« J’ai créé du réseau partout où j’étais »
Depuis janvier 2017 à la direction du Réseau entreprendre Val-de-Marne, Véronique Poitou est une femme passionnée par son métier. Elle a dédié sa vie professionnelle à la mise en relation des entreprises et l’accompagnement de celles et ceux qui continuent de prendre des risques pour la création d’emplois en France, et plus particulièrement dans le Val-de-Marne. Rencontre.
Originaire de Touraine, Véronique Poitou s’est installée en Île-de-France pour ses études et y est restée. Laissant de côté ses aspirations journalistiques, elle s’oriente plutôt vers le monde des entreprises. Diplômée de l’École des hautes études en sciences sociales en 1996, elle rédige son mémoire sur les joint-ventures franco-allemands. « Quand je suis rentrée à l’école, mon directeur de mémoire m’a dit que c’était un sujet peu exploité. Je suis entrée dans le monde de l’entreprise par ce biais », précise t-elle. De parents enseignant et militaire, Véronique Poitou est loin d’avoir été bercée dans le monde de l’entrepreneuriat. Mais c’est bien dans ce domaine qu’elle excelle, au service des autres.
Faire réseau
Après deux années au sein de la mairie de Juvisy-sur-Orge, de juillet 1998 à septembre 2000, à un poste créé pour elle comme « responsable service développement économique », Véronique Poitou rejoint la Chambre de commerce et d’industrie de Paris Île-de-France pour un remplacement. Elle y passera un peu plus de 16 ans, évoluant petit à petit vers ce qui l’anime : la mise en réseaux. « J’adore mettre les gens en contact, que ça se passe bien autour de moi ». Elle qui se dit « en retrait mais sociable », est aussi une personne très optimiste. « À la CCI, d’abord dans les Hauts-de-Seine, j’avais une responsable qui me laissait donner libre court à mon imagination. J’ai créé du réseau partout où j’étais. Dans mon cercle d’amis, c’est pareil. Ça a toujours été un fil conducteur professionnel et privé ».
Véronique Poitou change de territoire, pour se rapprocher de son lieu de vie, dans le Val-de-Marne. « En 2003, c’était balbutiant au niveau développement économique. Ça a beaucoup évolué depuis. Le challenge était intéressant et passionnant ». Après divers postes au sein de la CCI, elle en obtient finalement un lié aux partenariats. « Je travaillais avec les grands comptes, avec les chefs d’entreprise au cœur de leurs préoccupations. Je suis admirative de leurs efforts. Ce sont des gens qui ont un courage, qui investissent du temps et de l’argent. Ils prennent beaucoup de risques qui peuvent engager leur vie ».
En 2016, le directeur du Réseau entreprendre du Val-de-Marne, une association de chefs d’entreprises qui accompagne les créateurs et repreneurs d’entreprises à fort potentiel de création d’emplois sur le territoire, quitte ses fonctions. « Il savait que je cherchais un poste et m’a proposé de prendre sa place. J’avais 43 ans, c’était le moment de foncer ».
Accompagner vers le succès
Réseau Entreprendre Val-de-Marne accorde chaque année des prêts d’honneur (sans intérêts, garantis par la BPI) à hauteur de 15 à 50 000 € pour aider des projets à se développer puis se pérenniser. 90 chefs d’entreprises bénévoles donnent ainsi de leur temps au sein de l’association pour accompagner les porteurs de projets.
Véronique Poitou n’arrête jamais d’essayer de recruter des nouveaux membres. Une grande partie de ses missions consiste également à organiser les moments de rencontre. Comme le 17 septembre prochain, à Villejuif, pour la Fête des entrepreneurs : « Elle devait avoir lieu en mars mais nous l’avons reportée à cause du Covid-19. Nous allons tout faire pour recevoir nos invités dans les meilleures conditions », assure-t-elle.
Parmi les membres du Réseau Entreprendre, on retrouve aussi bien des entreprises comme ADP, Exponens, Septodon, Icade mais aussi des PME, TPE, consultants, des professions de conseil ou encore des experts-comptables. « Dans les lauréats qui bénéficient des prêts à taux zéro ce sont des entreprises qui créent de cinq à dix emplois dans les trois à cinq ans, précise Véronique Poitou. Nous avons aussi la volonté de promouvoir le respect de l’environnement. Une des valeurs de Réseau Entreprendre est la personne : les valeurs humaines ».
Durant le confinement, ce soutien ne s’est pas arrêté. « Nous sommes dans un environnement ultra dynamique. Tout le monde a été hyper réactif. Certains lauréats ont su changer leur business model s’il le fallait. Pour celles et ceux qui allaient moins bien, ça leur a fait du bien de pouvoir continuer d’échanger par visio. Ça a été une période très riche au niveau humain ».
Les habituels afterworks se déroulent maintenant aussi le matin sous forme de petit-déjeuner, ou même le midi, afin de s’adapter aux contraintes personnelles et familiales de chacun.
Une femme de tête
« Nous sommes au cœur de toutes les innovations à tout niveau : social, sociétal, technologique, de tout ce qui se crée, de toutes les nouvelles tendances », se réjouit Véronique Poitou à propos de ses missions au sein du Réseau Entreprendre. « J’apprends tous les jours. Intellectuellement, c’est hyper motivant ».
Interrogée sur les défis à venir Véronique Poitou répond : « Permettre à toujours plus de femmes entrepreneuses de rentrer dans le réseau ». Cette position de l’association se traduit à l’échelle nationale et internationale avec le programme Wom’energy qui encourage à porter un regard nouveau sur les projets portés par des femmes. « J’ai réalisé au cours de ma carrière qu’un projet porté par une femme est regardé différemment par les banques, d’autant plus si elle est d’origine étrangère. Or la lecture d’un business plan (BP) rédigé par une femme sera beaucoup plus réaliste. Pour un BP qui annonce 3 millions de chiffre d’affaires et 15 salariés en trois ans pour un homme, une femme annoncera 800 000 euros et 5 salariés. Ça fait moins rêver, mais c’est plus réaliste. Sachant que les femmes cheffes d’entreprise en tant que lauréates “écrasent tout”, elles y vont à fond avec l’envie de réussir. Ce sont des tempéraments de feu ».
De son côté, si son parcours s’est déroulé jusque-là sans attaques ni obstacles, Véronique Poitou ne peut nier qu’elle a elle aussi dû faire face à une réalité : la différence de salaire. « Les femmes sont toujours moins payées que les hommes. C’est encore très vrai. C’est un problème d’un point de vue sociétal en général ».
Soucieuse de faire la différence, elle se félicite d’observer des changements d’approche lors des comités de sélection des lauréats de l’association. « Lors d’un comité, l’un des membres a fait remarquer qu’une des candidates était une femme jeune, d’origine étrangère, et qu’en conséquence elle devrait faire face à plus de difficultés face aux banques, aux investisseurs. C’est factuel : elle ne bénéficiera pas d’autant de confiance qu’un homme blanc, la quarantaine. C’est à nous de changer ça. Nous sommes toujours à la recherche de nouveaux projets, de nouveaux adhérents, donc si quelqu’un veut nous rejoindre, l’association leur ouvre grand les portes ! ».