Notion de résident fiscal au titre d’une convention
La détermination de la résidence fiscale du contribuable est une opération complexe qui nécessite des connaissances en droit interne et en droit international avec un risque pénal à ne pas négliger.
« Mon pays, c’est l’amour », chante Johnny Hallyday dans son album posthume. Le tribunal de grande instance de Nanterre devra déterminer le 28 mai si la résidence du chanteur est située aux États-Unis, le lieu du domicile conjugal où il résidait avec son épouse et ses enfants Jade et Joy ou en France, le pays qui lui fournit l’essentiel de ses revenus (royalties, droits d’auteur) et dans lequel il a souhaité être enterré. Les avocats de Laetitia, sa veuve, et les avocats de ses deux aînés, David et Laura, ont exploré tous les critères de domiciliation du droit interne et de la convention fiscale franco-américaine1 afin de faire pencher la balance du côté des États-Unis ou de la France pour tenter d’aborder dans les meilleures conditions le règlement de la succession du chanteur.
Dans le cadre de cette étude consacrée à la notion de résident fiscal au titre d’une convention, nous rappellerons tout d’abord les critères de domiciliation du droit interne (I). Puis, nous nous interrogerons sur l’interprétation des conventions fiscales en matière de détermination de la résidence du contribuable à travers les personnes physiques et les personnes morales (II) avant de conclure sur les domiciliations fictives sanctionnées par le juge pénal (III).
I – Les critères de domiciliation du droit interne
L’article 4 B du Code général des impôts issu de la loi n° 76-1234 du 29 décembre 1976 énonce les critères de domiciliation en France. Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France :
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les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal (A) ;
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celles qui exercent en France une activité professionnelle, salariée ou non, à moins qu’elles ne justifient que cette activité y est exercée à titre accessoire (B) ;
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celles qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques (C).
Ces critères sont alternatifs : il suffit que le contribuable réponde à l’un de ces critères pour être considéré comme domicilié fiscalement en France et être imposé sur son revenu mondial, sous réserve de l’application des conventions fiscales bilatérales.
A – Les critères du foyer d’habitation et du lieu de séjour principal
Le foyer d’habitation est le lieu d’habitation dont une personne a la disposition en tout temps et à quelque titre que ce soit pour y séjourner avec sa famille de manière durable2. Depuis l’arrêt Larcher3, le critère du foyer est devenu prioritaire par rapport au critère de la durée du séjour. Le juge ne prend pas en compte les séjours effectués temporairement à l’étranger s’ils présentent un caractère exceptionnel ou professionnel.
L’appréciation par la Cour de cassation, qui est compétente pour les droits de mutation à titre onéreux, les droits de mutation à titre gratuit et l’impôt sur la fortune, à propos du caractère prioritaire du foyer est identique à celle du Conseil d’État depuis l’arrêt Vital-Béhard rendu en matière de droits de succession4.
Pour le Conseil d’État, la disposition en France d’une habitation où la famille peut durablement se retrouver est suffisante pour emporter domiciliation fiscale en France5.
Cependant dans certains cas, le fait pour un contribuable d’être propriétaire d’une habitation en France où demeurait un de ses enfants ne suffit pas contrairement aux affirmations de l’administration des impôts pour situer son foyer fiscal en France. M. Caporal était séparé de son épouse qui vivait en concubinage dans le Sud de la France. Ses enfants étaient adultes et formaient des foyers distincts. Il était difficile dans ces conditions de soutenir que M. Caporal avait son foyer fiscal en France, d’où l’utilisation du critère subordonné du lieu de séjour principal6.
Le lieu de séjour principal en France résulte d’une présence en France pendant au moins 183 jours au cours d’une année. Les conditions du séjour importent peu : à l’hôtel ou chez des membres de la famille (ici, chez le fils). La jurisprudence a affiné ce critère. Le contribuable est imposable en France s’il a passé plus de temps dans cet État que dans les autres États au cours d’une année7. Pour arriver à ses fins, l’Administration utilise les renseignements fournis par les banques. L’utilisation de chèques tirés en France permet de déterminer le lieu où se trouvait le contribuable. Ces renseignements étaient corroborés par les billets d’avion souscrits auprès des compagnies aériennes. Il y avait peu de probabilités dans ce cas d’échapper aux mailles du filet tendu par le fisc8.
B – L’activité professionnelle non accessoire
Cette activité doit être exercée à titre principal9. C’est l’activité à laquelle le contribuable consacre le plus de temps10. S’il consacre le même temps pour deux activités, ce sera celle qui rapporte le plus d’argent.
Pour les professions non salariées, l’activité professionnelle exercée en France se caractérisera par la mise en œuvre de certains moyens (par exemple : point fixe d’affaires ou établissement stable)11.
C – Le centre des intérêts économiques
Selon l’administration des impôts, le centre des intérêts économiques est défini comme « le lieu où les contribuables ont effectué leurs principaux investissements, où ils possèdent le siège de leurs affaires, d’où ils administrent leurs biens. Ce peut être également le lieu où les contribuables ont le centre de leurs activités professionnelles, ou d’où ils tirent la majeure partie de leurs revenus »12.
Le critère de la production des revenus par rapport à la détention du patrimoine est privilégié, ce qui apparaît somme toute logique en matière d’impôt sur le revenu. Dans des arrêts relativement anciens, le Conseil d’État avait déjà privilégié la notion de revenus tirés de l’exercice d’activités professionnelles exercées grâce à la détention d’un patrimoine important.
A ainsi été considérée comme ayant son centre d’intérêts économiques en France :
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une personne qui n’avait tiré aucun revenu de l’activité qu’elle prétendait exercer à l’étranger dans deux sociétés commerciales, qui avait disposé en France de comptes bancaires approvisionnés, avait occupé des emplois de direction et possédait des intérêts dans plusieurs sociétés établies dans notre pays où elle séjournait normalement13 ;
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une personne exerçant diverses activités en Afrique mais qui percevait en France la plus grande partie de son revenu comme directeur général d’une société française et comme détenteur de valeurs mobilières françaises14.
A contrario, la personne qui était propriétaire en France de plusieurs exploitations agricoles d’une superficie de 166 ha y disposait d’une résidence secondaire où elle avait installé un bureau d’études, mais qui avait retiré la plus grande partie de ses revenus de l’exploitation de domaines agricoles en Algérie et au Maroc représentant plus de 1 400 ha n’a pas été considérée comme ayant son centre d’intérêts économiques en France15.
Cette primauté de la notion de revenus tirés du patrimoine par rapport à l’importance du patrimoine a été réaffirmée ultérieurement dans l’arrêt Memmi16. Le requérant avait perçu des revenus importants de source française. Il possédait aussi six appartements et un gros portefeuille de valeurs mobilières. La cour a exclu les biens non productifs de revenus pour la détermination du centre des intérêts économiques du contribuable17.
La détention d’un patrimoine en France faiblement productif de revenus n’est pas non plus suffisante pour caractériser le centre des intérêts économiques18.
Dans l’arrêt Caporal19, le Conseil d’État applique sa jurisprudence traditionnelle sur la notion de centre des intérêts économiques : ce n’est pas tant l’importance du patrimoine que sa capacité à générer des revenus qui prime.
Les biens immobiliers situés en France et les avoirs en compte courant dans les sociétés de golf n’étaient pas générateurs de revenus. M. Caporal avait en revanche, en sa qualité d’armateur, perçu d’importants revenus professionnels en Grèce.
L’appréciation par la Cour de cassation de la notion de centre des intérêts économiques est identique. A ainsi été considéré comme domicilié en France, le contribuable qui dispose dans cet État d’un important patrimoine immobilier, constitué de 11 immeubles loués et d’un portefeuille de valeurs mobilières sur des comptes bancaires. Au cas d’espèce, les revenus bruts perçus par le contribuable en France étaient supérieurs aux revenus tirés de son activité professionnelle exercée à l’étranger20.
De même, un contribuable qui vivait sur l’île de Grenade et qui disposait et gérait un important patrimoine en France a été considéré comme ayant son domicile fiscal en France. Ce patrimoine générait des revenus substantiels21.
II – La résidence dans les conventions internationales
En cas de double imposition, en vertu du principe de subsidiarité, le juge qualifie la situation du contribuable en vertu du droit interne22.
A contrario, la Cour de cassation n’applique pas le principe de subsidiarité mais retient directement les stipulations conventionnelles en vertu de la hiérarchie des normes23.
Les conventions fiscales bilatérales ont pour but d’éliminer les cas de double imposition et de lutter contre la fraude fiscale internationale et l’évasion fiscale internationale. Leur application requiert l’existence d’une double résidence24. Dans le cas contraire, il convient de se référer aux dispositions du droit interne25.
Ce principe de la double imposition afin de pouvoir bénéficier de l’application des dispositions conventionnelles fut réaffirmé par la haute assemblée26. On peut citer, à titre d’exemple, deux arrêts ayant trait à la convention franco-britannique du 22 mai 1968 pour lesquels la double résidence ne fut pas retenue :
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dans la première espèce, la requérante, artiste de variétés, n’était pas en mesure de bénéficier des dispositions de cette convention car elle n’établissait pas qu’elle était domiciliée fiscalement en Grande-Bretagne, et qu’elle y payait des impôts27 ;
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la deuxième espèce avait trait à un cas similaire. Le contribuable n’était pas domicilié au Royaume-Uni. L’administration des impôts britannique avait fourni une attestation écrite sur ce point. En outre, il n’y avait pas eu d’imposition effective28.
Les contribuables furent donc imposés en France en vertu des dispositions de la législation interne.
La mise en œuvre des conventions fiscales bilatérales est subordonnée à la preuve apportée par le contribuable que ses revenus étaient imposables dans un autre État29. À propos de la convention fiscale franco-italienne de 1930, le contribuable soutenait qu’il disposait d’un domicile fiscal en Italie, mais ne rapportait pas la preuve qu’il fût imposé ou imposable dans cet État. Il se contentait de demander la réduction de l’impôt dont il était passible en France.
Outre le domicile, le contribuable doit aussi prouver qu’il est imposable en tant que résident de cet État et non pas à un autre titre. La haute assemblée avait ainsi écarté la convention franco-britannique du 22 mai 1968 au motif que le « fait d’être imposé au Royaume-Uni sur sa pension à défaut de tout document fourni par l’intéressé quant à sa situation de résident au regard de l’income tax ne permettait pas d’établir qu’il fut résident du Royaume-Uni »30.
Contrairement aux critères de domiciliation du droit interne qui présentent un caractère alternatif, les critères conventionnels sont mentionnés dans un ordre d’importance décroissante et sont donc successifs et subsidiaires.
Comme le rappelait, Philippe Bissara, commissaire du gouvernement, dans ses conclusions sous l’arrêt du 13 mai 1983, le juge de l’impôt doit « descendre les marches successives de l’escalier des critères »31.
A – Le foyer d’habitation
Le premier critère est celui du foyer d’habitation, c’est-à-dire tout lieu d’habitation dont une personne a la disposition, en tout temps, et à quelque titre que ce soit, pour y séjourner avec sa famille de manière durable32. Ce foyer d’habitation se caractérise par la disposition durable d’une habitation (maison, appartement, chambre meublée) en tant que propriétaire, locataire ou occupant à titre gratuit ; il peut s’agir d’une résidence secondaire par exemple. Les conventions emploient le terme un foyer d’habitation et non pas le foyer d’habitation comme en droit interne. L’exemple le plus topique est l’arrêt Renck33. Le contribuable disposait d’une habitation à la fois en France et en Allemagne.
Si le premier critère est écarté, le juge fera appel au deuxième critère. Ce dernier se matérialise par la recherche de l’État avec lequel les liens personnels et économiques du contribuable sont les plus étroits (centre des intérêts vitaux).
B – Le centre des intérêts vitaux
La définition du centre des intérêts vitaux a été modifiée par « les auteurs de la convention modèle OCDE qui ont introduit dans la définition de la résidence des personnes physiques des éléments économiques et professionnels, alors que les modèles de la SDN retenaient exclusivement des critères d’ordre personnel »34.
Le Conseil d’État fait prévaloir lors de la détermination du centre des intérêts vitaux les éléments économiques et professionnels par rapport aux éléments personnels35.
Dans un arrêt rendu, le 10 juillet 1992, la cour administrative d’appel de Lyon relève que Mme X tirait l’essentiel de ses revenus des propriétés qu’elle possédait en France. De plus, elle était présidente-directrice générale d’une société, dont elle était la principale actionnaire. Le centre de ses intérêts vitaux était situé en France36.
Une solution identique fut retenue lors de l’application de la convention franco-algérienne du 2 octobre 196837. Le contribuable assurait la direction d’une société dont le siège social était en France, possédait des parts d’une autre société ayant aussi son siège en France et assurait à Paris la direction d’une société dont le siège était en Algérie.
Le centre des intérêts vitaux se confond alors avec le centre des intérêts économiques. Dans cet État, le contribuable effectue la majeure partie de ses investissements, dégage des revenus et assure la gestion de ses biens38.
Cependant, les commentaires de la convention franco-suisse précisent que « la notion de foyer d’habitation permanent mentionné à cet article doit être définie en fonction d’éléments d’appréciation relatifs à la personne du contribuable ; que, si des éléments patrimoniaux peuvent éventuellement être pris en compte, ils ne peuvent l’être qu’à titre accessoire »39.
Le premier critère à examiner est celui du foyer, qui se confond avec le critère du centre des intérêts vitaux. C’est une des particularités de la convention franco-suisse. La notion de foyer est explicitée immédiatement par le critère du centre des intérêts vitaux.
Dans la convention franco-suisse, le centre des intérêts vitaux du contribuable ne correspond pas au centre des intérêts patrimoniaux mais doit être apprécié en fonction d’éléments personnels40.
Le critère du centre des intérêts vitaux privilégiant les intérêts personnels par rapport aux intérêts patrimoniaux peut être relevé aussi dans la convention franco-ivoirienne41 ou dans la convention franco-malgache42.
C – La durée du séjour
Une fois examiné, le critère du centre des intérêts vitaux, le juge doit ensuite apprécier le critère de la durée du séjour. Dans l’arrêt Kessler rendu le 29 octobre 2012 à propos de la convention franco-suisse, le Conseil d’État a censuré l’arrêt de la cour administrative d’appel de Paris au motif que le critère de la durée du séjour n’avait pas été visé explicitement par cette juridiction43.
D – La nationalité
Si nous revenons à l’arrêt Renck44, le contribuable avait son foyer d’habitation à la fois en France et en Allemagne, il en était de même pour le centre des intérêts vitaux et la durée du séjour. Le Conseil d’État a dû examiner le critère de la nationalité. M. Renck n’ayant pas la double nationalité, il fut donc imposé en France.
E – La procédure amiable
S’il avait possédé la double nationalité, la procédure amiable aurait dû être utilisée. Il s’agit d’une procédure spécifique non juridictionnelle. Les administrations fiscales des États ont une obligation de moyens et non de résultats. Cette procédure ne peut être utilisée que si les différents critères conventionnels n’ont pu aboutir à déterminer la résidence fiscale du contribuable. Le juge fiscal n’est pas lié par un accord amiable qui permettait à la France d’imposer un contribuable. Le Conseil d’État a censuré un tel dispositif en examinant successivement les différents critères de la convention fiscale franco-américaine. Il s’est avéré que le contribuable avait le centre de ses intérêts vitaux (conception économique) aux États-Unis45.
Si le contribuable est considéré comme étant domicilié en France, il sera imposé sur son revenu mondial sous réserve de l’application des conventions fiscales bilatérales.
Si le contribuable est non résident, il sera imposable uniquement sur ses revenus de source française sous réserve de l’application des conventions fiscales bilatérales.
La domiciliation des personnes morales apparaît moins problématique que pour les personnes physiques. En effet, la plupart des conventions retiennent comme critère le siège de direction effective.
Il est à noter qu’une jurisprudence récente a précisé que les organismes qui sont structurellement exonérés d’impôt ne peuvent évoquer le bénéfice des conventions fiscales internationales. Ces dernières ne s’appliquent qu’aux personnes morales assujetties à l’impôt46.
Enfin, nous terminerons par les domiciliations fictives à l’étranger.
III – Les domiciliations fictives à l’étranger
L’exemple le plus caractéristique est celui d’un écrivain qui avait été poursuivi pour s’être soustrait frauduleusement au paiement de l’impôt sur le revenu en 1978 et 1979. Il s’était abstenu de souscrire des déclarations sur le revenu global malgré les mises en demeure réitérées de l’Administration.
Il estimait qu’il n’avait pas de déclarations à souscrire en France car il se considérait comme résident irlandais et ne percevait que des droits d’auteur. L’Irlande était une terre d’asile pour les écrivains, car elle exonérait d’impôt sur le revenu les droits d’auteur. Ce particularisme a aujourd’hui disparu.
A contrario, l’Administration soutenait que la résidence de l’intéressé en Irlande était fictive et qu’il s’agissait donc de faits constitutifs du délit de fraude fiscale.
La question primordiale était celle de savoir si M. X était résident d’Irlande ou de France.
L’Administration, pour rechercher si M. X était résident d’Irlande, a eu recours à l’assistance administrative.
Cependant, le juge répressif applique lui-même les clauses de la convention qui règlent le conflit résultant du double rattachement pour rechercher si le prévenu était tenu de déposer une déclaration en France.
Il s’agit alors d’une question de fond et non pas de compétence47.
Le prévenu ne fournissait pas de preuves tangibles de son lieu de séjour en Irlande pour son usage personnel. Il ne produisait aucun titre de propriété, ni contrat de bail, ni quittances de loyer. L’Administration « peut » dès lors, « rechercher pour un de ses nationaux la réalité de la qualité de résident de l’autre État, dès lors que celle-ci apparaît comme factice et traduit une action de fraude du contribuable en cause »48.
Seuls figuraient sur les déclarations de revenus en Irlande les droits d’auteur. Le juge d’instruction a fait procéder à une enquête de police sur commission rogatoire en Irlande afin de déterminer le domicile fiscal exact de M. X, enquête dont les conclusions se sont révélées être défavorables pour le contribuable.
Pendant la période visée, M. X était locataire et seul occupant d’un appartement situé rue B., à Paris. Cette habitation était détenue par une société M. domiciliée à Vienne, pour le compte d’un tiers (il s’agissait de la maison d’édition de M. X).
Des témoignages de l’ancienne concubine du prévenu et du concierge de l’immeuble dans lequel était situé l’appartement corroborent cette affirmation. D’autres éléments étaient de nature à établir la qualité de résident français de M. X. Ce dernier disposait d’une Jaguar, achetée en Belgique, immatriculée en France, puis en Irlande. Cette voiture était utilisée et réparée en France. En outre le contribuable avait séjourné en France, 324 jours en 1977, et 344 jours en 1978 (détermination effectuée à partir de l’usage des cartes de crédit).
Le juge répressif a écarté le particularisme de la convention franco-irlandaise. Cette dernière renvoie à des critères de droit interne pour déterminer le domicile et ne propose aucun critère subsidiaire.
Les renseignements recueillis auprès de l’administration fiscale irlandaise ne sont qu’un des nombreux éléments (au même titre que les témoignages, par exemple) sur lesquels s’appuie le juge pénal pour former son intime conviction.
Nous avons l’impression toutefois que les juridictions répressives ont une approche plus subjective que les juridictions administratives de la notion de résident. Leurs buts diffèrent : le juge pénal cherche à établir l’existence du délit de fraude fiscale en caractérisant l’élément matériel et l’élément intentionnel.
L’omission volontaire de faire sa déclaration de revenus traduit l’élément matériel du délit de fraude fiscale49.
L’élément intentionnel résulte de la persistance du contribuable dans ses errements (absence de souscription de la déclaration de revenus malgré des mises en demeure répétées) et de ses antécédents sur le plan fiscal50.
Depuis 30 ans, les poursuites pénales pour domiciliations fictives demeurent marginales et les peines encourues sont peu dissuasives. Peu d’arrêts ont été rendus en la matière, nous pouvons mettre en exergue quelques décisions où le plus souvent l’activité est effectivement exercée en France alors que le contribuable dispose de sociétés de façade dans d’autres États :
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une personne physique était gérante de fait d’une société américaine qui n’était qu’une société de façade et qui était résidente en France51 ;
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un couple de résidents français qui avait dissimulé des gains provenant de la cession d’actions au sein d’une société écran luxembourgeoise52 ;
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un dirigeant d’une société chypriote qui exerçait en fait son activité en France53.
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le gérant d’une société tunisienne qui disposait d’un établissement stable en France et qui n’avait souscrit aucune déclaration. L’ensemble des opérations était géré et effectué depuis la France54.
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la société Céline Limited disposait d’une installation fixe d’affaires à partir de laquelle elle pouvait réaliser des ventes par correspondance en France. Elle n’avait aucune activité au Royaume-Uni. M. X était gérant de fait de la société Céline Limited et a été condamné pénalement pour fraude fiscale. Il était l’unique interlocuteur des fournisseurs. Il prenait en charge les relations avec les clients et assurait la maîtrise du cycle commercial complet. En outre, il était dirigeant de droit des principaux partenaires de la société Céline Limited, les sociétés Framar International Belgique (stockage et expédition des commandes) et IMDM (responsabilité des campagnes publicitaires)55.
Le renforcement de la lutte contre la fraude fiscale (la suppression du « verrou de Bercy ») devrait conduire à une croissance du nombre de poursuites à condition que le nombre de magistrats dédiés à ce type de délinquance et de contentieux soit en augmentation.
La résidence fiscale demeure au cœur de la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales.
Notes de bas de pages
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1.
Conv., 24 nov.1978 : JO, 1er oct. 1980 – D. n° 2007-78, 22 janv. 2007, portant publication de l’avenant à la convention du 24 novembre 1978 entre la République française et les États-Unis d’Amérique tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l’évasion fiscale en matière d’impôts sur les successions et sur les donations, signé à Washington, le 8 décembre 2004 : JO, 24 janv. 2007, p. 1331.
-
2.
CE, 7e-9e ss-sect. réunies, 9 déc. 1988, nos 59667 et 61300, M. Bonfanti : Dr. fisc. 1989, 26, comm. 1289, concl. Martin P.
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3.
CE, sect., 3 nov. 1995, n° 126513, M. Larcher : Dr. fisc. 1996, 5, comm. 121, concl. Arrighi de Casanova J.
-
4.
Cass. com., 15 oct. 1996, n° 1456, P : RJF 2/97, n° 180.
-
5.
CE, 9e-7e ss-sect. réunies, 9 déc. 1988, n° 62909, Wellner ; les époux demeuraient régulièrement à l’étranger mais leur fille, étudiante âgée de moins de 25 ans, séjournait dans leur appartement.
-
6.
CE, 27 janv. 2010, n° 294784, Caporal : Dr. fisc. 2010, 23, comm. 365, note Lamulle T.
-
7.
CE, 19 nov. 1969 : D. 1970, p. 465, note Tixier G.
-
8.
CE, 27 janv. 2010, n° 294784, Caporal : Dr. fisc. 2010, 23, comm. 365, note Lamulle T.
-
9.
CE, 2 juin 1989, n° 64264 : RJF 8-9/89, n° 908.
-
10.
CAA Paris, 25 sept. 1990, n° 89-1330 : Dr. fisc. 1991, 23-24, comm. 1189, note Tixier G. et Lamulle T.
-
11.
CAA Paris, 29 mai 1990, n° 89-475 : RJF 10/90, n° 1146.
-
12.
BOI-IR-CHAMP-10, 28 juill. 2016, § 230.
-
13.
CE, 26 avr. 1968, n° 68409 : Dupont 1968, p. 290
-
14.
CE, 24 oct. 1973, nos 79260 et 79468 : Dr. fisc. 1974, 41, comm. 1163, concl. Delmas-Marsalet J. ; D. 1974, note Tixier G. : la balance des revenus penchait du côté français.
-
15.
CE, 11 mars 1970, n° 69588 : Lebon 1970, p. 176.
-
16.
CE, 8e-9e ss-sect. réunies, 17 mars 1993, n° 85894, M. Memmi : Dr. fisc. 1993, 25, comm. 1093.
-
17.
CAA Paris, 2e ch., 11 déc. 1990, n° 89PA00450, Porcu : RJF 5/1991, n° 540.
-
18.
CAA Paris, 2e ch., 27 sept. 1994, n° 93PA00237, M. Reymondier : Dr. fisc. 1995, 8, comm. 331, concl. Gipoulon J.-F.
-
19.
V. supra.
-
20.
Cass. com., 30 mai 2000, n° 98-10983, M. Marchand : Dr. fisc. 2000, 52, comm. 1069.
-
21.
Cass. com., 3 mars 2009, n° 08-12600, F-PB, Mme Granier.
-
22.
CE, 10e-9e ss-sect. réunies, 11 avr. 2008, n° 285583, M. Cheynel : BDCF 7/2008, n° 83, concl. Landais C.
-
23.
Cass. ass. plén., 2 oct. 2015, n° 14-14256 : RJF 12/15, n° 1066, en matière de droits de succession.
-
24.
CE, 11 mai 1987, n° 43149 : Dr. fisc. 1987, 42, comm. 1845, obs. Tixier G. et Rohmer X.
-
25.
CGI, art. 4 B.
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26.
CE, ass., 28 juin 2002, n° 232276, Sté Schneider Electric.
-
27.
CAA Paris, 20 juin 1991, n° 89-1322, Amanda Lear : Dr. fisc. 1992, 17, comm. 865, concl. Sichler F.
-
28.
CAA Bordeaux, 9 juill. 1991, n° 89 640 : Dr. fisc. 1992, 15, comm. 761.
-
29.
CE, 21 févr. 1966, n° 63013 : Dr. fisc. 1966, 24, p. 36, doctr. Dufour E.
-
30.
CE, 14 févr. 1979, n° 6961 : Dr. fisc.1979, 20, comm. 984.
-
31.
CE, sect., 13 mai 1983, n° 28831 : Dr. fisc. 1983, 29-30, comm. 1568, concl. Bissara P.
-
32.
CE, 9 déc. 1988, n° 59667-61300, Bonfanti : Dr. fisc. 1989, 26, comm. 1289, concl. Martin P.
-
33.
CE, 26 janv. 1990, n° 69853 : Dr. fisc. 1990, comm. 1121, concl. Fouquet O.
-
34.
Gest G. et Tixier G., Droit fiscal international, 1990, PUF, p. 194, § 165.
-
35.
V. pour la convention franco-américaine : CE, 13 mai 1983, n° 28831 : D. 1983, p. 398, note Tixier G. et Foucault J. P.
-
36.
CAA Lyon, 10 juill. 1992, n° 90183, Mme Van Kleef : Dr. fisc. 1993, n° 47, comm. 2284, note Tixier G. et Lamulle T.
-
37.
CE, 24 juill. 1987, n° 57 320 : Dr. fisc. 1987, 46, comm. 2074.
-
38.
Pour une définition du centre des intérêts économiques : v. Cass. crim., 22 janv. 1990, n° 88-85361 : D. 1990, p. 453, note Tixier G. et Lamulle T.
-
39.
Pour une application jurisprudentielle du commentaire, v. CE, 3e-8e ss-sect. réunies, 18 oct. 2002, n° 224459, Cambay.
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40.
CE, 14 mars 1979, n° 8046 : Dr. fisc. 1980, 13, comm. 702, concl. Rivière P. – v. le cas où pour établir la résidence du contribuable, la haute assemblée avait retenu la volonté de ce dernier d’être enterré en Suisse, CE, sect., 13 mai 1983, n° 28831 : Dr. fisc. 1983, 29-30, comm. 1568, concl. Bissara P. – v. égal. CE, 8e-9e ss-sect., 8 oct. 1990, n° 75436, M. Walter : Dr. fisc. 1990, 48, comm. 2194, concl. Arrighi de Casanova J. – CE, 9e-8e ss-sect. réunies, 13 mai 1992, n° 80314 et n° 82444, M. Plante : Dr. fisc. 1992, 33-38, comm. 1662, note Tixier G. et Lamulle T. – v. enfin le cas d’un requérant qui bénéficiait d’un permis de séjour en Suisse, avait produit de nombreuses attestations des autorités locales suisses (il résidait continuellement en Suisse lors de la période contestée) et n’avait plus en France aucun lien familial depuis de nombreuses années, CE, 8e-3e ss-sect. réunies, 27 oct. 2010, n° 327163, min. c/ M. Amar : Dr. fisc. 2011, 7, comm. 221, concl. Escaut N., note Gracia J.-C.
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41.
CE, 10e-9e ss-sect. réunies, 5 juill. 2010, n° 303676, M. Monniot ; CE, 8e-9e ss-sect. réunies, 23 nov. 1992, n° 68975, M. Moquet.
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42.
CE, 7e-9e ss-sect. réunies, 11 juin 1982, n° 18661.
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43.
CE, 29 oct. 2012, n° 346641 : Dr. fisc. 2013, 3, comm. 72, note Lamulle T.
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44.
V. supra.
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45.
V. CE, sect., 13 mai 1983, n° 28831.
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46.
CE, 9 nov. 2015, n° 370054, LHV : il s’agissait de la caisse de retraite des médecins du Land du Hesse qui était exonérée d’impôt ; CE, 9 nov. 2015, n° 371132, Santander Pensiones SA EGFP : un fonds de pension espagnol était soumis à un impôt sur les sociétés au taux zéro.
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47.
Cass. crim., 27 oct. 1986, n° 85-93845 ; Bull. crim., n° 307, p. 782.
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48.
CA Paris, 2 déc. 1986 : D. 1988, p. 148, note Tixier G. et Lamulle T.
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49.
Pour d’autres exemples, v. Tixier G. et Derouin P., Droit Pénal de la fiscalité ; Détraz S. « Impôts : délit général de fraude fiscale et autres infractions communes à tous les impôts, », JCl. Lois pénales spéciales, fasc. 20.
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50.
Cass. crim., 29 mars 1989, n° 87-81891 : Dr. fisc. 1989, 44, comm. 2043, note Tixier G. et Lamulle T.
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51.
Cass. crim., 20 avr. 2005, n° 04-80283.
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52.
Cass. crim., 18 mai 2011, n° 10-87011.
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53.
Cass. crim., 5 juin 2013, n° 12-83334.
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54.
Cass. crim., 12 nov. 2015, n° 14-82241.
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55.
Cass. crim., 31 mai 2017, n° 15-82159 : Lexbase, éd. fiscale, n° 707, 20 juill. 2017, note Lamulle T.