À Melun, une année 2021 dédiée à la lutte contre les violences conjugales
Le tribunal judiciaire de Seine-et-Marne a fait sa rentrée en catimini. Après une audience sans public, les deux cheffes de juridiction avaient réuni la presse pour le traditionnel bilan de l’année 2021. Une année pendant laquelle la juridiction a redoublé d’efforts pour lutter contre les violences conjugales.
Au tribunal judiciaire de Melun, la dégradation sanitaire a désorganisé les services, en ce début d’année 2022. En isolement pour cause de Covid, la procureure n’avait pas pu se rendre à la présentation faite aux quelques journalistes présents le 24 janvier dernier. Cependant, durant l’année 2021, d’après la présidente Marie-Bénédicte Maizy, l’activité s’est déroulée de manière presque normale, malgré le maintien de mesures sanitaires strictes, et le recours dès que possible au télétravail et à la visioconférence pour les audiences correctionnelles.
« Nous avons eu à cœur de réduire les stocks et les délais en matière pénale et civile », a détaillé la présidente. L’année a été marquée par une forte reprise de l’activité civile, qui compte pour les deux tiers du travail de la juridiction. Les nouvelles affaires sont en effet passées de 6 561 en 2019 à 8 658 en 2021. Malgré des vacances de postes, notamment aux affaires familiales, « les services ont obtenu un taux de couverture de 99 % », s’est félicitée la présidente. Les délais, en revanche, se sont allongés de 0,9 mois sur un an et de 16 mois sur 2 ans. « On aurait pu mieux faire si on avait eu tous nos effectifs au siège », a-t-elle assuré.
La présidente a dénoncé en douceur le manque d’effectifs, la juridiction de Melun étant, d’après elle, relativement épargnée. « Nous avons ici des conditions matérielles plutôt satisfaisantes », a-t-elle estimé, précisant toutefois que la cour d’assises de Melun, qui sert également de cour d’assises d’appel, était trop souvent saisie par rapport à ses capacités. Malgré des vacances de postes, elle a assuré que jamais, à Melun, les magistrats ne jugeaient de nuit, et qu’elle y était fermement opposée. « S’il faut renvoyer, on renvoie », a -t-elle tranché, précisant que les délais de jugement n’étaient pas pour autant déraisonnables. Elle a apporté un soutien prudent à la tribune initié par de jeunes magistrats, qui « sans incantation aucune, réclament surtout de retrouver le sens et la reconnaissance de leurs missions, d’exercer un métier qu’ils aiment, dans une société animée, depuis plusieurs années, par une lente mais violente remise en question du socle commun qui fonde notre démocratie », a-t-elle analysé.
Les juristes assistants des sucres rapides ?
En outre, Marie-Bénédicte Maizy s’est autorisé de légères critiques concernant les renforts assurés par les juristes assistants, qualifiés de sucre rapides par le garde des Sceaux au moment de leur recrutement puisqu’ils devaient permettre de désengorger rapidement les tribunaux. « Fortement appréciés » ces « sucres rapides » n’auront, d’après elle, pas d’effet à court terme. « Ces juristes assistants sont des docteurs en droit ou des titulaires de master 2 avec deux ans d’expérience professionnelle. On leur demande de rédiger des décisions sans qu’ils n’aient aucun jour de formation, sinon ceux qui peuvent leur être prodigués au sein de la juridiction par des magistrats. Ces derniers doivent pour cela mettre de côté leur temps de rédaction. L’effet sucre rapide ne fera effet qu’à moyen terme. On table sur le courant de l’année 2022 », a-t-elle décrypté.
La lutte contre les violences conjugales est devenue la première des priorités à Melun
Comme dans d’autres juridictions, la lutte contre les violences conjugales est devenue la première des priorités à Melun. Depuis 2020, les personnes requérant une ordonnance de protection sont mieux accompagnées, avec la désignation systématique d’un avocat. La présidente de la juridiction a estimé que cet engagement avait porté ses fruits. « Le nombre de saisine n’a pas augmenté, en revanche, le nombre d’ordonnance de protection prononcée a augmenté. Sur 58 saisines, 31 ordonnances de protection ont été accordées en 2021 alors qu’en 2020, il avait été fait droit à 27 demandes sur 60 », a-t-elle rappelé. En 2021, le combat s’est poursuivi. Des audiences supplémentaires ont été créées pour juger les procédures à délai différé en matière de violence intrafamiliale. La présidente a loué un travail comportant « toujours plus de transversalité et de partage ». Présentes aux côtés de la présidente, la procureur adjointe Danièle Delorme et la substitute Laura Sinagoga, en première ligne dans ce combat, ont détaillé l’action du parquet. Celui-ci a mené un important travail de réorientation des procédures afin de réduire les délais de traitement. Un juriste assistant dédié à ce sujet a été recruté, et un certain nombre de conventions ont été signées pour mieux accompagner les victimes de violences. Ainsi, en mars 2021, le parquet, la préfecture, l’ARS, les hôpitaux de Melun et de Provins se sont mis d’accord pour favoriser la prise des plaintes au sein des établissements de santé. « Les victimes reçoivent une écoute privilégiée et sont informées que cette convention leur permet de porter plainte sans avoir à faire la démarche d’aller au commissariat », a expliqué Danièle Delorme. « Dans le même état d’esprit, nous avons explicité auprès des médecins libéraux que le secret médical peut être levé en cas de silence. Nous sommes en train de préparer une convention avec l’ordre des médecins à ce sujet, qui sera signée en mars 2022 et qui aura pour but d’encadrer les signalements ».
La substitute de la procureure a expliqué que les femmes vulnérables faisaient l’objet d’une attention particulière. « Lorsque le magistrat de permanence repère une victime à risque – une femme qui demande un retrait de plainte, ou dépendante financièrement, par exemple – il communique avec une association d’aide aux victimes, qui va accompagner cette personne jusqu’à l’audience ou permettre de mettre en place un dispositif de protection comme le « téléphone grand danger » », a-t-elle ainsi expliqué.
Cette mobilisation est plus que jamais nécessaire, l’année 2021 ayant été marquée par une augmentation des violences au sein du couple, de la famille, mais également sur la voie publique. « Plus de la moitié des affaires ouvertes devant le juge d’instruction sont de nature criminelle et les dernières affaires confirment le regain de violences entre bandes, ayant pour conséquence la mort violente de victimes de plus en plus jeunes », a alerté Marie-Bénédicte Maizy.
Le recours au juge de la liberté et de la détention a augmenté de près de 70 % à Melun
Parmi les autres chiffres saillants de l’exercice 2021, le recours au juge de la liberté et de la détention a augmenté de près de 70 % à Melun, « pas tant au titre de la détention provisoire qu’en raison du besoin de recourir davantage à la géolocalisation et aux écoutes téléphoniques dans les enquêtes pénales », a précisé la présidente.
Comme d’autres juridictions, celle de Melun, si elle espère des renforts une fois que le recensement du personnel aura eu lieu, cherche déjà par elle-même des solutions pour optimiser son fonctionnement. « Conscients des limites actuelles de l’exercice de leur mission, les magistrats et le personnel de greffe n’ont de cesse de mettre en œuvre ou d’initier tous les moyens permettant d’améliorer leurs conditions de travail », a indiqué la présidente. Elle a précisé miser sur le numérique pour gagner en efficacité. Par exemple, un outil partagé créé en 2021 entre plusieurs tribunaux du ressort de la cour d’appel de Paris doit permettre de trouver un juge d’application des peines disponible après la condamnation en correctionnelle. La numérisation se poursuivra en 2022. « Nous allons élaborer un projet qui inscrira la juridiction dans un engagement numérique sur plusieurs années », a promis la chef de juridiction, qui espère, par ce biais, construire une justice plus efficace et plus transparente.
Référence : AJU003n9