Forum des réseaux au féminin : carrière et temps de vie des avocates

Publié le 10/12/2018

Organisé par l’association Avocats Conseil d’Entreprises (ACE), le forum des réseaux au féminin fêtait ses 10 ans, le 21 novembre dernier, à la Maison du barreau de Paris. Les nombreuses participantes ont témoigné de leur plaisir de se retrouver lors de ce rendez-vous, qui permet de libérer la parole des avocates. Sur le thème « carrière et temps de vie », les invités ont évoqué leurs expériences et leurs solutions pour réussir à trouver un équilibre entre les deux.

Comment les avocates peuvent-elles conjuguer carrière et parentalité ? Comment l’Ordre des avocats peut-il agir ? Quelles sont les aspirations des nouvelles générations ? Pour 85 % des avocates interrogées, la maternité a un impact dans leur carrière, d’après une enquête de la commission égalité et diversité de l’association Avocats Conseil d’Entreprises (ACE), datant de 2017. « L’objectif des réseaux au féminin est de sensibiliser sur ces inégalités afin de créer de nouvelles synergies », explique Solenne Brugère, avocate au barreau de Paris et membre du conseil de l’Ordre. Ainsi, pour fêter les 10 ans du forum, de nombreuses personnalités étaient invitées à partager leurs expériences autour d’une table ronde : « Carrière et temps de vie », le 21 novembre dernier, à la Maison du barreau de Paris.

Conviée à dire quelques mots, Me Marie-Aimée Peyron, bâtonnière de Paris, a remercié l’ACE pour sa participation. Elle a ensuite annoncé qu’en 2019, de grandes concertations sur l’égalité seront organisées pour réduire les inégalités dans les cabinets d’avocats. Des trophées de l’égalité seront attribués aux cabinets qui agissent dans cet intérêt. Elle a également rappelé l’inscription du principe de l’égalité comme principe essentiel de la profession dans le règlement intérieur des barreaux. Le conseil de l’Ordre affiche sa volonté de lutter contre les violences sexistes et sanctionnera désormais tous les comportements déviants afin de montrer l’exemplarité. Pour certains de leurs confrères, il est difficile d’accepter que ces travaux pour l’égalité soient importants : « nous observons encore une réticence, c’est pour cela que nous voulons créer une commission spécifique avec une écoute spécifique », ajoute Valérie Duef Ruff, avocate et présidente de la commission égalité et diversité de l’ACE.

Depuis 10 ans, le forum des réseaux au féminin rassemble les avocates, leur proposant ainsi un endroit où elles peuvent parler. Tant que les inégalités persisteront et qu’il existera toujours un plafond de verre, ces réseaux continueront d’exister ! « Pendant ces années, nous avons fait venir des coachs, des femmes, pour redonner confiance aux femmes et pour qu’elles puissent développer leur réseau », explique Caura Barsacz, fondatrice et directrice de la publication de Juristes-Associés, présente aux nombreuses soirées. Les thèmes varient, allant de la réussite à l’entrepreneuriat féminin, avec un mot qui revient régulièrement, celui d’oser !

Équilibre entre la carrière et la vie personnelle

« Bien souvent, les avocates entendent qu’elles ne peuvent pas être associées, car elles n’auront pas le temps et doivent s’occuper des enfants. Mais les femmes ne font pas des enfants toutes seules. Il y a encore beaucoup de travail pour que les avocats et avocates puissent s’investir dans leur vie privée et professionnelle », insiste Dominique Attias, vice-bâtonnière. Il est donc nécessaire que les avocates puissent choisir leur carrière et trouver leur propre équilibre, ce qui n’est pas possible dans tous les cabinets. « En rentrant de congés maternité, mon patron m’a reproché de partir à 19 h tous les jours et d’avoir moins de présence au bureau. J’ai fini par démissionner », raconte Valérie Duez Ruff.

Dans son ancien cabinet, Hubert Segain, avocat et ancien managing partner d’Herbert Smith Freehills, explique qu’ils ont réussi à atteindre l’égalité grâce à plusieurs solutions : « Nous avons demandé aux gens qui partaient quelles étaient leurs raisons », explique-t-il. Ainsi, ils ont mis en place des ateliers de coaching, ils ont rajeuni et féminisé le conseil d’administration et ont promu les femmes en tant que chefs d’équipes. Pour lui, il est important de travailler dans des structures qui laissent un équilibre avec la vie personnelle. Au début, les congés maternité posaient problème, car ils mettaient du temps à réintégrer les collaboratrices après leur congé. Maintenant, ils gardent le lien pendant leur absence, cela permet de les remettre sur des dossiers dès leur retour.

Les nouvelles technologies au service des jeunes générations

Avec les nouvelles technologies, il est possible de gagner du temps en travaillant et gérant les dossiers à distance. Ainsi Thomas Damery, fondateur de Lawgarithm, a créé ce logiciel basé sur l’intelligence artificielle permettant l’analyse automatisée et la gestion de contrat. Le but est d’avoir une partie automatique afin de laisser plus de temps à la partie créative de l’avocat. D’après ce dernier, « Il n’y a plus de carrières-types. Nous ne voulons plus séparer carrière et temps personnel, mais avoir un seul temps de vie que nous organisons comme nous voulons ». Les outils numériques, comme Skype, permettent également de ne pas couper totalement avec son entreprise lorsqu’on prend un congé parental, par exemple.

Ainsi, pour les nouvelles générations, les questions d’inégalité apparaissent moins et leurs perspectives de carrière ont changé, elles ont de nouvelles aspirations. Elles ont plus tendance à se poser la question de leur rapport à la profession et de la part de temps qu’elles veulent y consacrer, les deux sexes confondus. Les jeunes pères désirent s’impliquer davantage auprès de leurs enfants et dans les tâches ménagères. Anna Picot, avocate à Paris, témoigne : « dans un cabinet d’affaires, nous travaillons beaucoup et le temps personnel est plus limité. Monter mon cabinet, cela me permet d’avoir des temps de vie combinés entre mon temps personnel et professionnel ». Enfin, l’instauration de quotas obligatoires dans les conseils d’administration semble être un point indispensable au changement. La libération de la parole, notamment dans les réseaux professionnels, constitue un des axes pour que cela évolue enfin.

Réseaux au féminin d’Avocats Conseil d’Entreprise.

DR