Allaw, le « Doctolib » du droit

Afin de faciliter la mise en relation des avocats, notaires et commissaires de justice avec leurs clients, un père et son fils nantais ont inventé une plateforme, Allaw, dont une levée de fonds de 1,5 million d’euros est en cours, pour démocratiser l’accès au droit.
Le saviez-vous ? 70 % des Français considèrent qu’il est difficile d’entrer en contact avec des professionnels du droit. Contrairement aux États-Unis, où l’on trouve de gigantesques panneaux publicitaires d’avocats sur les bords des autoroutes ou des spots à la télévision, en France, il est interdit de faire de la publicité. Alors le bouche-à-oreille reste le moyen privilégié par les clients pour trouver un conseil, et pour les professionnels d’accroître leur réseau. Mais pour les personnes éloignées des villes, qui manquent de réseau social ou amical, pour celles et ceux qui débarquent dans une nouvelle région la situation peut être compliquée.
Fondée en avril 2023, la plateforme Allaw est innovante parce qu’elle promet d’y remédier… sans passer par le téléphone comme pourrait laisser entendre son nom dit à haute voix… Cette initiative permet aux citoyens de trouver des avocats, des notaires et commissaires de justice dans leurs villes, en choisissant éventuellement les spécialités, et de prendre rendez-vous en quelques clics en ayant une visibilité sur les disponibilités du professionnel. Un peu comme Doctolib. Ludovic et Germain Stang peuvent sourire sur les photos publiées dans les journaux : père et fils sont à l’origine de cette legaltech à la française, déjà déployé dans plus de 90 villes en métropole et en outre-mer. Si le jeune Germain, 21 ans, a mis en pause ses études au Canada, son père en est à son troisième projet entrepreneurial et a fait carrière comme directeur commercial et marketing au sein du groupe Suez, de Doctolib et à la direction générale d’une coopérative de notaires. Deux ancrages dans le monde et les époques qui se nourrissent l’un et l’autre.
Simplifier la vie des professionnels
C’est à l’occasion de cette rencontre avec le monde du droit, que Ludovic Stang a pris conscience du cadre déontologique dans lequel évoluent notaires et avocats, incluant l’interdiction de prospecter et de faire de la publicité. « J’ai beaucoup travaillé sur la satisfaction client et je me suis aperçu que c’était une inquiétude pour ces professionnels : comment se démarquer, comment se faire repérer sur le fil Google ? », nous explique-t-il. Il se rend compte également que les citoyens sont très éloignés du droit et de ce qu’il a leur offrir : avec la coopérative de notaires, il apprend par exemple que la moitié des 300 000 pacs conclus chaque année donne lieu à une reconnaissance chez le notaire. C’est pour cela qu’une solution comme la plateforme Herit a été mise en place, pour faciliter les démarches des citoyens et faciliter les rencontres entre citoyens, dédramatiser la prise de contact. « Ce n’est pas vraiment évident pour tout le monde de pousser la porte d’un cabinet d’avocat ou une étude de notaire ». L’idée d’une plateforme comme Doctolib s’impose dès le début des réflexions : « Aujourd’hui, ce n’est plus dans les usages que de décrocher son téléphone pour prendre rendez-vous. On prend ses rendez-vous avec les médecins, les coiffeurs, les plombiers le soir dans son canapé ou assis dans le métro. Selon nos chiffres, d’ailleurs, 86 % des rendez-vous sont pris en dehors des heures d’ouverture des bureaux. Et surtout le week-end : en repas de famille, le dimanche, on évoque des sujets importants… alors sans plus attendre on prend rendez-vous ! », précise le fondateur d’Allaw.
IA et outils CRM… les lettres d’or de la legaltech
Quand on entre sur le site d’Allaw, on renseigne sa ville, le professionnel recherché et les domaines de compétence et une liste de professionnels apparaît. Avec une photo, une petite biographie, la formation, les langues parlées, le contact et surtout la disponibilité pour un rendez-vous. Un module d’IA permet également de formuler son problème simplement et d’obtenir le domaine de compétence et la nature du professionnel juridique recherché. Une aide très précieuse pour les personnes qui n’ont que des notions très rudimentaires de la loi et qui rend fier Ludovic Stang : « Beaucoup ignorent la différence, par exemple, entre le droit immobilier ou le droit des assurances… 18 % des CSP + ont un réseau qui leur permet de trouver un professionnel du droit rapidement, mais ce n’est vraiment pas le cas pour tout le monde ». Toujours avide de nouvelles solutions, il entend ajouter bientôt à sa plateforme une brique de type CRM (Customer Relationship Management) pour que les professionnels du droit puissent obtenir une vraie plus-value dans la gestion client. « Par exemple, la plateforme pourrait intégrer l’historique des clients et certaines informations et générer des questionnaires de satisfaction, des sollicitations personnalisées, par exemple si le client fête ses 50 ans, un mail automatique arrive concernant la gestion patrimoniale ». De même, ils ont mis en place depuis 9 mois des rendez-vous en visio et depuis janvier, le paiement en ligne des consultations. Une révolution. «les professionnels du droit eux même admettent ne pas être formé pour faire du marketing, de la relation client ou de l’implémentation informatique complexe. Le but de notre démarche est de créer un outil simple et de faire en sorte que leur charge mentale soit allégée et qu’ils ne se concentrent que sur leur expertise et leurs clients ».
Selon le fondateur de la plateforme, une avocate cliente de Nantes qui auparavant devait avoir deux échanges SMS et trois mails pour trouver un rendez-vous a gagné deux heures par semaine grâce à la plateforme, rien que pour la prise de rendez-vous. Labellisée par le Conseil supérieur des notaires, la plateforme est déontologique tout en mettant en avant les professionnels du droit. La levée de fonds de 1,5 million d’euros qui vient d’être lancée devrait davantage démocratiser l’accès au droit. L’équipe de 11 personnes basées à Nantes, entend cette année installer à terme une antenne à Paris et passer à 20 collaborateurs. Elle bénéficie d’une croissance de 30 % de nouveaux abonnés par mois, un an après la mise en ligne. Gratuite pour les particuliers, elle ne coûte que 69 euros par mois aux professionnels du droit.
Référence : AJU017c6
