Covid-19 : Les solutions pour aider les cabinets d’avocats à traverser la crise
Tous les cabinets d’avocats sont touchés de plein fouet par la crise du Coronavirus. Mais les plus fragilisés sont les cabinets de petite taille qui pratiquent beaucoup l’aide juridictionnelle car la crise actuelle arrive après deux mois de grève. Le confinement risque pour eux d’avoir des effets catastrophiques.
Les institutions de la profession d’avocat sont tellement sur la brèche pour gérer toutes les questions relatives au Covid-19 que les messageries téléphoniques de certains responsables sont saturées. « Je tourne les yeux 10 minutes pour m’occuper de mes enfants et ma boite mail est remplie de nouveaux messages » constate l’un d’entre eux qui cherche frénétiquement dans ses centaines de messages le document dans lequel il souhaite vérifier .
Un impact sur le chiffre d’affaires décalé de plusieurs semaines….
« Comme d’habitude, nous avons le sentiment de ne pas exister aux yeux du gouvernement. Il a fallu d’abord que nos instances se manifestent pour s’assurer que nous ne serons pas oubliés par le fonds de solidarité d’1 milliard d’euros à destination des entreprises touchées par la crise sanitaire liée au coronavirus, confie Vincent Maurel Bâtonnier des Hauts-de-Seine. Ensuite, une fois le décret créant ce fonds publié, nous nous sommes aperçus que les règles d’attribution ne sont pas adaptées aux avocats. Il faut en effet démontrer pour le mois de mars une baisse de 70% par rapport au chiffre d’affaires du mois de mars de l’année précédente, or les rentrées de mars correspondent à des factures émises préalablement, l’impact pour les cabinets d’avocats sera décalé de plusieurs semaines» .
Pour l’heure, les institutions, les ordres et la CNBF sont entièrement mobilisés pour aider au maximum les avocats à traverser cette période difficile. « Nous nous tenons informés en permanence entre bâtonniers, par exemple au sein de la conférence des 100 (NDLR : la conférence qui réunit les 20 plus gros barreaux), des mesures d’aides que nous mettons en place afin de trouver les meilleures solutions » explique le bâtonnier des Hauts-de-Seine.
Globalement, les cabinets sont confrontés à une baisse des recettes alors que les charges (qui représentent 50 à 60% du chiffre d’affaires) elles, continuent de tomber. L’urgence réside donc dans la possibilité de repousser le règlement des échéances. Il est possible aussi de solliciter des aides.
Repousser le règlement des diverses charges
Cotisations aux ordres : A Paris, les prélèvements des cotisations ordinales pour avril et mai 2020 sont suspendus Cette suspension pourra être prolongée en fonction de l’évolution de la crise. Les échéances non prélevées seront éventuellement réparties sur les mois suivants, précise l’ordre. Au barreau des Hauts-de-Seine, l’appel de l’ensemble des cotisations collectées par l’Ordre pour l’année 2020 (pour son propre compte ou un tiers : CNB ou assureur RCP/Prévoyance) est décalé en juin 2020. La date d’exigibilité de ces cotisations est reportée au 30 septembre 2020 (au lieu du 31 mai). Sur simple demande de l’avocat, ces cotisations seront payables en 4 mensualités (de septembre à décembre 2020).
Cotisations CNB et Conférence des bâtonniers : Nombre d’avocats demandent également la suspension ou la dispense de cotisations pour financer le fonctionnement des deux institutions. La présidente du CNB Christiane Féral-Schuhl a répondu sur Twitter « Nous allons vous proposer, soit de différer le paiement de votre cotisation au moment le plus opportun pour vous dans l’année civile, soit de l’étaler sur 10 mois ». « Le @CNBarreaux n’a pas de réserves. Il vit principalement de l’énergie de ses élus et de votre soutien » a précisé Christiane Féral-Schuhl dans un thread sur twitter. C’est tout le problème pour la Conférence des bâtonniers aussi. Les deux institutions ne se sont sans doute jamais autant mobilisées pour la défense de la profession, que ce soit pour les retraites ou aujourd’hui pour gérer la crise du Coronavirus, mais c’est aussi le moment où de nombreux cabinets sont en détresse. C’est donc au moment où la profession a le plus besoin de ses institutions qu’elle a aussi le plus de difficulté à en financer le fonctionnement….
CNBF : Pour les avocats en prélèvement mensuel automatique, l’échéance de mars 2020 ne sera pas prélevée, précise la Caisse dans un communiqué, mais répartie sur les mois suivants jusqu’en décembre. Par ailleurs, elle ajoute, s’agissant de l’échéance annuelle statutaire du 30 avril 2020, à laquelle la moitié au moins des cotisations 2020 doit être réglée, qu’elle est reportée au 31 mai 2020. Quant aux majorations et pénalités de retard elles sont suspendues.
URSSAF : il est possible de demander des facilités de paiement. Pour cela, le barreau de Paris recommande de se connecter sur l’espace en ligne urssaf.fr et adresser un message via la rubrique : « une formalité déclarative » puis « déclarer une situation exceptionnelle ». Par téléphone : 3957 (0,12 € minute + prix d’un appel)
TVA : en principe le paiement n’est pas reportable mais en cas de difficulté se rapprocher de la DGFIP.
Impot sur les sociétés : il est possible de demander un report sans pénalités et même un remboursement si on a déjà payé.
Gestion du personnel : Les cabinets d’avocats emploient de nombreux salariés : il y a le personnel administratif bien entendu, mais on dénombre aussi près de 4 500 avocats salariés. Beaucoup de cabinets réfléchissent à la solution du chômage partiel. Le 16 mars, le gouvernement a indiqué que les entreprises avaient 30 jours pour faire leur demande avec effet rétroactif. « Le problème est que l’appréciation des conditions du chômage partiel dépend des différentes DIRRECTE (NDLR : Directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi départementaux), qui peuvent avoir une lecture différente sur l’éligibilité ou les conditions d’accès. Il peut ainsi être assez compliqué pour un cabinet de justifier celles-ci» regrette Vincent Maurel.
Demander de l’aide
Chaque barreau met en place des mesures en fonction de ses moyens et des besoins de ses membres. A titre d’exemple, l’ordre de Paris invite les avocats à contacter le plus vite possible le service économique et social de l’ordre en cas de difficultés.
Au barreau des hauts-de-Seine, le Conseil de l’Ordre a décidé de doter le Fonds d’aide sociale du barreau (Fonds BLAVIER) à hauteur de 200.000 euros. « Grâce à ces ressources complémentaires, l’Ordre est immédiatement en mesure de mettre à la disposition de ceux d’entre nous les plus fragiles financièrement des prêts à taux zéro » précise le barreau. Ceux-ci seront remboursables en douze mensualités avec comme date de première échéance le 5 janvier 2021.
CNBF : Les avocats en difficultés financières peuvent déposer un dossier de demande d’assistance auprès du fonds d’action sociale de la CNBF en se rendant sur leur espace personnel. Certains avocats ont reproché à la caisse de ne pas puiser dans la réserve de deux milliards de quoi porter secours aux confrères les plus en difficultés. « Ces fonds ne sont pas liquides, ils sont immobilisés dans des placements immobiliers ou investis en valeurs mobilières (obligations, actions, OPCVM) dont la valeur est actuellement chahutée. Surtout, ils sont affectés au paiement des pensions : il faudrait donc modifier les textes pour pouvoir y toucher, précise Vincent Maurel qui est également vice-président de la CNBF. En revanche, la CNBF réfléchit sur un assouplissement des conditions d’attribution des aides de notre fonds social et une réduction des délais. Elle travaille également sur la possibilité d’une exonération partielle de cotisations. Le problème en l’état c’est que si on ne cotise pas, on perd les droits qui sont en face. C’est sur ce point que nous cherchons des solutions ».
Prêt garanti par l’Etat : Jusqu’au 31 décembre prochain, les entreprises de toute taille, quelle que soit la forme juridique de l’entreprise, et donc notamment les professions libérales pourront demander à leur banque habituelle un prêt garanti par l’Etat pour soutenir leur trésorerie. Ce prêt pourra représenter jusqu’à 3 mois de chiffre d’affaires 2019, ou deux années de masse salariale pour les entreprises innovantes ou créées depuis le 1er janvier 2019.
Fonds de solidarité du gouvernement. Ce fonds de solidarité est destiné à soutenir les TPE, les indépendants et les micro-entrepreneurs. Conditions pour en bénéficier : avoir un chiffre d’affaires inférieur à un million d’euros, moins de dix salariés et un bénéfice imposable inférieure à 60 000 euros. L’autre condition est d’avoir subi une perte de chiffre d’affaires de plus de 70% en mars 2020 par rapport à mars 2019. Cette dernière condition n’a pas de sens pour les avocats, mais les institutions sont en train d’intervenir pour obtenir une adaptation. Les entreprises qui remplissent ces conditions devront faire une demande à la DGFIP à partir du 1er avril prochain et recevront la somme de 1500 euros.
Un second volet est prévu au bénéfice des entreprises qui ont obtenu la première aide, ont un salarié au moins, ne peuvent régler leurs échéances à 30 jours, et n’ont pas obtenu un prêt de trésorerie de leur banque. Elles devront demander l’aide à partir du 15 avril sur une plateforme mise en place par leur région. L’aide s’élève à 2000 euros.
Pour aller plus loin :
- Voir le vade-mecum très complet et constamment mis à jour du Barreau de Paris dont les informations ne concernent pas que ce barreau.
- Contacter son barreau pour savoir quelles sont les mesures concrètes d’aide mises en oeuvre
- Consulter notamment le site du ministère de l’économie pour tout savoir des mesures proposées pour soutenir les entreprises
- Se renseigner régulièrement car la production de nouvelle réglementation est particulièrement intense actuellement. Les sites du CNB, de la Conférence des bâtonniers et de la CNBF mettent à jour régulièrement leurs informations.
Référence : AJU65776