Val-de-Marne (94)

Philippe Jombart ou l’excellence opérationnelle à la tête du TC de Créteil

Publié le 16/02/2023
Hall du tribunal de Créteil indiquent les directions du TC et du CPH
© Pierre Anquetin

L’audience de rentrée du tribunal de commerce de Créteil, le 31 janvier dernier, au palais de justice de Créteil fut l’occasion, pour François Bursaux, de transmettre son mandat de président à Philippe Jombart. Cet ancien cadre chez Renault prend ses fonctions dans un contexte économique incertain, dû à l’extinction progressive des mécanismes d’aide de l’État aux entreprises après Covid, et à l’inflation. Il souhaite mettre l’accent sur la prévention des difficultés de celles-ci, afin d’éviter de les punir…

L’audience solennelle de rentrée du tribunal de commerce de Créteil, qui avait lieu dans le palais de justice de la juridiction du Val-de-Marne, le 31 janvier dernier, était la dernière présidée par François Bursaux. Son mandat fut celui d’un homme de lien !

Il a renforcé ceux qui liaient le tribunal de commerce avec le parquet de Créteil, dont un membre assiste désormais systématiquement aux audiences de requête, de conciliation ou de sanction – « ce qui n’est pas le cas partout », tient-il à préciser, permettant de détecter de manière plus précoce les difficultés des entreprises.

Avec le barreau, multipliant par deux les procédures de conciliation. Sa judicature fut marquée par la période du Covid, pendant laquelle le tribunal de commerce a continué son activité, et est réellement entré dans l’ère digitale, ce qui a permis d’accélérer le traitement des dossiers. « Nous avons déjà commencé à œuvrer quant à la mutation des tribunaux de commerce en tribunaux des activités économiques » – mutation appelée de ses vœux par le garde des Sceaux à l’issue des États généraux de la justice, le 5 janvier dernier –, estime François Bursaux.

Une situation économique incertaine

À son successeur, donc de poursuivre son œuvre… Ancien cadre chez Renault, auteur d’un ouvrage intitulé : « L’excellence opérationnelle », Philippe Jombart prend ses fonctions dans un « environnement socio-économique incertain », souligne Stéphane Le Tallec, premier vice-procureur du tribunal judiciaire de Créteil. Si le nombre de procédures collectives est encore d’un quart en dessous du niveau de 2019, celles-ci ont augmenté, entre 2021 et 2022, de 31 %. Fin des mécanismes d’aide aux entreprises de l’État, remboursement des prêts garantis par l’État pendant le Covid, reprise, depuis septembre, des mises en demeure par l’URSAFF, inflation galopante, notamment dans le domaine énergétique… Tout laisse à craindre que ne s’ouvre à présent une période mouvementée pour les entreprises… Les secteurs du commerce de détail, de la restauration et des services à la personne sont déjà fragilisés. Celui du bâtiment émet des « signaux préoccupants », annonce le magistrat. Le nombre de création d’entreprises (17 000) reste pour autant dans le département supérieur au nombre de radiations (10 000) !

L’audience solennelle est également l’occasion pour le parquet de rappeler les liens entre l’activité du tribunal de commerce et les activités pénales du tribunal judiciaire, qui s’est mobilisé en 2022 « pour organiser la lutte contre les escroqueries au chômage partiel et au fonds de solidarité » très nombreuses, et qui ont fait l’objet « de condamnations énergiques », ainsi que pour lutter contre le travail illégal, continue Stéphane le Tallec.

Aller au-devant des chefs d’entreprise

Pour faire face aux tourments à venir, Philippe Jombart a détaillé ses axes programmatiques pour les quatre ans à venir.

Premier défi du tribunal de commerce : engager de nouveaux juges, à raison d’une dizaine par an. « Il faut notamment aller pour cela au-devant des femmes chefs d’entreprise, dont elles représentent 25 % dans le Val-de-Marne, mais seulement 12 % des juges de commerce », indique le dirigeant, rappelant aux sept nouveaux juges nommés – dont une seule femme – lors de cette audience, les valeurs cardinales du tribunal de commerce de Créteil : « Respect de l’impartialité, tolérance, humilité ».

Second défi, celui de mieux prévenir les défaillances d’entreprises. En faisant grimper le taux d’accords passés lors d’audiences de conciliation – sur 63 affaires, seuls 18 accords ont été conclus en 2022. « Ce n’est pas suffisant », gronde Philippe Jombart. En améliorant, ensuite, les indicateurs permettant de détecter les difficultés des entreprises, ajoutant aux données dont dispose le tribunal celles de l’URSSAF et de la DGFiP. « Mais cela ne suffira pas à convaincre les chefs d’entreprise de venir à notre rencontre. Il nous faudra prendre notre bâton de pèlerin, et aller au-devant des chefs d’entreprise dans les organisations patronales pour présenter et démystifier le rôle du tribunal », galvanise le nouveau président du tribunal de commerce, conscient de la difficulté de convaincre les chefs d’entreprise de se rapprocher d’un tribunal qui peut les aider, mais aussi les sanctionner. « Nous continuerons à punir les dirigeants qui participent à couler leur entreprise, à ceux qui, ne déclarant pas leurs cessations de paiements, faussent la concurrence. En écartant les gérants incompétents, nous protégeons la vie économique », estime le nouveau président. Il promet également de poursuivre le travail de passage à l’ère numérique commencée par son prédécesseur. « Mais la numérisation n’est efficace que si les processus sont optimisés dans le cadre d’un fonctionnement rigoureux », poursuit l’expert en management de « l’entreprise 5.0 ».

À quand le tribunal des activités économiques de Créteil ?

Enfin, ancien et nouveau présidents, procureur et vice-procureur veulent maintenir le tribunal de commerce de Créteil à « l’avant-garde des réformes à venir ». La plaie ouverte par l’attribution au tribunal voisin d’Évry du statut de « tribunal spécialisé », qui réserve sur les 134 tribunaux de commerce que compte l’Hexagone à 18 tribunaux le monopole des procédures collectives concernant les entreprises de plus de 250 salariés et 20 millions de chiffre d’affaires, reste béante. « Le tribunal de Créteil est le 4e tribunal de France, le chiffre de 18 n’est pas gravé dans le marbre, rien n’empêche le ministère d’en ajouter un nouveau », estime Philippe Jombart. Le tribunal compte bien candidater pour faire partie de ceux qui expérimenteront le statut de tribunal des activités économique, préfiguré par les États généraux de la justice, présenté par le garde des Sceaux le 5 janvier dernier. « Je crois qu’au contraire des pays anglo-saxons, nous n’avons pas, en France, la culture de l’expérimentation, souvent vue comme un cheval de Troie destiné à faire passer des mesures en force. Notre tribunal est plein d’atouts, qu’il s’agisse de sa taille, de son niveau de compétence, du professionnalisme de son greffe, des acteurs et mandataires judiciaires… alors pourquoi ne pas y prendre part ? », juge Stéphane Hardouin, procureur de la République. Une manière de faire rugir le moteur d’un tribunal de Créteil prêt à relever tous les défis…

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