Retraites des avocats : un dialogue de sourds

Publié le 05/02/2020

A l’issue de la réunion qui s’est tenue à Matignon hier soir, le communiqué du Premier ministre a été qualifié de « regrettable » par la présidente du Conseil national des Barreaux Christiane Féral-Schuhl. Le sentiment d’un dialogue de sourds entre le gouvernement et les avocats se confirme. 

Le résultat de la réunion à Matignon des représentants de la profession d’avocat sur le dossier sensible des retraites était attendu avec impatience mardi soir. Au départ, cette rencontre avec Edouard Philippe devait avoir lieu dimanche 2 février en fin de journée, mais elle avait finalement été reportée à la demande du Premier ministre.

Des milliers d’avocats dans la rue

La profession d’avocat en avait déduit qu’elle devait se livrer à une véritable démonstration de force lors de la manifestation du collectif SOS Retraites prévue le lendemain 3 février. Lundi soir, les organisateurs comptabilisaient 15 000 participants (7500 selon la police).

Retraites des avocats : un dialogue de sourds
Manifestation du collectif SOS Retraites 3 février 2020 (Photo : ©P. Cluzeau)

Mardi à 22h30, les trois institutions représentant la profession ont publié  un communiqué de presse commun. Le ton est sec. On n’y trouve mention d’aucune avancée concrète, mais comme à l’habitude, l’annonce de possibles nouveaux éléments dans les jours qui viennent.

Retraites des avocats : un dialogue de sourds
Communiqué de presse du 4 février

Le communiqué de Matignon qualifié de « regrettable »

Une heure plus tard,  Christiane Féral-Schuhl tweete le communiqué de presse du gouvernement, qu’elle qualifie de « regrettable » :

 

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Réaction de Christiane Féral-Schuhl sur Twitter à la parution du communiqué de Matignon

Eléments de langage

Et pour cause. Matignon y  réaffirme que les avocats entreront dans le système universel. Or c’est sur ce point fondamental que toutes les négociations achoppent depuis le départ. Ils veulent conserver leur caisse autonome, tant pour des questions de principe liées à leur indépendance, que pour des raisons économiques. Toutes leurs projections montrent en effet que la réforme aura à plus ou moins long terme un impact négatif sur les cabinets les plus fragiles.

Le communiqué rappelle ensuite les éléments proposés à la négociation par le gouvernement depuis longtemps, comme si la réunion de mardi soir n’avait servi à rien :

  • un abattement de 30% sur les prélèvements sociaux et la CSG,
  • l’accompagnement de la trajectoire de cotisations,
  • le rôle maintenu de la CNBF dans le dispositif.

Dans ces conditions, qu’attendre de la lettre annoncée le 6 février puisque le gouvernement en revient sempiternellement aux mêmes éléments de langage, se demande-t-on du côté des avocats.

L’abattement sécurisé

La seule maigre avancée jusqu’à présent a été le dépôt par le gouvernement d’un amendement en commission spéciale qui acte le principe de l’abattement et son taux de 30%. La profession soulignait depuis des semaines que seule une disposition législative pouvait garantir le système. Mais pour le reste, le scénario demeure le même : les avocats intègrent le régime universel et n’ont d’autre choix, s’ils veulent en atténuer l’impact, que d’utiliser leurs réserves pour lisser les effets de la réforme.

La hausse des pensions promise dégringole de 25% à 13%

Il y a un autre point noir dans ce communiqué, la hausse des pensions promise. « Il y a quelques mois, nos pensions étaient censées augmenter de 25%, puis c’est passé à 15%. Maintenant on est à 13%. Si on continue d’aller aux réunions, on va tomber dans des taux négatifs » ironise un proche du dossier.

Retraites des avocats : un dialogue de sourds
La manifestation des avocats place de la République le 3 février 2020 (Photo : ©P. Cluzeau)

Prochaine étape : le courrier d’Edouard Philippe à la profession attendu jeudi. Entre temps, de nombreux barreaux ont voté hier la reconduction de la grève dure jusqu’à la fin de la semaine.  Le communiqué de Matignon risque de faire monter la colère encore d’un cran.  Le CNB quant à lui décidera en assemblée générale vendredi la suite qu’il convient de donner au mouvement. En l’état, seules des propositions très fortes auraient une chance de sonner la fin du mouvement…Mais le gouvernement quant à lui semble décidé à miser sur l’usure. La grève dure depuis maintenant plus d’un mois.

 

 

 

 

 

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