Val-de-Marne (94)

Accès au droit dans le Val-de-Marne : des besoins toujours plus importants

Publié le 21/06/2023
Accès au droit dans le Val-de-Marne : des besoins toujours plus importants
Maison de Justice et du droit de Villejuif

En France, de nombreux dispositifs ont été créés afin de garantir que toute personne, quel que soit son âge, sa nationalité, son niveau de vie ou le lieu où elle habite, puisse connaître ses droits mais aussi être informée sur les moyens de les faire valoir, ou d’exécuter ses obligations. Dans le Val-de-Marne, le Conseil départemental de l’accès au droit (CDAD) joue ce rôle. Placé sous l’autorité du président du tribunal judiciaire de Créteil, le CDAD 94 regroupe des éléments institutionnels, juridictionnels, professionnels et associatifs. Cette structure a notamment pour mission de « recenser les besoins, de définir une politique locale, d’impulser des actions de dresser et diffuser l’inventaire des actions menées, et d’évaluer la qualité et l’efficacité des dispositifs mis en place en matière d’accès au droit ». Mais malgré ces enjeux essentiels, et des demandes très fortes, le manque de moyens se fait toujours ressentir.

Aurélie Crépin est secrétaire générale du CDAD 94 et cheffe de service des maisons de justice et du droit (MJD). Juriste, elle a passé le concours pour devenir greffière, puis celui de directrice en juillet 2019 afin d’obtenir ce poste en octobre 2020. « Je voulais aider les gens », explique-t-elle. Son travail consiste à développer au niveau local la politique d’accès au droit du ministère : « Je recense l’existant, les besoins et je propose des actions pour y répondre. » Elle coordonne également les structures existantes et labellisées « accès au droit » et doit pouvoir trouver des financements pour les faire vivre, rémunérer le personnel, porter les structures et mettre en place des actions plus ponctuelles et thématiques. Enfin, elle assure une mission de communication auprès des partenaires et des bénéficiaires afin de faire connaître le CDAD.

Son poste est également lié aux maisons de justice et du droit (MJD) qui accueillent des permanences d’accès au droit. « Les greffières des MJD sont sous ma responsabilité, ce qui facilite les échanges. » Le département du Val-de-Marne compte deux MJD, l’une à Champigny-sur-Marne et l’autre à Villejuif. Chacune fonctionne à sa manière en interne, mais pour les publics rien ne change à peu de chose près. Par exemple, à Villejuif, les permanences de l’association C.R.E.S.U.S, qui aide à prévenir les situations de surendettement ou celles qui seraient déjà dans ce cas à constituer leur dossier, sont plus nombreuses qu’à Champigny-sur-Marne. Tandis que cette dernière a développé l’accessibilité et l’accès au droit pour les personnes sourdes et malentendantes, qui n’est pas encore proposé à Villejuif. « Nous avions un public en demande, mais qui devait se déplacer à Paris parce que la prise en charge n’était pas correctement organisée. C’est chose faite et nous devons communiquer là-dessus. Il y a par exemple aujourd’hui la possibilité de joindre une plateforme avec des interprètes pour que tout intervenant puisse être disponible et accessible », complète Aurélie Crépin.

Aide aux victimes, endettement, droit des étrangers, avocats, notaires, l’accès au droit regroupe de nombreuses professions et thématiques. Les structures dédiées à l’accès au droit tentent alors de couvrir au maximum les problématiques portées par les bénéficiaires. Les partenariats sont alors essentiels.

Des partenaires investis

Un partenariat est établi depuis longtemps avec le Barreau de Créteil et la chambre des notaires du Val-de-Marne. Le CDAD 94 est, par ailleurs, bien identifié comme relais pour l’accès au droit. Sur base du bénévolat, des avocats et notaires accordent leur temps pour quelques heures par mois, parfois plus, selon les disponibilités. « Nous avons systématiquement un avocat inscrit pour tenir nos permanences. C’est le cas aussi pour les notaires qui sont des professionnels très recherchés. La greffière de Champigny-sur-Marne a réussi à faire venir un quatrième notaire cette année et un troisième a rejoint la MJD de Villejuif. » D’autres professions n’ont pas de permanences fixes, comme les huissiers, qui reçoivent plutôt sur rendez-vous. « Le besoin n’était pas assez prégnant pour garder le créneau donc nous avons transformé cette permanence à la demande. Généralement la personne est reçue dans les vingt-quatre heures. »

89 000 personnes reçues dans le département

Toutes les structures d’accès au droit (MJD et point d’accès) ne cessent d’être sollicitées dans le Val-de-Marne. En 2022, 89 000 personnes s’y sont rendues, contre 82 926 usagers pour 2021. En 2021, 76 % avaient entre 25 et 60 ans. Au total, 56 % de femmes. « En termes de sociologie, ce sont en majorité des personnes en précarité, détaille la secrétaire générale du CDAD 94. Ce sont des gens qui sont soit sans travail, soit en emploi mais de façon précaire, ou bien des personnes âgées. Globalement, c’est une population éloignée des services publics, de la justice et des tribunaux et qui ne sait pas toujours comment faire valoir ses droits. Nous observons des situations d’illettrisme ou de difficultés avec la langue française. »

Durant le Covid, les demandes liées au droit du travail ont augmenté, tout comme le droit de la consommation dans le cadre d’annulations de vol ou de produits défectueux. Aujourd’hui, la précarité énergétique et les annonces faites autour des aides de l’État sont devenus des sujets importants, que ce soit dans le cas d’arnaques ou d’accès à l’information sur ces questions. « On leur apporte des réponses sur les aides officielles et comment ne pas se faire arnaquer. »

Mais depuis 2021, le sujet « assez brûlant » est celui du droit des étrangers. « Avec la dématérialisation, nous avons perdu les personnes qui ne savent pas se servir des plateformes ou des boîtes mails. Nous avons de longues files d’attente à Champigny-sur-Marne lorsqu’il s’agit du jour dédié à la permanence du délégué du Défenseur des droits. Les gens sont présents dès 9 heures du matin, alors qu’on ouvre à midi. C’est un point noir dans le Val-de-Marne. Nous sommes débordés de demandes ! » Avec la dématérialisation, des actes qui peuvent paraître anodins, comme la création d’une boîte mail ou le suivi d’un dossier en ligne, éloignent de leurs droits des personnes déjà fragilisées. « Les gens sont perdus. »

Objectif : être mieux identifié par le public

L’une des difficultés rencontrées par le CDAD 94 est l’identification par la population et les professionnels de ces dispositifs. « En termes de communication, nous avons quelques lacunes qui nous portent préjudice. Soit, nous sommes très bien identifiés par des gens qui sont déjà venus et qui reviennent, soit on ne comprend pas pourquoi on existe. » Les efforts sont redoublés pour une meilleure compréhension de leurs missions : un site internet, un guide et la refonte de la plaquette d’information qui reprend les structures qui existent et qui elles accueillent.

« Nous relayons dans toutes les structures professionnelles avec qui nous travaillons : l’Éducation nationale, le centre d’action sociale, les maisons de retraite, auprès des travailleurs sociaux… Nous expliquons que dès qu’une question juridique se pose, il faut se tourner vers les maisons de justice et du droit. Elles sont là pour apporter des réponses dans des délais assez courts. Car on ne s’improvise pas juriste ou avocat. Nous avons parfois des situations complexes qui demandent des réponses urgentes. » Les points d’accès au droit suivent également de près l’actualité législative. « Nous proposons des demi-journées d’information sur les nouveautés. Nous en avons organisé sur la réforme du divorce ou la réforme sur le changement de nom. »

Les MJD ont leur raison d’être

En parallèle, le travail interne demande à nouveau beaucoup de moyens : organisation des permanences, production de statistiques, etc. Aux demandes de plus en plus nombreuses, la structure fait cependant face à un manque de moyens. Mais, dit la secrétaire générale, tous ses dispositifs, comme les maisons de justice et du droit, ont « leur raison d’être ». « Si des gens ont peur d’aller dans un tribunal ou n’ont pas la possibilité de s’y déplacer parce que c’est trop loin, ils peuvent venir dans une MJD. Cela facilite vraiment les rapports entre les justiciables et la justice. On leur apporte des réponses. Une confiance est établie. Nous pouvons le constater avec la grande proportion de gens qui reviennent parce qu’ils ont été bien accueillis. » Selon elle, il faudrait même créer plus de points d’accès au droit. « Parfois la MJD permet de désamorcer les conflits et apaiser les tensions sociales. Il y a un aspect conciliant que le tribunal n’a pas. On prévient avec les MJD et on guérit avec les tribunaux judiciaires. »

Face aux impératifs financiers, le CDAD 94 répond à de plus en plus d’appels à projets. La difficulté repose sur des financements annuels, peu stables. « Par exemple, on ne peut pas recevoir d’argent de la région Île-de-France parce qu’elle a décidé d’investir dans l’aide aux victimes mais pas pour l’accès au droit. Or l’aide aux victimes ne ressort pas de mon champ de compétence. La région Île-de-France s’est en effet désengagée en 2017, ce qui nous a retirés entre 80 000 et 100 000 euros de subventions. Depuis 2020, le ministère de la Justice a heureusement participé pour combler le déficit et nous avons pu retomber sur nos pieds. Nous sommes aujourd’hui à budget constant.

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