Violences, inégalités et sexisme ordinaire : le combat des avocates

Publié le 06/04/2018

Le 8 mars 2018, Journée internationale des droits des femmes, était l’occasion pour les avocats de faire état de la situation des femmes au sein de leur profession et d’agir pour enfin réduire les inégalités et les violences. Cette lutte, portée par Christiane Féral-Shuhl, présidente du Conseil national des barreaux, et Marie-Aimée Peyron, bâtonnier de Paris, s’articule autour de trois grands axes : informer, prévenir et sanctionner.

De toute part, la libération de la parole sur les violences faites aux femmes a été suivie d’une vague d’indignation et d’une volonté d’agir. Au sein de la profession des avocats, les témoignages sont « glaçants » et font état d’un sexisme ordinaire. Christiane Féral-Schuhl, présidente du Conseil national des barreaux (CNB), s’est engagée dans la lutte contre ces violences et inégalités. « Aujourd’hui est une nouvelle ère. Aucune avocate ne pourra dire qu’elle n’est pas entendue », a-t-elle lancé le 8 mars dernier, lors de la Journée internationale des droits des femmes. Plusieurs mesures ont ainsi été présentées, ce jour, durant la conférence organisée par l’ordre des avocats de Paris, à la Maison du barreau.

Une politique publique plus stricte

La conférence a tout d’abord commencé avec Pierre-André Imbert, conseiller social du président de la République. Dès 2018, une nouvelle politique publique face aux inégalités hommes-femmes sera mise en place, notamment avec le projet de loi contre « les violences sexuelles et sexistes ». Concernant les différences salariales, le constat montre que la loi existante ne suffit pas, n’arrivant pas à dépasser le cap des 10 % d’écart salarial, à compétence égale, depuis la dernière loi, datant d’août 2014. Les solutions avancées seraient donc d’objectiver les différences de salaires, d’augmenter les contrôles et les sanctions. « Cela sera rendu public et visible par tous, ce qui permettra de jouer sur le capital image de l’entreprise et de vérifier si sa politique est respectueuse », explique Pierre-André Imbert.

À propos des agressions sexuelles, le président de la République a annoncé les mesures du projet de loi dans son discours du 25 novembre 2017, Journée mondiale de lutte contre les violences faites aux femmes. L’une des difficultés sur lesquelles a insisté Élisabeth Moiron-Braud, secrétaire générale de la mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains, est celle de pouvoir repérer et accompagner les victimes d’agressions. En France, seulement 13 % des victimes de viol ou de tentative de viol portent plainte, tandis que 1 % des plaintes conduisent à une condamnation, selon le collectif féministe contre le viol. « Le plus souvent, une femme victime de violence a peur de parler, il y a un sentiment de honte et de culpabilité. Pendant longtemps, la société n’a pas voulu regarder ces violences », souligne Élisabeth Moiron-Braud. Pour elle, il est important de former les professionnels en contact avec les victimes afin de les aider à aller au bout de leur procédure. En plus de cela, Christiane Féral-Schuhl a proposé la mise en place d’un fonds d’accès dédié aux victimes d’agressions sexuelles, à la formation des professionnels et au financement des campagnes d’information. D’après cette dernière, le coût de la procédure et les honoraires d’avocats sont des barrières qu’il faut également lever.

Les engagements du barreau de Paris

L’Ordre des avocats de Paris, l’École de formation des barreaux et le Conseil national des barreaux se sont engagés également à réduire les agressions au sein de la profession. Ils ont présenté une dizaine de propositions, lors du conseil de l’ordre du 6 mars dernier. Elles se rejoignent autour de trois grands axes qui sont d’informer et accompagner les victimes, prévenir et sensibiliser, puis sanctionner les abus. Par exemple, la création d’un référent harcèlement et égalité à l’École de formation du barreau et au sein de l’Ordre des avocats de Paris servira pour recueillir la parole et engager les démarches nécessaires. « Nous avons aussi voté pour intégrer dans le règlement intérieur du barreau de Paris un 18e point qui sera celui du principe d’égalité », ajoute Marie-Aimé Peyron. Des campagnes de sensibilisation seront lancées autour des faits de discrimination, agissements sexistes et violences sexuelles, particulièrement auprès des élèves-avocats.

En effet, compte tenu de la précarité de leur statut et de leur plus faible expérience du milieu professionnel, les élèves-avocats seraient les plus touchés durant leur stage. Pour résoudre ce problème, les conventions de stage seront suspendues pour les cabinets condamnés de faits de violences et/ou de harcèlement sexuel et un réseau de « cabinets refuges » servira pour les élèves qui doivent terminer leur stage. À son tour, Pierre Berlioz, directeur de l’École de formation au barreau, relève : « Il n’y a rien concernant l’action de l’école à ce sujet. Il faut que cela change ». Durant la formation continue et initiale des avocats, des modules sur le harcèlement, les discriminations, les violences sexuelles et le sexisme devraient donc être instaurés.

Concernant l’égalité homme-femme au sein de la profession, le CNB a organisé un « happening » en invitant de nombreuses personnalités politiques, le 8 mars dernier, pour « briser ensemble et virtuellement le plafond de verre ». Toutefois, aucune proposition concrète n’a été avancée par les institutions sur les inégalités salariales. Pourtant, la profession est l’une des pires de France avec un revenu moyen des femmes moitié moins élevé que celui des hommes. À l’échelle nationale, l’écart salarial entre hommes et femmes est de 24 %, d’après l’Insee en 2017. Selon l’association Femmes & Droit, le revenu moyen des avocates est de 51 169 euros tandis qu’il est de 98 620 euros pour les hommes ! De plus, il y aurait seulement 32 % de femmes associées dans les cabinets alors que 64 % de femmes sont collaboratrices. « La commission égalité est très mobilisée sur la question et la réflexion se porte sur le fait de rendre publiques les rémunérations et les condamnations », répond Aminata Niakaté, présidente de la commission égalité. Pour Élisabeth Moiron-Braud, il est évident que la parité joue un rôle important : « c’est en faisant progresser l’égalité que les violences diminuent ; les deux sujets sont intimement liés ».

Les avocats réunis pour lutter contre les inégalités et les violences faites aux femmes.

DR

 

X