Secret professionnel : l’avocat, le client, le proche, le tiers, le ministère public et… le chaos

Publié le 05/12/2024

Quelle est la relation de confidentialité qui existe entre l’avocat, son client et les proches de son client ? À qui peut-il communiquer le dossier ? Deux questions sensibles sur lesquelles les réticences, contradictions apparentes, non-dits et autres complexités de la jurisprudence de la Cour de cassation mettent en danger les avocats. Vincent Nioré, ancien vice-bâtonnier du barreau de Paris, se penche sur la question, dans le prolongement d’une conférence qui s’est tenue le 27 novembre dernier à la Maison des avocats. 

Secret professionnel : l’avocat, le client, le proche, le tiers, le ministère public et… le chaos
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Dans le prolongement de la conférence sur « La communication des pièces pénales dans le dossier civil » organisée par l’association Droit & Procédure qui s’est tenue le 27 novembre 2024 au sein de l’auditorium Robert BADINTER de la Maison des avocats à Paris en présence de Antoine KIRRY, Jacques GUILLEMIN et Elodie VALETTE, Avocats au barreau de Paris, avec la participation de Monsieur Pascal GASTINEAU, Vice-Président chargé de l’instruction au pôle financier du tribunal judiciaire de Paris, de Monsieur Guillaume DAIEFF, Premier Vice-Président et Président coordinateur de la 13ème chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Paris, et de Vincent NIORÉ, il est bon de poursuivre cette réflexion sur le secret professionnel et l’exercice des droits de la défense.

L’avocat qui défend est placé d’autorité face à ses responsabilités avec le risque permanent de se trouver dans le viseur de la poursuite. Rien n’est plus urgent que de débattre en permanence sans retenue protocolaire, en toute franchise, avec la magistrature non seulement de la définition mais également de l’étendue de l’exercice des droits de la défense.

Cessons d’être hypocrites. Face au désordre jurisprudentiel, il appartient au législateur de légiférer de manière plus claire, sans main tremblante, sur l’exercice des droits de la défense, plutôt que de réformer les textes relatifs à la violation du secret professionnel systématiquement dans le sens de l’alourdissement des mesures d’intrusion et des peines.

En effet, les avocats de la défense du mis en cause ou de la partie civile ne manquent jamais, en matière pénale, de se heurter à des difficultés récurrentes relatives aux allégations de violation du secret professionnel que d’aucuns considèrent comme naturellement inhérentes à l’exercice des droits de la défense et que d’autres vouent aux gémonies et voudraient voir à tout prix sanctionner. L’humeur vengeresse n’a pourtant pas sa place en matière de justice qui, de temps à autre, livre certains de ses acteurs en pâture à la vindicte publique. Autant de victimes expiatoires de la violation d’un secret professionnel qui, par ailleurs, de certains côtés des acteurs de la justice, nourrit quotidiennement le droit à l’information que protège heureusement le secret des sources dans un océan d’impunité. Quel est le sens du sacrifice d’un petit nombre parmi les nôtres ? Le procès pénal ne peut pas être un guet-apens. Il n’appartient pas aux auxiliaires de justice de se tenir en embuscade les uns contre les autres. En toutes circonstances, en toutes matières, on ne juge pas « en bâtissant des ruines ».

Car s’il suffit d’accuser l’avocat pour sa mission de défense mais qui donc, parmi les acteurs du monde judiciaire, sera innocent ?

Nul n’est admis à fracasser l’avocat de la défense en l’invitant à prendre place dans le box des accusés ! Après une vie de dur labeur exempte du moindre reproche.

Le temps de l’enquête, le temps de la défense, le temps du jugement doivent échapper à toute poursuite, de part et d’autre, être immunisés pour préserver l’image de la justice et garantir la paix entre les acteurs du monde judiciaire qui concourent ensemble à l’œuvre de justice qui n’est pas admise à se repaître du sacerdoce de la défense. Il est clair qu’on ne juge pas jusqu’à la mise à mort de la défense en transformant le prétoire en une corrida judiciaire.

C’est pourquoi, il était urgent de nous manifester à nouveau[1] pour protester contre cette iniquité.

Il est vrai que l’esprit de Joseph-Ignace GUILLOTIN, médecin de son état, en charge de soigner les malades, n’est jamais très loin dès qu’il s’agit de fustiger un avocat pour le prétendu non-respect de son pseudo-sacro-saint secret professionnel dont la justice et le législateur font habituellement peu de cas en matière d’intrusion que ce soit dans les sanctuaires que sont les cabinets d’avocats ou dans les entreprises, chez les tiers par la saisie de correspondances confidentielles. Certains vont même jusqu’à prétendre que le secret ne serait plus opposable en matière de conseil « pur », déconnecté de tout contentieux. Ce sont les mêmes qui opposeront la force d’un secret professionnel absolu en matière de défense (!) que l’avocat se verra opposer comme un devoir de sa fonction. Jamais comme un droit.

Le secret professionnel n’est pas destiné à protéger exclusivement le justiciable défendu qui d’ailleurs n’y est pas tenu. Il nous faut citer Henri LECLERC à ce titre : « Le secret professionnel n’est pas seulement une obligation légale, ni même une règle déontologique imposée […] C’est d’abord une obligation éthique, directement liée à la raison d’être de la fonction. Le secret des avocats n’est pas fait pour les avocats. Il leur est imposé comme l’une des plus exigeantes obligations éthiques de leur profession. Mais ce devoir devient droit face à ceux qui voudraient en profiter pour surprendre les confidences. Un monde où l’on ne pourrait plus partager ses secrets sans craindre qu’ils se transforment en informations serait un monde où l’individu serait privé de liberté »[2].

Qu’il soit considéré comme un devoir ou comme un droit, le secret professionnel profite à l’avocat qui peut l’opposer à toute autorité. Il faut bannir l’idée absurde d’un secret professionnel institué dans le seul intérêt du justiciable qui d’ailleurs n’y est pas tenu. En effet, dans une perspective de contestation judiciaire, il est indispensable de faire valoir que le secret professionnel se conjugue d’abord comme un droit qui profite à l’avocat, pourquoi pas opposable avec la force d’un devoir de la fonction. Et inversement, si l’on considère que le secret s’impose d’abord comme un devoir à la charge des avocats, il s’en déduit que l’avocat convoqué en justice, ou le Bâtonnier en perquisition, est en droit de l’invoquer comme une obligation opposable à toutes les autorités, quelles que soient les raisons invoquées susceptibles de l’évincer.

En matière de violation du secret professionnel, les solutions retenues par la Chambre criminelle sont difficiles à appréhender au point que l’avocat peut s’y enliser aisément ad vitam aeternam sous le regard aussi bienveillant que réprobateur de celles et ceux qui le jugeront. Inexorablement. Comme une fatalité. Lorsque l’avocat de la défense n’est pas inquiété pour ses honoraires perçus en espèces, parfois annoncés comme « la rémunération du crime »[3], il peut l’être pour la communication de ses pièces ou pour sa relation avec l’entourage du mis en cause qu’il défend qualifié ex abrupto tantôt de « tiers » tantôt de « proche ».

Par son imprévisibilité, par ses réticences et ses non-dits, par ses apparentes contradictions, par ses portes ouvertes, la jurisprudence de la Chambre criminelle ne permet nullement d’assurer la tranquillité de l’avocat de la défense du mis en cause ou de l’avocat de la défense la partie civile. L’avocat intervenant en matière pénale, comme en matière civile, est régulièrement en risque, voire en danger, de se voir reprocher systématiquement une violation du secret professionnel. Pourtant, défendre comme juger n’est jamais un exercice de « poker menteur « ou de « pompier pyromane ».

Les difficultés sont de deux ordres. Elles concernent, d’une part, la relation de confidentialité entre l’avocat, son client et les proches de son client (I), d’autre part, la communication du dossier pénal par l’avocat à son client et aux proches de son client (II).

I. La relation de confidentialité entre l’avocat, son client et les proches de son client

 

Au premier chef, ces difficultés touchent à la relation de confidentialité entre l’avocat et son client, à propos du secret de la défense et du secret du conseil pour la défense ,  singulièrement éprouvée par la chambre criminelle de la Cour de cassation et précisément par son arrêt du 22 mars 2016 qui restreindrait la confidentialité à la stricte relation classique entre l’avocat désigné et le justiciable mis en cause, pour l’exclure à l’égard d’une personne « ni mise en examen ou témoin assisté ni même placée en garde à vue dans la procédure en cause »,  pour autant qu’ils échangent sur une ligne téléphonique professionnelle qui ne soit pas celle d’un « tiers »[4]. Une conversation identique en cabinet d’avocat, sanctuaire qui ne peut être sonorisé, mais susceptible d’être perquisitionné sous le contrôle du Bâtonnier, aurait conservé son caractère intégralement secret. Pour quelle raison cette conversation perd-elle son caractère secret en considération du support électronique sur lequel elle est écoutée ?  Pour mener à bien leur mission démocratique, la défense et le conseil des justiciables, les avocats ont besoin de garantir à celles et à ceux qu’ils défendent et conseillent, que ce qui leur est confié, restera confidentiel.

Quel que soit le lieu, quel que soit le moment, quel que soit le support matériel, le support électronique, de la confidence, quelle que soit la gravité, la teneur de la confidence, que cette confidence révèle ou non la commission d’un crime de sang ou d’un crime financier par la voix de l’avocat ou celle du justiciable. L’arsenal disproportionné de l’atteinte à la vie privée et au secret professionnel par la coercition et l’intrusion,  la géolocalisation,  la sonorisation, la fadette,  la réquisition, le  placement sur écoute,  l’interception des correspondances électroniques,  la retranscription de la confidence sur procès-verbal,  la surveillance,  la convocation par les services d’enquête en tant que témoin, en audition libre, en garde à vue, la surprise de la perquisition matinale,  est asphyxiant, paralysant pour la défense, pour les avocats qui ont le droit d’être libres d’exercer leur sacerdoce en sécurité et de crier «  BASTA » !

En effet, cette jurisprudence abondamment commentée, a endommagé le secret professionnel en matière de défense et la récente sacralisation du secret de la défense dans l’article préliminaire du Code de procédure pénale n’y a rien changé. Mais paradoxalement, se pose en pratique la question de l’extension de la relation de confidentialité, ou du moins ce qu’il en reste, entre l’avocat et son client à la relation entre l’avocat et le ou les « proches » du client pour reprendre l’expression aussi généreuse que périlleuse de la Chambre criminelle. Interdire, au visa de l’article 100-5 alinéa 3 du Code de procédure pénale[5], la retranscription de la conversation entre la « compagne » jugée comme « proche » parce qu’en relation avec différents cabinets d’avocats et communiquant avec ces mêmes avocats, c’est consacrer la relation de confidentialité et du secret professionnel qu’il faut considérer dans toutes ses conséquences jusqu’à la communication des « éléments » et « pièces » du dossier pénal.

En matière de défense pénale au sens le plus général du terme, la relation entre l’avocat et son client est théoriquement couverte par le secret professionnel[6]. La messe est déjà dite et redite et les acteurs de la justice n’ont de cesse de se nourrir avec béatitude et joie de ce catéchisme désuet du secret professionnel, que ce soit dans les écoles du barreau ou à l’ENM. La réalité est tout autre et, comme il se doit, cruelle.

La jurisprudence de la Chambre criminelle a évolué précisément pour définir le contour de cette relation confidentielle entre l’avocat et son client qu’elle a étendue à la relation entre l’avocat du mis en cause et les « proches » de ce dernier. Il est désormais jugé que la relation entre l’avocat et les « proches » du client est confidentielle et ne saurait ainsi être retranscrite tout simplement parce qu’elle est aussi forte que la relation confidentielle qui unit l’avocat à son client.

Par un arrêt rendu le 13 septembre 2022[7], la Chambre criminelle a consacré cette interdiction à propos de la « compagne » d’une personne en voie de déferrement pour laquelle elle recherchait la désignation d’un avocat : « L’interdiction de transcription des correspondances avec un avocat relevant de l’exercice des droits de la défense de son client s’étend à celles échangées à ce sujet entre l’avocat et les proches de celui-ci ». La compagne étant sur écoute, les enquêteurs furent informés du lieu de rendez-vous avec l’avocat auquel ils se rendirent pour installer un moyen de géolocalisation sur le véhicule de la compagne. La Chambre criminelle constate qu’au moment où s’est tenu l’échange téléphonique litigieux avec l’avocat pressenti, la compagne, qui n’avait pas été placée en garde à vue, n’était pas partie à la procédure à la date où la chambre de l’instruction avait statué, si bien que la conversation avec l’avocat ne pouvait relever de l’exercice des droits de la défense. Ainsi, la géolocalisation est validée. En d’autres termes, la compagne d’une personne mise en cause, est définie comme un proche et sa conversation avec un avocat choisi pour défendre le mis en cause peut être exploitée seulement pour sa géolocalisation, la compagne n’étant pas placée en garde à vue au moment de la conversation interceptée et ne pouvant ainsi se prévaloir de l’exercice des droits de la défense. Comprenne qui pourra. Alors qu’est consacrée l’interdiction de la retranscription de la conservation entre une compagne d’un mis en cause et un avocat pressenti, la Chambre criminelle retient que cette même conversation, interdite de retranscription, peut fonder une géolocalisation de la compagne au motif qu’elle n’était pas encore placée en garde à vue, l’exercice des droits de la défense s’évinçant. La Chambre criminelle nous laisse perplexes. De deux choses l’une : ou la conversation est secrète et participe de l’exercice des droits de la défense ou elle ne l’est pas.

Comment s’y retrouver ? Rien n’est plus urgent que de clarifier la situation des avocats en cette matière. Avec Camus, rappelons que « là où nul ne peut plus dire ce qui est noir et ce qui est blanc, la lumière s’éteint et la liberté devient prison volontaire »[8].

Par un arrêt ultérieur du 13 décembre 2022, la Chambre criminelle a encore consacré l’interdiction de la retranscription de la conversation entre un proche et un avocat pressenti pour défendre le mis en cause sauf la participation de l’avocat à la commission d’une infraction : « L’interdiction de la transcription des correspondances entre un avocat et son client relevant de l’exercice des droits de la défense, s’étend à celles échangées à ce sujet entre l’avocat et les proches de celui-ci. Il n’en va autrement que s’il apparaît que le contenu et la nature des échanges sont propres à faire présumer la participation de cet avocat à une infraction »[9]. En l’espèce, l’interdiction de la transcription ne s’étend pas aux conversations interceptées entre un proche (« la compagne ») du mis en cause avec le « secrétariat » des avocats.

En revanche l’interdiction de la retranscription des conversations entre « la compagne » du mis en cause « qui intervenait pour son compte comme intermédiaire et différents cabinets d’avocats » est consacrée. Avec cette réserve rituelle du constat qu’il ne ressortait de la retranscription « aucune participation des dits avocats à une infraction ». La compagne avait successivement sollicité des avocats afin que l’un d’eux assure la défense de son compagnon et les juges constatent que pour l’un, il n’a été donné aucune suite à cet échange et que, pour l’autre, le compagnon n’était pas encore un « client » à la date de la communication. Ainsi, l’interdiction de la retranscription des échanges interceptés entre la compagne et les avocats s’inscrit dans le cadre d’une consécration de la confidentialité à raison des confidences de la compagne elle-même. En revanche, la Chambre criminelle fixe une limite à cette confidentialité en constatant que les avocats n’ont commis aucune infraction. Mais de quelle infraction les avocats qui ne sont pas les avocats du compagnon mis en cause et qui n’ont pas accès au dossier pénal peuvent-ils se rendre les auteurs au téléphone ? La Chambre criminelle n’a pas pris la précaution de définir la nature de l’infraction sauf à présumer l’avocat pressenti pour défendre d’en commettre systématiquement une. Mais pourquoi suspecter la défense à ce point ?

Cette prose récurrente de la Chambre criminelle se retrouve dans la relation entre le Bâtonnier et l’un des avocats de son barreau, perquisitionné puis gardé à vue, placé sur écoute, et qui est confidentielle sauf la participation du Bâtonnier à la commission d’une infraction sur laquelle la Chambre criminelle demeure silencieuse tout en laissant imaginer que le Bâtonnier serait en faute en révélant à l’avocat le fait qu’il serait placé sur écoute, trahissant ainsi une information secrète[10] ? En effet, de quelle infraction un Bâtonnier peut-il être présumé irréfragablement l’auteur ?

C’est là que le danger pointe le bout de son nez. La Chambre criminelle, dans son élan altruiste, n’a peut-être pas perçu l’imminente catastrophe par cette extension difficile à appréhender en pratique. Qui est un « proche » ? Qui est un « tiers » ? Qui le dira sans sombrer dans l’appréciation discrétionnaire ?

Le juge qui juge, fort de son invincible secret du délibéré, et qui crie à la violation par l’avocat de son secret professionnel ?

La Chambre criminelle, « juge du droit » érigée en « juge et partie », qui annule la perquisition en ses murs par son arrêt du 22 mars 2016[11] au motif que n’étaient pas démontrés des indices de la participation des magistrats perquisitionnés à la commission des infractions poursuivies ? Avait-elle le choix ?

Le parquet qui poursuit en charge de ce pouvoir absolu qu’est le privilège de l’opportunité d’apprécier une violation d’un secret professionnel auquel la loi ne l’astreint pas lui-même par la gigantesque fenêtre de publicité que le législateur lui a généreusement offerte par l’article 11 alinéa 3 du Code de procédure pénale[12] ?

Et la Chambre criminelle[13] de rejeter une  question prioritaire de constitutionnalité qui tendait à « déterminer si ne portent pas atteinte au principe d’égalité issu de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme de 1789, aux droits de la défense et au principe du contradictoire, les dispositions de l’article 11 du code de procédure pénale telles qu’interprétées par la jurisprudence et, notamment, en ce qu’elles réservent au ministère public la faculté de s’affranchir du secret de l’instruction pour lui permettre de produire, dans le cadre d’une instance civile où il est partie jointe et peut donner son avis, certains éléments d’une instruction en cours, sans permettre corrélativement aux autres parties de faire de même, pour produire des éléments à décharge recueillis au cours de cette même instruction » en jugeant que « la question posée ne présente pas un caractère sérieux, en ce que l’article 11 du code de procédure pénale, tel qu’interprété de façon constante par la Cour de cassation, qui permet au ministère public de produire, dans une instance civile, des pièces tirées d’une information judiciaire en cours, sans que puisse lui être opposé le secret de l’instruction, ne porte pas atteinte au principe d’égalité, au principe du contradictoire et aux droits de la défense, dès lors que, d’une part, cette faculté relève des missions spécifiques d’intérêt général que la loi lui attribue, notamment en matière civile, d’autre part, le secret de l’instruction ne s’impose, en application de l’article 11 susvisé, aux personnes concourant à cette procédure, que sous la réserve des nécessités de l’exercice des droits de la défense, enfin, les informations transmises par le ministère public sont régulièrement communiquées et soumises à la libre discussion contradictoire de toutes les parties ; D’où il suit qu’il n’y a pas lieu de renvoyer la question au Conseil constitutionnel ».

L’alinéa 3 de l’article 11 du CPP retient notamment le critère d’un « impératif d’intérêt public » afin que soient rendus « publics des éléments objectifs tirés de la procédure ne comportant aucune appréciation sur le bien-fondé des charges retenues contre les personnes mises en cause ». Cette formulation nous semble englober toutes les hypothèses de communication des « éléments » d’une procédure pénale en cours à des « tiers » sous la réserve de la condition d’objectivité. Il peut s’agir d’une communication à la presse comme à des magistrats civilistes au sens général du terme. Cependant, le texte parle d’« éléments » et non pas de « pièces ». Cela dit, quelle autorité osera faire grief au ministère public de la communication des « pièces » d’un dossier pénal en cours à un juge civil ?

Il s’agira aussi de définir, par opposition au « tiers », ce qu’est un « proche ». Un proche est uni par une relation d’intimité ou de proximité personnelle[14]. Il n’est pas nécessairement un membre de la famille. Mais il se peut que nous soyons en présence d’un « proche… parent » si bien que le critère de la proximité reste déterminant dans l’établissement de la nature de la relation. L’article 61 du Code de procédure pénale consacre le terme de « proches » qu’il associe à la « famille » des témoins ou victimes qu’il faut protéger des « pressions ». L’article 63-1 du Code de procédure pénale prévoit également la possibilité pour le gardé à vue du « droit de faire prévenir un proche » qui se trouve ainsi consacré dans les textes. Relevons également la décision du Conseil d’Etat[15] qui consacre la légalité du décret du 6 septembre 1995 portant code de déontologie médicale qui confère, au-delà du secret médical, le droit pour les « proches » d’un patient d’être prévenus d’un pronostic fatal, la notion de « proches » désignant la « famille proche ou les personnes qui, sans appartenir à la famille, partagent l’intimité du malade ».

Mais la Chambre criminelle[16] a affiné sa jurisprudence en qualifiant de « tiers » l’épouse du client mis en cause, elle-même mise en cause dans la procédure et en conflit d’intérêts. Si bien que l’avocat du client /époux mis en cause ne pouvait en aucun cas révéler la moindre information du dossier pénal en cours d’instruction à ladite épouse, en conflit d’intérêts, considérée comme un tiers :

« Pour déclarer le prévenu coupable de violation du secret professionnel, l’arrêt attaqué énonce notamment, par motifs propres et adoptés, que le fait de s’entretenir avec son client en présence de l’épouse de celui-ci, certes mise en cause dans la même procédure, mais aux intérêts divergents et défendue par un conseil distinct, caractérise cette infraction.

10.En statuant ainsi, la cour d’appel a fait l’exacte application des textes visés au moyen pour les motifs qui suivent.

11.Tout d’abord, aucun texte du code de procédure pénale ou du règlement intérieur normalisé de la profession d’avocat n’autorise l’avocat à communiquer des renseignements tirés d’une procédure pénale à une personne qui n’est pas son client, fût-elle par ailleurs partie à la procédure

12.Ensuite, il n’est pas soutenu, et encore moins démontré, que la communication des éléments du dossier d’instruction à Mme [I] [E] aurait été indispensable à l’exercice des droits de la défense du client de l’avocat ».

 

La Chambre criminelle en profite pour rappeler que rien « n’autorise l’avocat à communiquer des renseignements tirés d’une procédure pénale à une personne qui n’est pas son client ». Peu importe la relation de confidentialité entre le proche et l’avocat[17].

Certes. Mais la Chambre criminelle a jugé par son arrêt du 14 octobre 2008 que l’avocat de la partie civile pouvait communiquer au juge civil, à l’occasion d’une demande de sursis à statuer, des « éléments » tirés d’une procédure pénale en cours d’instruction.

En effet, une première précision s’impose à propos de la définition « des éléments » de l’enquête ou de l’instruction. La Chambre criminelle, en retenant par son arrêt du 14 octobre 2008[18] la notion d’« éléments », ne semble n’avoir nullement signifié, selon nous, qu’il s’agissait des « pièces » du dossier. Au contraire, les « éléments » semblent avoir été entendus comme des « informations » issues des pièces du dossier qui, elles, n’ont pas été communiquées. L’article 5 du décret n° 2023-552 du 30 juin 2023 portant code de déontologie des avocats en tant qu’il dispose que « L’avocat respecte le secret de l’enquête et de l’instruction en matière pénale, en s’abstenant de communiquer, sauf pour l’exercice des droits de la défense, des renseignements extraits du dossier, ou de publier des documents, pièces ou lettres intéressant une enquête ou une information en cours. Il ne peut transmettre de copies de pièces ou actes du dossier de la procédure à son client ou à des tiers que dans les conditions prévues par la loi » se révèle contra legem puisque rien n’interdit à l’avocat de communiquer des « renseignements extraits du dossier » dans le cadre d’un procès civil. Ces dispositions récentes ne remettent nullement en cause la solution de l’arrêt du 14 octobre 2008 précité qui avait été rendu en application des dispositions – abrogées depuis – de l’article 160 du décret du 27 novembre 1991 dont les termes sont similaires à ceux du décret du 30 juin 2023 : « L’avocat, en toute matière, ne doit commettre aucune divulgation contrevenant au secret professionnel. Il doit, notamment, respecter le secret de l’instruction en matière pénale, en s’abstenant de communiquer, sauf à son client pour les besoins de la défense, des renseignements extraits du dossier ou de publier des documents, pièces ou lettres intéressant une information en cours ».

Il faut regretter le manque de précision du style de la Chambre criminelle qui, par ses subtilités casuistes, ouvre la voie à plusieurs interprétations. Nous observons que François SAINT-PIERRE, dans son ouvrage Pratique de la défense pénale, retient une interprétation positive en considérant que « un avocat est fondé à produire en justice des pièces d’une instruction judiciaire en cours visant son client, partie civile, mis en examen ou témoin assisté, dans le cadre d’une autre instance, pénale, disciplinaire ou civile, pour les nécessités de la défense de ce client (Cass. crim., 14 oct. 2008, n° 07-88459, NP). Il s’agit d’une évolution récente de la jurisprudence de la Cour de cassation, fondée sur la notion de fait justificatif de la défense […] »[19].

La détermination de la qualité de proche ou de tiers est essentielle à propos de la communication des « éléments » d’informations et/ou des « pièces » du dossier pénal en cours d’enquête ou d’instruction à une personne considérée comme « proche » du client mis en cause. En l’occurrence, le juge n’est pas un tiers et, finalement, la Chambre criminelle n’autorise cette communication qu’aux seuls magistrats à l’exception de tous autres. Comment juger son prochain avec autant d’imprécisions ?

La question posée est celle de savoir si, dans la mesure où l’existence d’une relation de confidentialité est consacrée avec un proche du client mis en cause par l’interdiction de sa retranscription, l’avocat se voit octroyer la faculté de communiquer à ce même proche tant les informations que les pièces du dossier pénal en cours d’enquête ou d’instruction. Consécration logique de confidentialité oblige.

Il est clair que le proche, la compagne, n’est pas mis en cause et n’est pas défendu par l’avocat du mis en cause. Il sert « d’intermédiaire » entre le mis en cause et différents cabinets d’avocats pour la désignation de l’un d’eux pour défendre le mis en cause. Il participe donc de la défense. Le proche n’est pas en conflit d’intérêts avec le mis en cause. Au contraire, il existe entre eux une osmose d’intérêts. Il n’existe en l’état aucune décision dans le sens d’un droit de communication du dossier pénal au profit du proche. Mais se pose ainsi la question de l’utilité existentielle de la relation de confidentialité si cette relation, couverte par le secret, ne permet pas d’échanger à propos du dossier en cours. La question est posée : « A quoi ça sert ? ».  En effet, si le proche est un proche, c’est qu’il n’est pas un tiers… Cette lapalissade illustre la possible communication de l’information et/ou des pièces pénales du dossier en cours d’enquête ou d’instruction au proche, il est vrai cependant, pour autant que l’exercice des droits de la défense le commande. Nous abordons ainsi le cœur de la difficulté : le critère de l’exercice des droits de la défense toujours comme la météo à géométrie très variable.

Et il nous faut nous reporter aux solutions de la CEDH qui retient que c’est dans la mission de défense dont les avocats sont chargés que le secret professionnel trouve son fondement rappelant que les correspondances avec l’avocat relatives aux droits de la défense ne peuvent être transcrites et utilisées contre le client dans la procédure dont il est l’objet sauf à être retenues à charge contre l’avocat si elles révèlent une infraction de sa part[20].

Les solutions retenues par la Chambre criminelle doivent être envisagées au regard de cette jurisprudence de la CEDH.

Au visa de cette jurisprudence de la CEDH qui n’est pas citée, la Chambre criminelle semble avoir aligné le statut du « proche » sur celui du « client » dans sa relation avec l’avocat de la défense nécessairement fondée, dans l’un et l’autre cas, sur le secret professionnel pour autant que nous soyons dans le cadre de l’exercice des droits de la défense. La notion de « proche » se distingue de celle de « partie » à la procédure et de celle de « tiers » qui n’est pas une partie à la procédure. Mais la notion de « proche » se confond avec celle de « client » au plan de l’interdiction de retranscription, donc de la relation de confidentialité avec l’avocat de la défense réserve faite de la commission d’une infraction par l’avocat. Il faut remercier la Chambre criminelle pour cette évolution qui devra trouver une consécration législative.

En outre, la CEDH juge constamment que l’exercice des droits de la défense constitue le fait justificatif de la violation du secret professionnel et rappelle ainsi qu’il ne peut exister qu’à travers l’exercice des droits de la défense : « L’exercice des droits de la défense peut rendre nécessaire la violation du secret professionnel »[21].  Le secret professionnel impose sa violation pour défendre. Le secret professionnel n’existe à travers l’exercice des droits de la défense que par sa violation. Il faut transgresser la confidence, la transformer en stratégie de défense pour la faire exister dans sa révélation pour la défense du justiciable. L’information secrète du client doit être révélée à l’audience pour fonder la défense. Comme s’il fallait marquer contre l’avocat exerçant les droits de la défense, sa violation c’est-à-dire imputer à l’avocat une nécessaire transgression au nom de la défense dévalorisée par l’imputation d’un comportement infractionnel. Il est grand temps de passer d’un vocabulaire négatif et trivial fondé sur la transgression à un vocabulaire positif de reconnaissance de souveraineté de l’avocat dans l’exercice des droits de la défense.

La première chambre civile de la Cour de cassation nous offre une lueur d’espoir par son arrêt du 29 mars 2023[22] par lequel elle admet qu’une association, partie civile à l’instruction et partie à une procédure civile, puisse présenter à un huissier de justice un dossier pénal d’instruction en cours afin que ce dernier en reproduise des « extraits » dans un constat qui sera versé aux débats du litige civil. La Première chambre civile retient que les juges du fond n’ont pas méconnu le principe d’égalité des armes en admettant la production des extraits dans le procès-verbal de constat, versé aux débats et contradictoirement discuté, considérant que l’huissier n’avait effectué que des constatations purement matérielles. La question de savoir si l’huissier est un « tiers » ou un « proche » n’a pas été posée. La Première chambre civile valide cette exploitation du dossier pénal d’instruction en cours par la reproduction d’extraits dans un procès-verbal dont la production participe de l’exercice des droits de la défense.

Et ce critère de l’exercice des droits de la défense doit être consacré comme étant l’unique boussole en cette matière.

 

II. La communication du dossier pénal par l’avocat à son client et aux proches de son client

 

Au second chef, ces difficultés concernent la communication, par l’avocat, des éléments d’informations et/ou des pièces d’un dossier pénal dont il a la charge en cours d’enquête ou d’instruction à son client, aux « proches » du client et à celles et ceux que l’on qualifie de « tiers » au rang desquels, trop souvent, sont rangés les magistrats intervenant en matière pénale et en matière civile alors qu’ils sont les seules habilités par la loi à les recevoir[23].

Cette possible communication doit obéir à un certain formalisme. La Chambre criminelle de la Cour de cassation a rendu plusieurs arrêts retenant la violation du secret professionnel à la charge d’un avocat qui avait versé devant le juge civil des « pièces » d’un dossier pénal en cours d’enquête ou d’instruction. La Chambre criminelle reproche à l’avocat de ne pas avoir entrepris les démarches permettant d’effectuer une telle communication en s’abstenant cependant de préciser auprès de quelle autorité salvatrice ces démarches devraient être entreprises : « Attendu que, pour dire n’y avoir lieu à annulation de la mise en examen de Mme X…, avocat, des chefs de violation du secret professionnel et violation du secret de l’instruction, la chambre de l’instruction relève qu’il est constant qu’elle a produit dans une instance civile des pièces d’une procédure pénale d’instruction distincte en cours, sans y avoir été autorisée, ni même avoir sollicité une telle autorisation ; qu’il résulte de ces éléments des indices graves ou concordants rendant vraisemblable sa participation aux faits dont le magistrat est saisi »[24].

Et encore, dans le même sens, la première Chambre civile:  « Et attendu qu’après avoir constaté que l’action introduite devant la juridiction civile par Mme Y… n’était pas fondée sur les infractions pour lesquelles une information était ouverte contre la société des chefs de tromperie, homicides et blessures involontaires, mais sur la responsabilité sans faute de celle-ci au titre de la défectuosité du Mediator, la cour d’appel en a exactement déduit que l’action dont elle était saisie était indépendante de l’action publique ; que c’est sans méconnaître les exigences d’un procès équitable et en l’absence de démarche de la société aux fins que soient versées à la procédure civile les pièces du dossier pénal qu’elle considérait comme nécessaires aux besoins de sa défense, que la cour d’appel a décidé, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, sans dénaturation et abstraction faite du motif surabondant critiqué par la troisième branche, qu’il n’y avait pas lieu de surseoir à statuer dans l’attente de la décision à intervenir au pénal ; que le moyen n’est pas fondé »[25].

Sur ce point, nous savons que le magistrat instructeur ne peut délivrer aucune autorisation étant lui-même tenu au secret professionnel au visa de l’article 11 du Code de procédure pénale réformé. Toute personne qui concourt à l’instruction est désormais tenue au secret professionnel – et non pas au secret de l’enquête ou de l’instruction – avec renvoi aux lourdes peines de l’article 434-7-2 du Code pénal[26] – et non pas à celles de l’article 226-13 du Code pénal. Les dispositions de l’article 114 alinéas 5 et 6 du Code de procédure pénale ne peuvent pas constituer une autorisation de communication. Celles de l’article 114-1 du Code de procédure pénale[27]  , nées de  la réforme issue de la loi n° 96-1235 du 30 décembre 1996 en vigueur le 31 mars 1997 ,  font peser sur la partie – mis en cause ou partie civile – détentrice du dossier pénal,  l’interdiction de diffuser sa « reproduction » à un « tiers » et il semble que pèse sur ce justiciable – mis en cause ou partie civile – une obligation de respecter en fait  un secret professionnel auquel il n’est pourtant pas tenu en droit , étant précisé que l’article 114-1 du Code de procédure pénale prévoit de lourdes peines identiques à celles de l’article 434-7-2 alinéa 1 du Code pénal qui concernent des personnes qui , à raison de leurs fonctions,  ont connaissance d’informations issues d’une instruction ou d’une enquête couvertes par le secret auquel elles sont tenues et de les révéler sciemment à des « tiers ».

Quel est le sens de l’interdiction faite au justiciable, partie à l’instruction, de communiquer à des tiers la « reproduction » du dossier pénal alors que ne pèse sur ce dernier aucune obligation de respecter un quelconque secret professionnel en matière d’instruction et qu’il est libre de communiquer tous « renseignements » ou toutes « informations » issus des « pièces » du dossier d’instruction ? Là encore, comment s’y retrouver ?

Nous sommes au regret de constater que les dispositions des articles 114 alinéa 6[28] et 114-1 du Code de procédure pénale constituent un obstacle dirimant pour l’exercice des droits de la défense[29]. L’attestation écrite prévue à l’article 114 alinéa 6 du Code de procédure pénale, par sa rédaction même, semble relever, de la part de son auteur, d’une forme d’auto-incrimination par anticipation de la violation d’un secret au respect duquel ce dernier n’est juridiquement pas tenu.

En effet, pourquoi distinguer l’« information » de la « pièce » qui la contient ,  l’une et l’autre procédant d’une procédure d’instruction  pénale en cours ?

Au contraire, c’est en se fondant justement sur cette même qualité de mis en cause ou celle de partie civile que la Cour suprême autorise la communication du dossier pénal en justice au motif que ces derniers ne sont pas soumis au secret professionnel que ce soit en enquête préliminaire ou à l’instruction. Autant de bouées jetées aveuglément à la mer. Il est urgent de cesser de proclamer des affirmations de principe péremptoires qui obscurcissent le débat sur les obligations à la charge des parties. Par son arrêt précité du 14 octobre 2008, la Chambre criminelle a jugé que « la partie civile qui n’est pas soumise au secret de l’instruction a la faculté, au soutien de la demande de sursis à statuer qu’elle présente au juge civil en application de l’article 4 du code de procédure pénale, de produire, par le moyen de l’avocat ou de l’avoué qui la représentent, les éléments tirés d’une procédure pénale nécessaires aux besoins de sa défense, la cour d’appel n’a méconnu aucun des textes légaux et conventionnels visés au moyen »[30].

S’agissant des avocats, la Chambre criminelle a toujours jugé qu’ils ne « concour[aient] pas à la procédure »[31] mais qu’ils étaient soumis au respect du secret professionnel, d’ordre public et illimité dans le temps voire au-delà de l’ordonnance de règlement passée en force de chose jugée, selon certaines juridictions du fond dont la solution reste discutable, au pire jusqu’à la publicité de l’audience pénale. En effet, certains juges du fond, se fondant sur l’obligation au secret professionnel de l’avocat, jugent que « si le caractère secret de l’instruction préparatoire protégé par les dispositions de l’article 11 du Code de procédure pénale cesse légalement d’exister au moment de la clôture de cette dernière par la signature de l’ordonnance de règlement ou l’arrêt de renvoi, l’avocat demeure toutefois astreint au secret professionnel consubstantiel à son statut » [32]. Pourtant, la Chambre criminelle a déjà jugé, se fondant sur la qualité de partie civile non soumise au secret professionnel, que « la partie civile a la faculté de produire en justice les pièces tirées d’une procédure d’instruction dans laquelle elle est constituée, clôturée par une ordonnance de renvoi devant la juridiction de jugement ; que les dispositions de l’article 98 du Code de procédure pénale, qui interdisent la communication d’un document provenant d’une perquisition, à une personne non qualifiée par la loi, ne font pas obstacle à la production d’une telle pièce devant le tribunal correctionnel, qui apprécie les preuves soumises à son examen »[33].

Cette solution doit de nouveau être consacrée. Il faut condamner l’argument casuiste qui consiste à prendre parti sur la qualité d’avocat pour interdire toute communication au nom du secret professionnel perpétuel et/ou à prendre parti sur la qualité de partie, civile ou mise en cause, assistée d’un avocat, qui, n’étant pas soumise au secret professionnel, peut communiquer des pièces extraites du dossier pénal clôturé devant le tribunal saisi d’une procédure distincte.

S’agissant du ministère public, la partie poursuivante ou partie publique du procès pénal a été annoncée en jurisprudence et dans les textes comme susceptible d’autoriser l’avocat à effectuer une communication de pièces pénales d’un dossier en cours d’enquête ou d’instruction dans le cadre d’une instance civile. Les articles R. 170[34] (tiers) et R. 155[35] (partie) du CPP sont clairs. Cela dit, conférer au ministère public un tel pouvoir revient tout simplement à lui permettre de relever l’avocat de son secret professionnel, ce que la loi ne permet évidemment pas. Aussi, l’exercice de l’autorisation du parquet est-il juridiquement impossible et la délivrance d’un éloquent « Vu ne s’oppose » ne constitue qu’une renonciation du parquet à poursuivre l’avocat du chef de violation du secret professionnel. Et dans l’hypothèse d’un refus du parquet, il ne reste plus qu’à l’avocat d’une partie de se prévaloir de l’exercice des droits de la défense, certes à valeur constitutionnelle, mais surtout susceptible d’être le fait déclenchant de sa responsabilité pénale pour avoir enfreint la décision négative du ministère public. Cette situation est d’une parfaite absurdité.

Ne peuvent autoriser, ni juge d’instruction, ni parquet, ni juge de la mise en état qui juge régulièrement qu’il ne possède pas ce pouvoir au visa des dispositions de l’article 789 du Code de procédure civile[36]. Pourtant, le procureur n’est pas un tiers, il est le procureur. Le juge pénal n’est pas un tiers, il est le juge.

Le juge civil n’est pas un tiers, il est le juge. C’est en ce sens que la Cour d’Appel de Rouen a statué par arrêt du 17 juin 2010 : « Sur la demande relative à la violation du secret professionnel : Les appelants font valoir que le fait de révéler des informations et de reproduire des extraits de pièces provenant d’un dossier d’instruction dans le cadre d’une autre procédure peut constituer une violation du secret professionnel au sens de l’article 226-13 du Code pénal. Ils invoquent les dispositions de l’article 6 de la convention européenne des droits de l’homme, les articles 15 et 16 du pacte des droits civils et politiques, ainsi que les articles 11 et 114 du code de procédure pénale. Toutefois, la société Y, qui n’est dépositaire d’aucun secret professionnel, s’est vu délivrer des copies des pièces du dossier d’information dans lequel elle était partie civile dans des conditions régulières. Elle est fondée à produire devant le juge civil les éléments tirés d’une procédure pénale nécessaires aux besoins de sa défense. Une telle communication, qui ne remet pas en cause la présomption d’innocence et ne préjuge pas de la future décision pénale, ne porte pas atteinte aux droits des consorts ZX qui, mis en examen, dans ce dossier pénal, ont accès à l’ensemble du dossier et ont ainsi la possibilité de produire d’autres pièces pour l’exercice de leur défense devant le juge civil, lequel n’est pas un tiers au sens de l’article114-1 du code de procédure pénale. Le moyen pris de la violation du secret professionnel n’est en conséquence pas fondé »[37].

L’avocat de la défense n’est pas un tiers, il est l’avocat de la défense. Le proche n’est pas un tiers. Il est le proche. Faut-il, pour trouver grâce aux yeux de la Chambre criminelle, entreprendre des démarches , à tort et à travers,  auprès d’autorités qui n’ont pas le pouvoir d’y donner satisfaction ?

D’ailleurs, nul n’est à l’abri d’un raisonnement de la nature de celui de la 17ème Chambre du Tribunal de Grande Instance de Paris qui, par jugement du 18 novembre 2003, avait retenu la culpabilité d’un avocat du chef de violation du secret professionnel, et l’avait dispensé de peine, pour avoir, sans l’autorisation de quiconque, versé aux débats civils des pièces d’un dossier pénal d’instruction en cours, dans les termes suivants :

« Attendu qu’il est constant que les pièces produites au nom de sa cliente, dans la procédure civile engagée devant la 9ème Chambre du Tribunal de Grande Instance de Paris, sont extraites du dossier d’information ouvert chez le juge d’instruction du Tribunal de Y, copies lui en ayant été délivrées conformément aux dispositions sus rappelées ;

Qu’il ne s’agît pas de copies de rapports d’expertise dont la production aurait été utile à la défense de sa cliente, mais de pièces susceptibles d’étayer les prétentions que celle-ci émet contre XY devant la juridiction civile, étant observé que cette société n’est pas personnellement impliquée dans la procédure pénale et que les juges devant lesquels ces pièces ont été produites n’avaient pas vocation à connaître le contenu du dossier d’instruction ;

Que, dès lors, en produisant dans l’instance civile les pièces visées dans l’ordonnance de renvoi, toutes issues du dossier d’instruction et ne pouvant bénéficier de l’exception prévue à l’article 114 du Code de procédure pénale, Z a révélé à des tiers des informations à caractère secret dont il était détenteur de par sa profession ;

Que l’élément matériel de l’infraction est ainsi établi ;

Attendu qu’il importe peu que Z n’ait cherché qu’à assurer au mieux les intérêts de sa cliente et à concourir à la manifestation de la vérité, l’intention d’enfreindre la loi étant caractérisée dès lors qu’en tant que professionnel du droit, il avait nécessairement conscience de révéler des informations couvertes par le secret ;

Qu’il est également indifférent que la production de pièces d’un dossier pénal soit admise par la jurisprudence civile, cette circonstance n’autorisant pas l’avocat à contourner les règles protégeant le secret professionnel mais justifiant, s’il estime que de telles pièces sont indispensables à la défense des intérêts de son client, qu’il demande au ministère public de les porter à la connaissance de la juridiction ».

Rien n’est plus urgent que de révolutionner les mentalités.

L’avocat ne peut rester figé avec pour seule espérance le consentement du ministère public.

Reste ainsi en droit positif, comme seul critère, certes risqué, de communication de l’information et/ou des pièces du dossier pénal en cours, celui de l’exercice des droits de la défense, fait justificatif du viol de la confidence qui est imputé à l’avocat ainsi livré à l’appréciation « discrétionnaire » des juges du fond.  N’est-ce pas l’éminent Olivier METZNER, cité par notre confrère Cédric LABROUSSE, qui déclarait avec perspicacité à propos de la remise d’une pièce d’un dossier d’instruction à un juge civil : « On me reproche d’avoir donné à la justice une pièce remise par la justice ».

Il est urgent de changer les mots. A titre d’exemple, il faut relever l’article 35 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse à propos de l’exception de vérité en matière de diffamation qui dispose en son dernier alinéa que le prévenu « peut produire pour les nécessités de sa défense, sans que cette production puisse donner lieu à des poursuites pour recel, des éléments provenant d’une violation du secret de l’enquête ou de l’instruction ou de tout autre secret professionnel s’ils sont de nature à établir sa bonne foi ou la vérité des faits diffamatoires ». Citons encore l’article 7.1.4 du Règlement intérieur de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg qui dispose que « L’avocat est autorisé à divulguer des informations couvertes par le secret professionnel, dès lors qu’il s’est assuré que la divulgation de ces informations est faite dans l’intérêt du client, et que le client en a autorisé la divulgation après avoir été informé par l’avocat de la nature des informations divulguées, ainsi que des destinataires de l’information […] ».

L’exercice de la défense impose la révélation de la confidence en osmose avec le justiciable. Force est de constater qu’en pratique, par-delà les hypocrisies, le client passe son temps à délier l’avocat de son secret professionnel. La défense ne procède pas d’un viol des consciences mais d’un consentement du justiciable à être défendu jusqu’au mensonge que tous s’accordent à présenter comme un droit qu’il soit verbal ou écrit[38]. L’exercice des droits de la défense n’est jamais l’illustration d’une « manœuvre de la partie concernée »[39] dont le seul emploi du mot suffit en réalité à présumer/suspecter l’avocat de la défense d’une volonté de tromper le juge. Aucun parlementaire digne de ce nom, parce qu’il est un justiciable potentiel, ne saurait légiférer en ce sens. Défendre n’est jamais escroquer.

Au juge de discerner en toutes circonstances et quoiqu’il arrive. Juger c’est discerner. On ne juge pas l’avocat qui défend. L’avocat n’est le violeur de rien. De rien du tout lorsqu’il défend. Avocat tout simplement. Au risque de déplaire.

Convaincre n’est affaire ni de compliments ni de politesses ni de bassesses révérencielles. Le juge n’est pas le gardien du purgatoire. L’avocat n’est pas non plus le gardien du sacrifice sur l’autel de la défense. « Au-delà de l’âpreté, parfois de la violence du débat judiciaire, l’avocat n’est pas l’adversaire du magistrat mais un partenaire qui concourt à l’œuvre de justice et que la qualité de la décision rendue dépend aussi de la qualité de la relation que le magistrat a su nouer avec lui »[40]. Convaincre est affaire de courage. Juger, également. Juger est avant tout affaire de bienveillance et d’humanité autant de vertus comme palliatifs au chaos et de garanties en faveur de l’absolution.

[1] Bertrand MOREAU et Vincent NIORÉ, « Plaidoyer pour la libre communication par l’avocat des éléments d’un dossier pénal d’instruction en cours devant une juridiction étatique ou arbitrale », La Gazette du Palais, 5 août 2003, n° 217, p. 2 ; Vincent NIORÉ, « Nouveau plaidoyer pour la libre communication par l’avocat des éléments d’un dossier pénal », La Gazette du Palais, du 30 juillet au 31 août 2013, n° 242 à 243, p. 10 ; Vincent NIORÉ, « Requiem pour le droit à la communication par l’avocat des pièces d’un dossier pénal en cours d’enquête ou d’instruction aux débats civils », La Gazette du Palais, 3 oct. 2017, n° 33, p. 17.

[2] Marie-Anne FRISON-ROCHE, Secrets professionnels, collection « Essais », éd. Autrement, 1999.

[3] Vincent NIORÉ, « Pour certains magistrats, l’honoraire est la rémunération du crime », La Gazette du Palais, 3 au 5 février 2013, nos 34 à 36.

[4] Crim. 22 mars 2016, n° 15-83.205 P : « Que, d’autre part, aucune disposition légale ou conventionnelle ne fait obstacle à la captation, à l’enregistrement et à la transcription des propos d’un avocat intervenant sur la ligne téléphonique d’un tiers régulièrement placée sous écoute, dès lors que, comme en l’espèce, en premier lieu, cet avocat n’assure pas la défense de la personne placée sous surveillance, qui n’est ni mise en examen ou témoin assisté ni même n’a été placée en garde à vue dans la procédure en cause, et, en second lieu, ses propos, seraient-ils échangés avec un client habituel, dont le contenu est étranger à tout exercice des droits de la défense dans ladite procédure ou dans toute autre, révèlent des indices de sa participation à des faits susceptibles de qualification pénale, tels que les a analysés, en l’espèce, sans insuffisance ni contradiction, la chambre de l’instruction ;

D’où il suit que les moyens ne sauraient être accueillis ; »

[5] Article 100-5 alinéa 3 du CPP : « A peine de nullité, ne peuvent être transcrites les correspondances avec un avocat relevant de l’exercice des droits de la défense et couvertes par le secret professionnel de la défense et du conseil, prévu à l’article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, hors les cas prévus à l’article 56-1-2 du présent code. »

[6] En ce sens, notamment l’article 2.1 du RIN : « L’avocat est le confident nécessaire du client.

Le secret professionnel de l’avocat est d’ordre public. Il est général, absolu et illimité dans le temps.

Sous réserve des strictes exigences de sa propre défense devant toute juridiction et des cas de déclaration ou de révélation prévues ou autorisées par la loi, l’avocat ne commet, en toute matière, aucune divulgation contrevenant au secret professionnel. »

[7] Crim. 13 sept. 2022, n° 21-87.452 P.

[8] Albert CAMUS, L’homme révolté, Folio essais, p. 98.

[9] Crim. 13 déc. 2022, n° 21-87.435 P.

[10] Crim. 22 mars 2016, n° 15-83.205 P : « Attendu que, pour écarter le moyen d’annulation, pris de la violation du principe de la confidentialité des conversations entre un avocat et son bâtonnier ainsi que des droits de la défense, l’arrêt énonce que « cette conversation ne relevait pas de l’exercice des droits de la défense et que seuls ont été retranscrits les propos utiles à la manifestation de la vérité et à la caractérisation des infractions punissables » ;

Mais attendu qu’en prononçant ainsi, alors que ne pouvait être transcrite la conversation téléphonique entre un avocat, placé sous interception, et son bâtonnier, qui ne révélait aucun indice de participation personnelle de ce dernier à la commission d’une infraction pénale, la chambre de l’instruction a méconnu le sens et la portée des textes susvisés et du principe ci-dessus énoncé ».

[11] Crim. 22 mars 2016, n° 15-83.207.

[12] Article 11 alinéa 3 du CPP : « Toutefois, afin d’éviter la propagation d’informations parcellaires ou inexactes ou pour mettre fin à un trouble à l’ordre public ou lorsque tout autre impératif d’intérêt public le justifie, le procureur de la République peut, d’office et à la demande de la juridiction d’instruction ou des parties, directement ou par l’intermédiaire d’un officier de police judiciaire agissant avec son accord et sous son contrôle, rendre publics des éléments objectifs tirés de la procédure ne comportant aucune appréciation sur le bien-fondé des charges retenues contre les personnes mises en cause. »

[13] Crim. 30 sept. 2015, n° 15-90.014.

[14] Le Robert en ligne : « Intime. Une amie très proche. Dont les liens de parenté sont étroits. Un proche parent » ; Larousse en ligne : « Qui a de profondes affinités, qui entretient des relations étroites avec quelqu’un d’autre : Des amis très proches. »

[15] Conseil d’Etat, 30 avr. 1997, nos 173044 et 174212.

[16] Crim. 10 janv. 2023, n° 22-80.969.

[17] La solution n’est pas nouvelle. Voir par exemple Crim. 18 sept. 2001, n° 00-86.518 P : « Attendu qu’en l’état de ces énonciations, procédant de son appréciation souveraine, d’où il résulte que c’est sciemment qu’en méconnaissance des dispositions de l’article 160 du décret du 27 novembre 1991 l’avocat a révélé à un tiers le contenu d’un acte couvert par le secret de l’instruction, les juges ont caractérisé en tous ses éléments le délit de violation du secret professionnel, dont ils ont déclaré le prévenu coupable ».

[18] Crim. 14 oct. 2008, n° 07-88.459.

[19] François SAINT-PIERRE, Pratique de la défense pénale. Droit, histoire, stratégie. LGDJ, 6ème éd., p. 133, n° 99).

[20] CEDH 16 juin 2016, Versini-Capinchi, req. n° 49176/11 : « 78.  Cela étant rappelé, la Cour observe que le droit français énonce très clairement que le respect des droits de la défense commande la confidentialité des conversations téléphoniques entre un avocat et son client, et fait en conséquence obstacle à la transcription de telles conversations, même lorsqu’elles ont été surprises à l’occasion d’une mesure d’instruction régulière. Il n’admet à cette règle qu’une seule exception : la transcription est possible lorsqu’il est établi que le contenu d’une conversation ainsi surprise est de nature à faire présumer la participation de l’avocat lui-même à des faits constitutifs d’une infraction (paragraphe 27 ci-dessus). Par ailleurs, l’article 100-5 du code de procédure pénale établit désormais expressément qu’à peine de nullité, les correspondances avec un avocat relevant de l’exercice des droits de la défense ne peuvent être transcrites (paragraphe 28 ci-dessus).

[…]

80.La Cour réitère que ce qui importe avant tout dans ce contexte est que les droits de la défense du client ne soient pas altérés, c’est-à-dire que les propos ainsi transcrits ne soient pas utilisés contre lui dans la procédure dont il est l’objet ».

[21] CEDH 15 déc. 2011, Mor c. France, req. n° 28198 /09, § 57 : « La protection de cette liberté doit prendre en compte l’exception prévoyant que l’exercice des droits de la défense peut rendre nécessaire la violation du secret professionnel ».

[22] Civ. 1ère, 29 mars 2023, n° 22-11.079.

[23] Article 98 du CPP : « Sous réserve des nécessités de l’information judiciaire, toute communication ou toute divulgation sans autorisation de la personne mise en examen ou de ses ayants droit ou du signataire ou du destinataire d’un document provenant d’une perquisition, à une personne non qualifiée par la loi pour en prendre connaissance, est punie de 4 500 euros d’amende et de deux ans d’emprisonnement. »

[24] Crim. 18 mars 2015, n° 14-86.680.

[25] Civ. 1ère  20 sept. 2017 n° 16-19.643.

[26] Article 434-7-2 du CP : « Sans préjudice des droits de la défense reconnus à la personne suspectée ou poursuivie ou des droits des victimes, le fait pour toute personne qui, en raison de ses fonctions, a connaissance, en application du code de procédure pénale, d’informations issues d’une enquête ou d’une instruction en cours concernant un crime ou un délit de révéler sciemment ces informations à des tiers est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. »

[27] Article 114-1 du CPP : « Sous réserve des dispositions du septième alinéa de l’article 114, le fait, pour une partie à qui une reproduction des pièces ou actes d’une procédure d’instruction a été remise en application de cet article, de la diffuser auprès d’un tiers est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende. ». Article 114 al. 7 du CPP : « Seules les copies des rapports d’expertise peuvent être communiquées par les parties ou leurs avocats à des tiers pour les besoins de la défense. »

[28] Article 114 alinéa 6 du CPP : « Lorsque la copie a été directement demandée par la partie, celle-ci doit attester par écrit avoir pris connaissance des dispositions du septième alinéa du présent article et de l’article 114-1. Lorsque la copie a été demandée par les avocats, ceux-ci peuvent en transmettre une reproduction à leur client, à condition que celui-ci leur fournisse au préalable cette attestation. »

[29] A propos de la constitutionnalité de l’article 114 alinéa 6 du CPP, voir Cons. const. 17 mars 2023, n° 2023-1037 QPC.

[30] Crim. 14 oct. 2008, n° 07-88.459.

[31] Crim. 18 sept. 2001, n° 00-86.518 P.

[32] TJ Paris, 11ème ch. corr., 18 avr. 2023.

[33] Crim. 29 juin 1999, n° 98-81.962 P.

[34] Article R. 170 du CPP : « Les copies des décisions non définitives, des décisions rendues par les juridictions d’instruction ou de l’application des peines et des décisions rendues par les juridictions pour mineurs ou après des débats tenus à huis clos, ainsi que les copies des autres actes ou pièces d’une procédure pénale, ne sont délivrées aux tiers qu’avec l’autorisation préalable du procureur de la République ou du procureur général et sous réserve que le demandeur justifie d’un motif légitime.

L’autorisation peut n’être accordée que sous réserve de l’occultation des éléments ou des motifs de la décision qui n’ont pas à être divulgués.

L’autorisation est refusée par décision motivée si la demande n’est pas justifiée par un motif légitime, si la délivrance de la copie est susceptible de porter atteinte à l’efficacité de l’enquête ou à la présomption d’innocence, ou pour l’un des motifs mentionnés à l’article R. 168. »

[35] Article 155 du CPP : « En matière criminelle, correctionnelle et de police, hors les cas prévus par l’article 114, il peut être délivré aux parties :

1° Sur leur demande, expédition de la plainte ou de la dénonciation des ordonnances définitives, des arrêts, des jugements, des ordonnances pénales et des titres exécutoires prévus à l’article 529-2, alinéa 2, du code de procédure pénale ;

2° Avec l’autorisation du procureur de la République ou du procureur général selon le cas, expédition de toutes les autres pièces de la procédure, notamment, en ce qui concerne les pièces d’une enquête terminée par une décision de classement sans suite. Toutefois, cette autorisation n’est pas requise lorsque des poursuites ont été engagées ou qu’il est fait application des articles 41-1 à 41-3 et que la copie est demandée pour l’exercice des droits de la défense ou des droits de la partie civile. »

[36] Article 789 du CPC : « Le juge de la mise en état est, à compter de sa désignation et, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour :

1° Statuer sur les exceptions de procédure, les demandes formées en application de l’article 47 et les incidents mettant fin à l’instance ;

2° Allouer une provision pour le procès ;

3° Accorder une provision au créancier lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable. Le juge de la mise en état peut subordonner l’exécution de sa décision à la constitution d’une garantie dans les conditions prévues aux articles 514-5, 517 et 518 à 522 ;

4° Ordonner toutes autres mesures provisoires, même conservatoires, à l’exception des saisies conservatoires et des hypothèques et nantissements provisoires, ainsi que modifier ou compléter, en cas de survenance d’un fait nouveau, les mesures qui auraient déjà été ordonnées ;

5° Ordonner, même d’office, toute mesure d’instruction ;

6° Statuer sur les fins de non-recevoir.

Par dérogation au premier alinéa, s’il estime que la complexité du moyen soulevé ou l’état d’avancement de l’instruction le justifie, le juge de la mise en état peut décider que la fin de non-recevoir sera examinée à l’issue de l’instruction par la formation de jugement appelée à statuer sur le fond.

Dans le cas visé au précédent alinéa, la décision du juge de la mise en état, qui constitue une mesure d’administration judiciaire, est prise par mention au dossier. Avis en est donné aux avocats. Les parties sont alors tenues de reprendre la fin de non-recevoir dans les conclusions adressées à la formation de jugement. »

[37] CA Rouen, 2ème ch., 17 juin 2010, n° 09/03904, consultable sur Doctrine.fr.

[38] Crim. 8 mars 2023, n° 21-86.859 : « 11. C’est à tort que les juges retiennent qu’un simple mensonge, même produit par écrit, ne peut constituer une manœuvre caractéristique du délit d’escroquerie au jugement, la production d’un document simplement mensonger étant susceptible de caractériser l’élément matériel de ce délit. 12.Cependant, l’arrêt n’encourt pas la censure, dès lors que, d’une part, un simple courrier adressé à un juge d’instruction par l’avocat d’une partie pour contester la valeur d’une charge ne peut s’assimiler à la production en justice d’un document mensonger destiné à tromper la religion du juge, d’autre part, la décision du juge d’instruction de rejeter une demande de non-lieu en cours d’information judiciaire n’est pas un acte susceptible d’opérer obligation ou décharge au sens de l’article 313-1 du code pénal, et par là même de causer un préjudice au mis en examen ».

Voir le commentaire du Professeur Philippe CONTE qui relève qu’ « un juge, dont c’est le métier (V. Cass. crim., 24 juin 1970, n° 69-93.217 : Bull. crim., n° 213), n’est-il pas mieux armé que quiconque pour débusquer le mensonge d’un plaideur […] ? » avant de constater à la lecture de l’arrêt que « même le fait d’user d’un document ne vaut pas manœuvres si le mensonge qu’il contient est licite, comme dans le cas où il est légitimé par les droits de la défense qui confèrent à la personne mise en examen, entendue sans serment, la possibilité de mentir » (Philippe CONTE, « Escroquerie au jugement : notion de manœuvres frauduleuses », Droit pénal n° 5, mai 2023, comm. 80).

Voir également CEDH 17 déc. 1996, Saunders c. Royaume-Uni, req. n° 19187/91, § 68 : « Même si l’article 6 de la Convention (art. 6) ne le mentionne pas expressément, le droit de se taire et – l’une de ses composantes – le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination sont des normes internationales généralement reconnues qui sont au cœur de la notion de procès équitable consacrée par ledit article (art. 6). Leur raison d’être tient notamment à la protection de l’accusé contre une coercition abusive de la part des autorités, ce qui évite les erreurs judiciaires et permet d’atteindre les buts de l’article 6 (art. 6) (arrêts John Murray précité, p. 49, par. 45, et Funke précité, p. 22, par. 44). En particulier, le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination présuppose que, dans une affaire pénale, l’accusation cherche à fonder son argumentation sans recourir à des éléments de preuve obtenus par la contrainte ou les pressions, au mépris de la volonté de l’accusé. En ce sens, ce droit est étroitement lié au principe de la présomption d’innocence consacré à l’article 6 par. 2 de la Convention (art. 6-2) ».

[39] Article 1, 7° de la proposition de loi visant à sécuriser le mécanisme de purge des nullités dans sa version adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale (après le Sénat) le 20 novembre 2024 et modifiant les dispositions de l’article 385 du CPP censurées par décision du Conseil constitutionnel du 28 septembre 2023 (Cons. const. 28 déc. 2023, n° 2023-1062 QPC) : « Au deuxième alinéa du même article 385, après la référence : « 184 », sont insérés les mots : « , et lorsque cette défaillance ne procède pas d’une manœuvre de la partie concernée ou de sa négligence ».

[40] Monsieur le Président Olivier LEURENT, École Nationale de la Magistrature, 29 août 2016.

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