Hauts-de-Seine : un nouvel outil numérique pour prédire des décisions de justice
En novembre dernier, le barreau des avocats des Hauts-de-Seine (92) a signé un partenariat avec Case Law Analytics, une entreprise nantaise innovante proposant une solution d’intelligence artificielle pour quantifier les aléas juridiques et risques judiciaires. Le bâtonnier, Vincent Maurel, espère ainsi permettre aux avocats d’améliorer leur service.
Et si l’on pouvait prédire les décisions des juges dans tel ou tel dossier ? Privilégier un règlement amiable, négocier, minimiser les risques ou aller au contentieux ? Il a fallu près de 20 ans de recherche au mathématicien Jacques Lévy Véhel, président de Case Law Analytics, pour parvenir à créer une intelligence artificielle suffisamment fiable pour répondre à cette question, en collaboration avec des juristes et mathématiciens, au sein de l’Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (INRIA).
Via le site « matoque92.com », les avocats du barreau des Hauts-de-Seine ont maintenant accès à une large sélection de modules développés dans plusieurs domaines par la start-up : droit social, droit commercial, droit public, propriété intellectuelle, famille… Ce partenariat a été signé avec le tout nouvel Incubateur du barreau. « L’Incubateur existait de façon informelle au sein du barreau des Hauts-de-Seine », explique Vincent Maurel, bâtonnier de l’ordre et président de l’Incubateur du barreau des Hauts-de-Seine, dans un communiqué de presse publié sur le site de Case Law Analytics. Il était incarné par la commission legaltech, innovation et développement, animée par Yann Leclerc et Marie-Pascale Piot et qui organise depuis deux ans des matinales au cours desquelles elle fait intervenir des legaltech et des acteurs innovants. […] Le travail ainsi mené par la commission a confirmé que l’ordre devait se doter de produits plus modernes et qu’il existait des acteurs nouveaux pouvant apporter une véritable aide aux confrères. C’est fort de ce constat que nous nous sommes rapprochés de Case Law Analytics ».
Une synthèse de la jurisprudence
Case Law Analytics a développé un outil logiciel capable de modéliser un certain nombre de décisions possibles à l’issue d’un procès. Il s’appuie sur des milliers d’affaires passées qui constituent sa base de données. « Chaque décision, à la main, a été traitée par un juriste qui l’a qualifiée avec des critères », a assuré Tiphaine Le Trionnaire, directrice commerciale de Case Law Analytics. Un comité scientifique a également été formé afin de définir les critères de qualification de chaque affaire, qui pourront alors être des éléments pouvant faire basculer les décisions d’un côté ou de l’autre.
Comment cela fonctionne-t-il ? L’utilisateur ou utilisatrice pourra cocher des cases en fonction des éléments factuels et procéduraux de son dossier, « jusqu’à 150 », précise Tiphaine Le Trionnaire. L’intelligence artificielle propose ensuite plusieurs résultats probables. D’après l’entreprise, Case Law Analytics est donc capable d’analyser et de calculer en quelques secondes les risques encourus dans un dossier donné.
« Véritables aides à la décision qui placent le professionnel du droit au centre de l’analyse et de la stratégie juridique, nos outils permettent de créer des ponts de communication entre avocats et clients mais aussi entre directions juridiques et directions financières », souligne l’entreprise.
De nouvelles stratégies ?
Le bâtonnier des Hauts-de-Seine et président de l’Incubateur, Vincent Maurel, rappelle : « L’avocat s’est toujours intéressé aux lois, aux textes, et à l’interprétation qu’en donnent les juges. Avec cet outil, tout un travail d’analyse de décisions est fait. Au lieu d’y passer des heures, on va y passer quelques minutes ».
En termes de stratégie contentieuse, cela pourrait signifier plus de temps pour préparer une défense, ou même jusqu’à affiner le calcul des montants s’il est par exemple question de dommages-intérêts. « Ce temps, l’avocat le consacrera à d’autres tâches : la réflexion pure, l’explication au client, la recherche d’autres clients… L’avocat a l’expérience, la connaissance du client, la définition d’une stratégie que n’a pas la machine », ajoute Vincent Maurel.
Yann Leclerc est convaincu que « Grâce à ce partenariat, les avocats du barreau des Hauts-de-Seine vont pouvoir améliorer le service rendu à leurs clients, être plus productifs, gagner en notoriété et aller peut-être vers une nouvelle clientèle ». « L’outil mis au point est vraiment utile aux confrères qui vont aller plus vite dans leur analyse de la jurisprudence. C’est une aide à la décision pertinente et efficace », assure le bâtonnier.
Case Law Analytics a par ailleurs signé la charte sur la transparence et l’éthique de l’utilisation des données judiciaires, proposée par le Conseil national des barreaux (CNB) en octobre dernier. L’entreprise s’engage donc à suivre les 11 principes listés : bienfaisance et non-malfaisance, loyauté, explicabilité, transparence, compétence et égalité, protection, accessibilité, responsabilité, prévisibilité et évaluation, minimisation, remédiation, compensation et enfin le principe de neutralité technologique et de sécurité. Elle entend « porter ces valeurs communes devant tous les acteurs de notre système judiciaire ».
Les avocats auront la possibilité de souscrire directement en ligne et de choisir soit une formule par abonnement annuel, soit une utilisation à l’unité, à des tarifs accessibles pour un avocat exerçant à titre individuel. « L’objectif est aussi de promouvoir l’intelligence artificielle et le savoir-faire français, dont est issue notre technologie unique au monde », conclu l’entreprise Case Law Analytics.
De nombreux avocats des Hauts-de-Seine ont déjà pu profiter de formations pour prendre en main ce nouvel outil. Pas d’inquiétude, un accompagnement est toujours prévu pour les novices.