Ce droit qu’on dit administratif…
Le droit administratif n’a pu naître, aux alentours de 1900, comme science universitaire autonome, qu’à la condition d’escamoter son histoire.
Écrire cette histoire, c’est s’interroger sur la nature de ce droit qu’on dit administratif.
Elle est politique dans la mesure où elle raconte la confrontation de l’individu, armé des droits subjectifs que les Déclarations lui reconnaissaient, et de l’État.
Elle met en lumière le drame d’une Révolution française qui, par défiance de la justice comme pouvoir, ne sut pas ériger de juges en tiers garant de ces droits. Le modèle napoléonien, qui plonge pour plus d’un siècle la France dans l’oubli des droits comme fondement du politique, crée la justice administrative dans l’intérêt d’un pouvoir réglé, celui d’un État en surplomb des droits. Le droit administratif est ainsi une science de l’État, sur lequel il fonde ses fins et sa légitimité.
Grégoire Bigot, agrégé d’histoire du droit, professeur à l’université de Nantes, membre honoraire de l’Institut universitaire de France.