dernière ne l’informe à aucun moment que sa demande aurait été rejetée. Bien au contraire, la préfecture lui délivrait tous les trois mois des attestations de prolongation d’instruction.
Elle illustre également l’utilité du référé mesures utiles (article L. 521-3 du Code de justice administrative) pour débloquer une situation administrative enrayée.
Il sera intéressant d’observer le positionnement d’autres tribunaux administratifs sur cette question à l’avenir.
Référence : AJU017m7
