Chatenay-Malabry : un classement SPR qui passe mal

Publié le 08/11/2024
Chatenay-Malabry : un classement SPR qui passe mal
Departmental archives of Hauts-de-Seine, Licence Ouverte, via Wikimedia Commons

À Chatenay-Malabry, la cité jardin de la Butte Rouge, labellisée architecture contemporaine remarquable en 2008, a été classée Site patrimonial remarquable en juillet… mais ce classement ne concerne qu’une partie de l’ensemble de 70 hectares, ce qui fait bondir les associations.

C’est un dossier boomerang. La protection de la cité-jardin de la Butte Rouge, à Chatenay-Malabry revient régulièrement dans l’actualité alors que le projet de destruction/réhabilitation de la commune monopolise depuis de nombreuses années les associations de protection du patrimoine et les écologistes. Le quartier de 4 200 logements à loyers modérés, vallonné et verdoyant, est sorti de terre entre 1930 et 1960, comme plusieurs projets menés par l’Office public d’habitations à bon marché (HBM) du département de la Seine. Le but, abriter dans de bonnes conditions une main-d’œuvre échappée de la diagonale du vide pour pointer à l’usine. Arcueil, Stains, Suresnes, Drancy, Asnières, Gennevilliers, le Plessis-Robinson, Vitry-sur-Seine, Champigny-sur-Marne… toutes les communes en profitent. Conçue par les architectes Joseph Bassompierre, Paul de Rutté, Paul Sirvin et le paysagiste André Riousse, la Butte Rouge est issue du projet de « Cité-jardin du Grand Paris ». Elle se distingue des autres parce qu’elle s’étend sur 70 hectares et épouse parfaitement un paysage vallonné et forestier qui ne semble pas avoir rechigné à faire de la place aux bâtiments d’habitation, majoritairement de trois ou quatre étages, aux formes tantôt rectilignes tantôt arrondies. L’ensemble qu’elle constitue, étudié dans l’inventaire du patrimoine des Hauts-de-Seine, a été labellisé en 2008 « Architecture contemporaine remarquable ».

Un classement SPR aux effets pervers

Un label qui vient de se doubler d’un statut bien plus protecteur. Par un arrêté du 5 juillet 2024 (publié au Journal Officiel du 11 juillet 2024), la ministre de la Culture, Rachida Dati, a classé au titre des sites patrimoniaux remarquables (SPR) la cité-jardins de la Butte Rouge. Le classement SPR instaure une stricte réglementation sur tous les travaux susceptibles de modifier l’état extérieur et intérieur des immeubles contenus dans le périmètre, les éléments d’architecture et les espaces non construits comme les cours ou jardins : une bonne nouvelle pour les défendeurs du patrimoine de la Butte Rouge, donc ? Le problème, c’est que l’arrêté ne concerne pas l’intégralité des 70 hectares de la cité-jardin mais seulement un périmètre restreint : la partie centrale de l’ensemble. L’arrêté est donc passé outre l’absence d’avis favorable de la Commission nationale du patrimoine et de l’architecture (CNPA) en 2023 et a donc suivi la proposition de la commune. Depuis 2015, la municipalité souhaite mener des projets de réhabilitation/destruction d’ampleur, associés à un projet de tramway desservant le quartier, ce qui soulève les protestations de nombreuses associations comme les associations locales, Sauvons la Butte-Rouge, Association Châtenay Patrimoine Environnement et Collectif Citoyen Châtenaisien. Le ministère n’a donc pas pris en considération la cohérence de l’ensemble et des principes qui ont présidé à sa conception. En conséquence, les bâtiments, espaces verts et espaces vides (aux pieds des bâtiments entre autres) sont exclus de cette protection et pourront être détruits ou totalement modifiés.

« On aurait pu améliorer le quotidien des habitants sans démolir ces espaces communs »

« C’est désastreux ! Ce classement au rabais au final va défigurer la Butte Rouge en tant qu’ensemble cohérent. Il y a sept tranches dans la Butte Rouge, c’est un des seuls ensembles qui soit conservé dans son intégralité. Si l’on touche à une tranche, cela va dénaturer l’ensemble patrimonial et on peut craindre un effet domino ! », soulève Sylvie Boxberger, porte-parole de Sauvons la Butte Rouge. Selon l’association, cette décision ministérielle va permettre au territoire de poursuivre inexorablement un « projet de démolition/reconstruction/gentrification de la Butte-Rouge ». Les associations soulèvent également le fait que la CNPA et la commissaire-enquêteuse chargée de l’enquête publique avaient réclamé en 2023 la mise en place d’un PLU1 Patrimonial et une Orientation d’aménagement et de programmation dédiée afin de protéger les jardins, préserver la qualité du paysage et de l’architecture. Des propositions qui ne figurent pas dans le PLUi2 du territoire présenté à l’enquête publique, close le 4 juillet 2024.

La porte-parole de l’association regrette en premier lieu ce que cela va impliquer pour les habitants et le flou qui entoure leur futur. L’association suit plusieurs familles qui se trouvent en errance. « Nous savons ce qu’ils vont démolir, ce qu’ils vont condamner sans avoir en main le projet totalement définitif. On ne peut pas annoncer que le projet implique de rénover et réhabiliter les logements de ces personnes alors que seuls 40 % de logements sociaux seront gardés ». Au-delà des bâtiments, dont certains doivent être restaurés, c’est un espace rare pour les Franciliens qui est menacé de privatisation pour Sylvie Boxberger. « L’autre intérêt de la cité-jardin, c’est que c’est un endroit où l’on peut se promener, les pieds d’immeubles ne sont pas clôturés, les espaces boisés appartiennent à tous. Ce qui est prévu par la mairie c’est de résidentialiser les tranches concernées, de privatiser les pieds d’immeubles… On aurait pu améliorer le quotidien des habitants sans démolir ces espaces communs ». Sauvons la Butte Rouge ainsi que quatre autres associations ont déposé un recours devant le Conseil d’État pour contester la délimitation du tout jeune SPR. Affaire à suivre donc !

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