Le portage salarial dans les Yvelines : un mode de rémunération encore méconnu
Depuis le 8 avril 2017, la convention collective des salariés portés a été étendue, faisant du portage salarial une branche d’activité à part entière. En 2022, un rapport permettait de dresser un état des lieux, constatant que l’Île-de-France « arrive en tête des entreprises de portage salarial en 2019 ». Ce modèle économique, même s’il est de plus en plus plébiscité, manque encore de reconnaissance dans les Yvelines où la concurrence se fait de plus en plus forte.
Depuis une dizaine d’années, le portage salarial ne cesse de croître. D’après les chiffres des syndicats PEPS et FEPS, « environ 600 entreprises de portage se partagent 100 000 salariés portés sur 750 métiers différents » sur la France, avec une « progression annuelle moyenne de 20 % ». Malgré un léger recul pour l’année 2023, le secteur continue donc d’être attractif. Un constat partagé par Stéphane Vivet, directeur marketing et digital du groupe Freeland qui détient ITG, l’un des acteurs les plus importants du portage en France. « 2023 a été une année plus compliquée que ce qu’on attendait, tandis que 2022 était une année de récupération. Au premier trimestre, les délais d’obtention des missions se sont allongés. Les contrats ont été plus longs à signer et à se réaliser, ce qui s’est traduit avec un chiffre d’affaires moins élevé. » Si ITG est un groupe solide, d’autres n’ont pas survécu à ces difficultés. « Nous avons vu des entreprises mettre la clé sous la porte car elles ne pouvaient pas payer ses salariés portés. De notre côté, la fin d’année est plus sereine. » Et c’est heureusement le cas pour la plupart des entreprises du secteur, convaincues de l’attractivité de leur modèle.
Un modèle tendance…
Selon la définition officielle (https://www.service-public.fr), le portage salarial « est une relation contractuelle tripartite dans laquelle un salarié porté d’une entreprise de portage salarial effectue une prestation pour le compte d’entreprises clientes. D’une part, un contrat de travail est établi entre le salarié porté et l’entreprise de portage salarial. D’autre part, un contrat commercial est établi entre l’entreprise de portage salarial et l’entreprise cliente. »
Qualitalents est installée dans les Yvelines depuis plus de dix ans. Son nouveau président, Mickael Macé, considère qu’il n’y a « quasiment pas, voire pas du tout d’inconvénients » à être en portage salarial. Il n’y aurait même « que des avantages » : moins de charges sociales par rapport à la micro-entreprise et une couverture plus intéressante vis-à-vis du chômage, de la maladie ou de la retraite. « Le coût est celui d’un bulletin de salaire comme dans n’importe quelle entreprise, résume-t-il. Le salarié porté n’a aucune contrainte administrative et ne prend pas de risques comme lorsqu’on crée sa propre entreprise. » Mis à part le négoce, les activités réglementées (notaire, avocat, médecin,etc.) et le service à la personne, tout métier peut être porté.
« J’étais indépendant pendant longtemps en entreprise individuelle, avec les échéances fiscales et l’URSSAF à gérer. C’était assez lourd, se souvient Stéphane Vivet. Avec le portage, on peut se focaliser sur sa mission et son métier. » Dispositif plébiscité, il répond à la recherche d’un meilleur équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle, mais aussi au fait de s’éloigner de la vie d’entreprise. « Ce sont des tendances de fond sociétales, poursuit le directeur marketing de Freeland. On a tendance à dire que c’est le meilleur des deux mondes. Vous pouvez vous installer dans la durée plus facilement. »
Pour Stéphane Vivet, le portage salarial est aussi intéressant pour les ressources humaines avec une « dichotomie entre les permanents qui constituent les salariés et les salariés qui sont portés ». D’un point de vue « marketing », l’entreprise de portage s’adresse à la fois à des personnes en BtoC mais aussi auprès des entreprises en BtoB – en apportant des solutions pour mieux gérer les indépendants. « Le portage salarial permet de répondre à des besoins spécifiques auxquels la société ne peut pas répondre par elle-même, dit le directeur marketing. Il répond au management de transition, c’est-à-dire : j’ai besoin d’une compétence sur une durée limitée. Nos clients finaux, ce sont des entreprises qui ont besoin de manageurs de transitions ou de compétences ponctuelles pour alimenter leurs projets. » En moyenne, les personnes restent quatre ans chez ITG. Au sein de Qualitalents, certaines sont là depuis près de dix ans. « On se rémunère sur les frais de gestion, détaille Mickael Macé. On fait le bulletin de paie, l’avance de trésorerie, on fournit une assurance professionnelle… Vous avez tout sous la main ! »
… et intergénérationnel
Si le portage salarial attire beaucoup de jeunes, il est aussi une option adaptée à d’anciens dirigeants ne souhaitant pas revenir à du salariat « classique ». Ils peuvent par exemple poursuivre leur carrière en faisant du conseil de haut niveau tout en profitant des avantages du salariat. À son échelle, Mickael Macé constate une évolution des profils de ses salariés portés avec également de plus en plus de femmes de la catégorie dite « senior ». « Avant, nous avions environ 70 % d’hommes. Depuis juin, sur les dix personnes arrivées, on a plutôt 70 % de femmes sur le territoire du 78. Il y a une tendance pour les femmes au-delà de 45 ans, qui ont été licenciées et qui passent le pas du portage. C’est quelque chose qui se matérialise parce que le recrutement est encore plus difficile pour elles. Il y a parfois une appréhension de se lancer mais finalement c’est un bon moyen de se faire une idée de leur projet. »
Un modèle qui mérite d’être connu
Du fait de sa densité et de la présence d’un vivier d’entreprises de toutes tailles, notamment des grands groupes, le volume d’affaires est le plus important en Île-de-France. Dans ce marché qui reste éclaté, la concurrence est rude. « C’est ce que je peux voir du marché du portage à Guyancourt, dit Mickael Macé. C’est un marché concurrentiel avec beaucoup de prix tirés vers le bas, ce qui n’est jamais souhaitable. » La concurrence est d’autant plus forte que le portage est encore peu connu sur le territoire et qu’il ne touche à l’heure actuelle que très peu de monde. Regroupant un peu plus de 100 000 personnes sur toute la France, il représente une infime part du marché de l’indépendant. « Le portage est encore relativement confidentiel et souffre d’un déficit de connaissance sur le fonctionnement, regrette Stéphane Vivet. C’est pourtant une activité réglementée, reconnue et qui répond à un besoin économique territorial de souplesse. Le portage salarial rejoint une envie de faire différemment. » Pour le président de Qualitalents, DRH et Pôle Emploi devraient d’ailleurs proposer plus régulièrement cette forme d’emploi. « Il faudrait que toute personne avec une idée de projet, plutôt que de créer une micro-entreprise, puisse se lancer en portage salarial. C’est tout de même la meilleure solution. C’est d’autant plus intéressant pour les Yvelines ou les Hauts-de-Seine qui regroupent une grande concentration d’entreprises, avec des cadres et des consultants. On a un travail d’éducation pour mieux faire connaître le dispositif. Se faire connaître auprès des acteurs du département sera notre premier axe de développement pour l’année 2024 ».
Référence : AJU011w3