À Bobigny, la rentrée d’un tribunal en plein essor

Publié le 21/02/2019

L’audience solennelle de rentrée du tribunal de commerce de Bobigny s’est tenue le 23 janvier dernier devant un public nombreux. Pour accueillir ceux qui étaient restés dehors, une retransmission vidéo était assurée dans une autre salle. Fabienne Klein-Donati, procureure de la République, et Francis Griveaux, président du tribunal de commerce, ont rendu un hommage à l’efficacité des juges consulaires et ont souligné le dynamisme du département et de la juridiction.

Ils sont rentrés dans la salle en file indienne, cinq hommes et deux femmes dont les longues chevelures blondes dépassaient du petit chapeau noir. Ils ne savaient pas trop que faire, ni où prendre place. Francis Griveaux, le jovial président du tribunal de commerce de Bobigny, leur a soufflé leur texte afin qu’ils demandent, selon la formule rituelle, « à être installés dans leurs fonctions ». Ces sept nouveaux juges du tribunal de commerce de Bobigny, qui assistaient à leur première audience de rentrée, s’exécutèrent. « Avec deux femmes, la promotion 2019 contribue à la féminisation du tribunal », souligna le président Francis Griveaux. « Sans atteindre la parité, nous sommes sur la bonne voie », ajouta-t-il, provoquant quelques rires et remous dans l’assemblée venue assister à la rentrée d’un tribunal très majoritairement composé d’hommes aux cheveux grisonnants.

L’élection de ces nouveaux juges fut l’un des éléments majeurs de la rentrée du tribunal. « Dès à présent j’ai pu apprécier la volonté et la disponibilité de ces nouveaux juges qui ont participé chaque semaine à des formations, soit à l’ENM soit au sein de notre tribunal grâce à nos juges formateurs », déclara à leur sujet Francis Griveaux. Le président tint ensuite à les présenter un à un. On apprit ainsi que, parmi ces nouveaux venus, se trouvaient une restauratrice, un agent immobilier, une auxiliaire de vie au service des personnes âgées, un vendeur de matériel de bureautique, ainsi que deux juges en provenance de Créteil et de Pontoise qui rejoignaient la juridiction de Bobigny après 14 ans dans leurs précédents tribunaux. « La richesse d’un tribunal de commerce vient de la diversité des métiers représentés », insista Francis Griveaux. « Je vous souhaite la bienvenue dans ce tribunal dont vous faites désormais partie », leur dit-il, avant qu’ils ne prennent place au premier rang.

Passé ce chaleureux mot d’accueil, vint l’heure du traditionnel bilan de l’année écoulée. C’est alors Fabienne Klein-Donati, procureure de Seine-Saint-Denis qui prit la parole. Elle commença par souligner l’incroyable dynamisme du 93, prédisant que celui-ci, porté par le Grand Paris, l’arrivée des Jeux olympiques et un prix du foncier encore relativement accessible par rapport à ceux des départements voisins, n’était pas près de s’arrêter. De ce dynamisme, elle souligna « qu’il oblige ». « La rapidité et la qualité de jugement est indispensable pour accompagner le développement économique », rappela-t-elle. La procureure rendit hommage à la qualité et la rapidité de jugement du tribunal, « indispensable pour encadrer une telle dynamique économique ».

L’activité du tribunal de commerce de Bobigny fut une fois encore soutenue en 2018. La procureure égrena quelques chiffres forts pour que chacun puisse s’en convaincre. Ainsi, souligna-t-elle, 126 554 entreprises furent inscrites au registre de commerce de Bobigny en 2018, parmi lesquelles 19 752 nouvelles immatriculations. Ces entreprises réalisèrent sur l’année 2018 plus de 120 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Bon nombre de ces structures sont cependant fragiles, nuança Fabienne Klein-Donati. Elle rappela ainsi que l’année 2018 fut marquée par 2 300 procédures collectives, engendrant 2 741 licenciements. Pas moins de 7 728 salariés durent être pris en charge par les AGS. « Ces chiffres soulignent l’importance des conséquences humaines liées à l’activité de votre juridiction », rappela-t-elle. Elle insista sur le « rôle essentiel de la juridiction commerciale en amont et en prévention des difficultés des entreprises » et rappela qu’en sa qualité de tribunal spécialisé, le tribunal de commerce de Bobigny avait traité 37 dossiers de mandats ad hoc et de conciliation. « Cela permit de sauver un plus grand nombre d’emplois que précédemment », commenta-t-elle, déplorant toutefois que ces demandes de sauvegardes soient « parfois trop tardives pour être pleinement efficaces ». La procureure dit ensuite un mot des mesures de sanctions prises l’année dernière, alors que 237 interdiction de gérer et 163 faillites personnelles ont été prononcées par le tribunal. « Ces sanctions participent à l’assainissement du tissu économique », estima-t-elle, incitant d’ailleurs la juridiction à aller plus loin et à recourir plus largement aux actions de comblement de passif. De son côté, elle indiqua avoir demandé au parquet d’être « plus incisif face aux agissements récurrents de certains chefs d’entreprise et de ne pas hésiter à engager des poursuites pénales ».

La représentante du ministère public profita enfin de cette audience de rentrée pour dire sa volonté d’intensifier le lien entre le parquet et le tribunal de commerce. Elle rappela qu’en 2018, la présence du parquet avait été renforcée aux audiences de procédure collective. Pour poursuivre sur cette dynamique en 2019, la procureure affirma avoir tout récemment réouvert un secrétariat commercial au sein du parquet.

Francis Griveau prit alors la parole pour détailler, à son tour, le bilan de la juridiction : « Avec 68 744 décisions rendues, le tribunal de commerce de Bobigny eut cette année encore une activité intense. Avec 126 554 entreprises inscrites au RCS, et un solde net de 4 911 immatriculations en 2018, le département de la Seine-Saint-Denis est bien, comme l’a rappelé Madame le procureur, l’un des plus dynamiques de France », confirma-t-il. Si le nombre des entreprises est stable, il souligna la hausse parmi elles de 86 % des commençants et auto-entrepreneurs.

Le président détailla le travail effectué par les 45 juges du tribunal pour, encore une fois, leur rendre hommage. « En ce qui concerne le contentieux, ceux-ci ont rendu, en 2018, 1 754 jugements au fond, soit une moyenne de plus de 4 décisions rendues par juge et par jour. La qualité de ces jugements se mesure par un taux d’appel de 4 %, et ils sont confirmés à 90 % », rappela le président. Il rappela qu’en 2019, les obligations de ces juges seront renforcées. Bien que bénévoles, ceux-ci devront suivre une formation plus conséquente qu’auparavant. « La loi rend obligatoire 8 jours de formation dans les 20 mois de l’élection, puis 2 jours chaque année », détailla-t-il, avant de rappeler que, souvent, ces juges ne peuvent exercer leur activité au tribunal de commerce que « grâce au soutien de leur entreprise ou de leur famille ».

Une des priorités du tribunal est de développer la prévention et la conciliation, en progression constante depuis plusieurs années, « mais encore insuffisantes », selon le président. Les procédures de conciliation et de mandat ad hoc, qui permettent à un chef d’entreprise en difficulté de négocier ses dettes sous l’égide d’un mandataire ou d’un conciliateur désigné par le tribunal de commerce, sont en hausse depuis plusieurs années. Le président a rappelé que 95 ouvertures de mandat ad hoc et de conciliation ont eu lieu en 2018 contre 47 en 2017. Le tribunal entend également développer la prévention. Là aussi, la tendance est bien amorcée. 750 entretiens avec des entrepreneurs en difficultés, déclenchés par l’analyse des comptes par le greffe ou par des alertes données par les experts-comptables ont été menés en 2018, contre 636 en 2017. Francis Griveaux a souhaité néanmoins rappeler que « le contentieux, où sont formés les juges à leur arrivée, demeure le socle du tribunal » et a précisé que les juges « ne peuvent être bons en procédure collective que s’ils ont été bons en contentieux » !

Le président détailla enfin les chiffres concernant les procédures collectives. Les 3 chambres du tribunal de commerce qui s’y consacrent – dotées d’un effectif de 25 juges – ont ouvert l’année dernière 2 324 procédures collectives, dont 10 sauvegardes, et 2 128 liquidations. « En prévention, on décompte 100 salariés par entreprise concernée. En redressement et en sauvegarde, 12 salariés. En liquidation : 0,6 salarié par entreprise », souligna Francis Griveaux. « Cela montre l’importance de la prévention au sein de notre tribunal ».

Sur l’activité de sanction du tribunal, le président rappela qu’elle est principalement constituée d’interdictions de gérer. Il a estimé que la mise en place du Fichier national des interdits de gérer permet de lutter plus efficacement contre la fraude. Il s’est félicité également que, dans le cadre de la lutte contre la fraude, un accord ait été pris avec l’ordre des experts-comptables afin de lutter contre l’exercice illégal de cette profession. Enfin, il a indiqué qu’en 2019, le tribunal pourrait prononcer davantage d’actions patrimoniales à l’encontre des dirigeants qui se seraient mis en infraction.

Pour clore cette rentrée, le président a eu un mot fédérateur, remerciant l’ensemble des institutions et professions associées à l’exercice de la justice commerciale : la chambre de commerce, la chambre des métiers et de l’artisanat, la banque de France, les AGS, l’URSSAF, les avocats, mandataires et administrateurs judiciaires, les huissiers ou les commissaires-priseurs furent ainsi nommés, le président estimant que la bonne intelligence entre ces différents corps permettait d’assurer « le bon déroulement des procédures ». Il remercia particulièrement le ministère public, qui, malgré une constante surcharge de travail, avait fait de son mieux pour se rendre plus présent aux audiences de procédure collective, et le greffe qui a permis d’assurer une bonne coordination entre les actions de prévention, de contentieux de procédure collective et de sanction.

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