Hommage au bâtonnier Olivier Cousi : « Un sourire, une force innée, un courage incroyable »

Publié le 03/03/2022

Olivier Cousi, bâtonnier de Paris (2020-2022) est décédé mercredi 2 mars des suites d’une longue maladie à l’âge de 62 ans. Me Julia Courvoisier rend un vibrant hommage à un bâtonnier qui a su accompagner ses confrères dans toutes les tempêtes qu’ils ont traversées depuis la réforme des retraites jusqu’à la crise sanitaire. Un homme présent, bienveillant, disponible et engagé. 

Hommage au bâtonnier Olivier Cousi : "Un sourire, une force innée, un courage incroyable"
Le bâtonnier de Paris Olivier Cousi à la manifestation du 11 janvier 2020 à Paris contre la réforme des retraites, entouré de Christiane Féral-Schulh, présidente du CNB (à droite) et de Hélène Fontaine, présidente de la conférence des bâtonniers (à gauche). Photo : ©P. Cluzeau.

 

Etre avocat, c’est évidemment être un combattant.

Un combattant du droit, mais aussi un combattant de la vie.

Quand on a l’immense honneur de porter cette si belle robe,  on sait aussi qu’on ne peut pas toujours gagner toutes les batailles.

Monsieur le Bâtonnier de Paris, Olivier Cousi, est décédé hier à l’âge de 62 ans.

Une onde de choc dans le monde des avocats, de France mais pas uniquement.

Monsieur le Bâtonnier de Paris, Olivier Cousi, était aimé et respecté, jusqu’à Beyrouth où ses confrères le pleurent également.

Il laisse des milliers d’avocats stupéfaits et immensément peinés. Comme orphelins d’une père bienveillant, amoureux de son métier et de ses confrères.

A la lecture des centaines de messages de condoléances, je réalise à quel point il va laisser un vide.

Il laissera surtout une trace indélébile dans notre histoire d’avocats. Il laissera la bienveillance nécessaire à l’exercice de notre métier. Il laissera un sourire, une force innée. Un courage incroyable.

Monsieur le Bâtonnier Olivier Cousi a du gérer plus de 30.000 avocats, le plus gros barreau de France, durant deux périodes mouvementées : d’abord la grève contre la réforme des retraites mais aussi et surtout, la période Covid à partir de mars 2020.

Lorsqu’il a pris ses fonctions en janvier 2020, je crois qu’il ne s’attendait pas à une telle fronde de la part de ses confrères. Manifestations dans les rues, grèves des audiences, défenses massives en correctionnelle. Nous étions en colère et nous n’entendions rien lâcher.

Et puis est arrivée cette assemblée générale à la Cour d’appel de Paris, où nous avons voté à main levée la grève totale et absolue. Il était là, entouré des membres du conseil de l’ordre, sur les marches de la cour d’assises.

La démocratie ordinale comme je ne pensais jamais la voir.

Nous nous en souvenons tous. Comment oublier le bâtonnier qu’il est devenu à cet instant-là ?

Un commandant de navire.

Le capitaine de 30.000 membres d’équipage en colère.

Je crois que, comme beaucoup d’entre nous, il avait peu l’habitude de porter des pancartes en baskets dans les rues parisiennes. Il avait surement peu l’habitude aussi de crier dans un mégaphone devant le Tribunal judiciaire de Paris, bloqué par surprise un matin par des avocats déterminés.

Il n’avait surement pas non plus l’habitude d’aller ravitailler tous ces confrères qui ont plaidé des nuits entières en comparutions immédiates des dizaines de nullités de procédure. Discret, il venait passer le bout de son nez lors de ces audiences mythiques que nous avons assurées gracieusement pendant des semaines pour expliquer à quel point le rôle de l’avocat est fondamental, les mains chargées de sandwichs et de boissons pour nous soutenir.

Il ne se faisait jamais remarquer. Mais on ne pouvait pas le louper !

Je crois sincèrement que c’est à ce moment-là que l’amour est né entre lui et nous.

Nous, les 30.000 avocats.

Il a pris son Vélib en robe pour aller déposer nos cahiers de doléances.

Il nous a accompagnés dans les rues sur son camion pendant nos manifestations.

Il a porté notre voix. Haut et fort. Toujours avec élégance.

Il n’a rien lâché.

Il nous a aimés.

D’un amour confraternel simple, discret mais puissant.

Il ne nous a pas abandonnés lorsque le 16 mars 2020, nous avons reçu l’ordre de rester chez nous et de fermer séance tenante nos cabinets. Il a fait en sorte que l’Ordre soit à l’écoute des pauvres angoissés que nous étions à ce moment-là. L’Ordre n’a cessé de maintenir le lien avec nous.

Il a engagé des recours pour que nous obtenions des masques.

Il a engagé des recours pour que nous puissions ensuite recevoir nos clients en dehors des heures de couvre-feu.

Il s’est battu contre tout ce qui pouvait entraver l’exercer de la Défense.

Et durant cette période chaotique, il a quand même trouvé le temps de mettre en place la révolution du numérique pour notre barreau.

Il n’a jamais rien lâché et j’imagine à quel point cela a dû être dur.

Je l’ai vu, pour la dernière fois, devant le Sénat l’hiver dernier,  manifester contre le projet de réforme de notre secret professionnel. Lui, le Bâtonnier de Paris, sur le pavé avec sa pancarte et sa robe.

Il était accessible.

Il était avec nous.

Il était juste comme nous.

Il était de tous les combats.

Y compris celui contre cette fichue maladie qui l’a emporté hier soir.

Monsieur le Bâtonnier,

Vous nous avez aimés.

Vous nous avez défendus.

Vous nous avez soutenus.

Dignité, conscience, indépendance, probité, humanité.

Vous êtes dorénavant notre serment et vous le resterez.

MERCI.

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