La Nuit du Droit : la visite panoramique du président du TJ de Paris
À l’occasion de la Nuit du Droit, Stéphane Noël, le président du tribunal judiciaire de Paris a guidé une classe de terminale du lycée Fénelon dans le dédale de l’édifice flambant neuf. Une occasion d’en goûter l’architecture et d’en apprendre un peu plus sur les rouages de la justice.
Elsa Sabado
Ce soir, Stéphane Noël, le président du tribunal judiciaire fait des heures sup’. Ce 3 octobre, il troque son rôle de grand organisateur de procès sensibles, de manager des magistrats et de représentant de l’institution judiciaire contre celui de guide-conférencier. Avec d’autres magistrats du tribunal, il ouvre pour la Nuit du Droit les portes de son royaume au public. « Les Parisiens ont vu surgir ce grand bâtiment qu’est le tribunal dans leur paysage, il nous faut bien justifier son existence à leur égard », juge-t-il. Un groupe d’élèves de terminale du lycée Fénelon entre par la porte du Sud, dédiée aux affaires pénales. La visite du tribunal est une des activités auxquelles les adeptes de littérature, droit ou géopolitique doivent participer dans le cadre de leur séminaire de discernement de rentrée. La petite troupe s’ébranle dans la salle des pas perdus : « Les personnes qui passent le seuil d’un tribunal sont angoissées, stressées, pleines d’incertitudes. L’architecte a donc tenté de proposer l’organisation la plus simple possible, afin d’orienter au mieux le justiciable. Tout est blanc, en bois, il y a des jeux sur la transparence, vertu cardinale de la justice », détaille le président. Il désigne ensuite les couloirs de boxes rouges où n’importe quel citoyen peut obtenir de l’aide ou consulter un avocat gratuitement.
Vocations
Suivant leur guide, les élèves dissertent sur leur rapport au droit. Côme revient d’un voyage à New York où sa « mère d’accueil » tenait une compagnie de droit de la propriété intellectuelle. Elle lui a visiblement transmis sa passion. « Par contre, je ne me vois pas défendre des criminels », concède le jeune homme. À 17 ans, Pauline compte plusieurs stages à son actif : « Le deuxième, dans un cabinet d’avocats, était super. J’ai pu aller à des audiences. Mais pas à celles d’un procès sur des crimes contre l’humanité : j’étais dégoûtée ».
La visite de M. Noël est évidemment l’occasion de susciter des vocations chez les adolescents : « Le tribunal est aussi le lieu des professionnels du droit : les magistrats. Leur formation dure 31 mois. On peut ensuite être juge ou procureur. Il existe des juges des enfants, des juges de la copropriété, de la responsabilité médicale, des tutelles, des juges d’applications de peines, des juges d’instruction… La richesse de la justice consiste en la diversité de ses activités, qui reflète la diversité de la société », philosophe Stéphane Noël. Sans oublier de rappeler que le tribunal judiciaire de Paris est la première juridiction de France, avec le nombre record de 100 000 décisions de justice annuelles. « C’est ici que se déroule en ce moment le procès des assistants parlementaires du Rassemblement National », indique-t-il, ravivant d’un coup l’intérêt du jeune auditoire.
Contradictoire
Une escale dans la salle des audiences civiles permet au président du TJ d’inscrire dans l’espace ce qu’est un procès au civil : « Il y a un à trois juges pour chaque audience, et vous voyez là les strapontins des prévenus et de leurs avocats. On dit que c’est le procès des « parties », il y a un demandeur, et un défendeur, qui échangent des arguments devant les juges », expose le magistrat. C’est l’occasion de rappeler la centralité du contradictoire dans l’exercice de la justice. « Nous devons préserver l’équilibre des droits des parties, ce qui explique pourquoi le symbole de la justice est la balance », rappelle-t-il. « Le tribunal est ouvert jour et nuit, et même le week-end, ce qui nous permet d’assurer la continuité du service public. C’est pour cela que nous avons pu nommer un juge d’instruction dès que la justice suisse nous a livré l’assassin présumé de la jeune Philippine », poursuit Stéphane Noël.
Elsa Sabado
« Contrairement à l’ambiance feutrée des audiences civiles, très écrites, les audiences pénales revêtent un tour plus agressif : les avocats plaident depuis leur siège, portent l’accusation de manière orale et circonstanciée », continue d’exposer le président du TJ dans la salle des audiences pénales. Elles se différencient par des boxes bordés de parois en verre, où les détenus arrivent du dépôt, une prison de 300 places située sous le palais de justice. Les questions des élèves fusent : « A-t-on besoin d’être majeur pour assister aux audiences ? ». Négatif. « Peut-on être détenu avant d’être jugé ? » « Oui, par exemple si on est pris en flagrant délit, on va au commissariat, en garde à vue pendant 48 heures au bout desquelles on doit être présenté au procureur, qui décide d’une comparution immédiate ou d’une convocation ultérieure. La période de détention ne peut pas être infinie », répond le magistrat. « Et est-ce que les boxes peuvent être remplis ? » « Oui, parfois il peut y avoir plusieurs prévenus pour la même affaire, et leurs avocats les accompagnent, notamment dans les affaires de criminalité organisée, ça peut faire du monde », répond Stéphane Noël.
Un métier merveilleux
Une fois terminée l’exploration du rez-de-chaussée, le groupe monte dans les étages pour visiter une salle d’audience minuscule dédiée au surendettement et au non-paiement des loyers. Puis vient le clou du spectacle, présenté avec gourmandise par le maître des lieux. L’ascenseur de verre ultra rapide qui offre une vue panoramique sur les toits du nord parisien. Il mène à l’étage de la bibliothèque Robert Badinter, que la conservatrice Carole Watorek présente aux élèves. Les Codes civils s’étalent sur les étagères et, sous les vitrines, s’exposent des textes fondateurs datant de la Révolution française… La dernière étape de la visite, sur le jardin-terrasse, offre une vue imprenable sur Paris.
En regardant l’horizon, les élèves font le point : « Je ne savais pas qu’on pouvait être juge des responsabilités médicales, j’ai trouvé ça très intéressant », estime Basile, qui a pourtant fait un stage aux côtés d’un procureur. « Je suis l’actualité de près, notamment le procès Mazan, et je ne comprends pas toujours les termes employés par les médias. Grâce à cette visite, à l’avenir, je comprendrai mieux les termes », pense Hippolyte. « Alors que mon père est avocat, l’institution judiciaire reste floue. Au moins, maintenant, je sais ce qu’il fait exactement de ses journées », se réjouit Sybille. « Juger est un métier merveilleux, riche, difficile, passionnant, vous allez bientôt choisir votre orientation préprofessionnelle. Vous pouvez revenir quand vous voulez pour voir des audiences », conclut Stéphane Noël en raccompagnant les élèves vers la sortie. « Alors on peut aller voir le procès des assistants du RN ? », interroge l’un d’eux. Objectif atteint.
Référence : AJU015v1
