Droit répressif de l’urbanisme
T. Fossier, J.-H. Robert, Droit répressif de l’urbanisme, Economica, 288 p., 49 €.
Rares sont les ouvrages traitant du droit répressif de l’urbanisme, sans doute parce qu’un tel travail exige de maîtriser à la fois le droit pénal et le droit de l’urbanisme, deux disciplines fort différentes même si, sur les principes, on s’accorde à attirer le droit pénal dans la sphère du droit public. On appréciera d’autant plus ce travail, mené de main de maître par deux auteurs consacrés : le professeur Jacques-Henri Robert, pénaliste dont les livres font autorité et le conseiller à la Cour de cassation Thierry Fossier, de surcroît membre du tribunal des conflits et professeur associé des universités. Leur collaboration est ancienne et s’est exercée dans le domaine du Droit répressif de l’environnement, avec un traité de plus de 1 000 pages cosigné aussi par Dominique Guihal. La 4e édition vient de paraître. Elle avait été publiée pour la première fois en 1999.
Le Droit répressif de l’urbanisme est de taille plus modeste, ce qui répond à un champ d’investigation encore limité à la différence de la répression environnementale qui n’a cessé de se développer. Ce droit n’en est pas moins ancien comme le prouve l’extrait de l’Édit de Saint-Germain-en-Laye de 1548, placé en exergue et pas moins lourd de conséquences graves comme l’illustre la photographie de couverture qui évoque l’affaire de La Flotte-en-Ré et les catastrophes nées de l’impéritie des élus locaux.
Ce droit répressif serait-il, comme le prétendent les auteurs avec un humour caustique : « sous la coupe d’un parâtre autoritaire et lointain, le droit administratif, qui le traite comme un serviteur affecté à ses basses œuvres ? Les relations entre les deux droits sont, en effet, intimes et complexes mais le juge pénal garde son indépendance et il doit être lavé du soupçon d’inefficacité car les vrais coupables sont les rédacteurs de textes et leur ignorance des principes du droit pénal substantiel et procédural.
L’ouvrage est divisé en trois parties. La première traite des infractions de nature administrative et technique, droit répressif général et droit répressif spécial. Leur diversité est grande comme le montre le Guide d’application des dispositions pénales du Code de l’urbanisme édité par l’Administration et la complexité s’accroît du fait du concours des qualifications entre droit de l’urbanisme, droit de l’environnement, de la construction, du patrimoine.
La seconde partie étudie l’action de l’Administration, les objectifs qui lui sont donnés, son devoir de prévention, ses erreurs et négligences dans le respect de la légalité, analyse vigilante du contentieux de l’annulation et de celui de la responsabilité. En principe, toute illégalité est fautive, faute généralement de service, la faute personnelle étant très rarement retenue et demeurant distincte de la faute pénale.
La singularité de ce contentieux est la compétence donnée aux autorités administratives, le maire s’agissant des autorisations d’urbanisme, pour constater les infractions. L’article L. 480-1 l’oblige à dresser procès-verbal de toute infraction urbanistique, son inaction ou son retard engageant la responsabilité de l’État. Bien que l’autorisation soit délivrée au nom de la commune, le maire dans cette action répressive agit comme agent de l’État. Comme il s’agit d’intervenir le plus rapidement possible afin de limiter les conséquences de l’infraction, des mesures conservatoires telles que l’interruption des travaux pourront intervenir soit sur décision du juge judiciaire saisi sur le fondement de l’article L. 480-2, soit sur décision du juge administratif prononçant la suspension de l’exécution du permis de construire et même directement par l’Administration « à titre conservatoire » avec transmission immédiate au parquet. Ce va-et-vient entre l’Administration et l’autorité judiciaire dans un contexte où sont en cause le droit de propriété et les libertés individuelles est finement analysé par les auteurs. Recensant une jurisprudence fournie sur cette question, ils rendent hommage à la « spectaculaire amélioration de la rapidité du juge de l’ordre administratif » et à son « indépendance intellectuelle et statutaire par rapport aux enjeux de l’action administrative » ce qui justifie la « rivalité » avec le juge de l’ordre judiciaire.
La troisième partie traite du jugement et de son exécution. Qu’il s’agisse de l’appréciation de la légalité et de l’opportunité des poursuites, de celle des prescriptions ou de la régularisation dans le cadre de mesures alternatives aux poursuites, les auteurs y décèlent une « teinture de complexité qui confine au cas d’école ». Même imbroglio des textes quant aux citations, aux modes de prononcé des jugements, à l’exécution des mesures de remise en état ou des mises en conformité, certaines affaires ayant appelé l’intervention de la Cour de Strasbourg et du Conseil constitutionnel. Et que dire des procédures spéciales, notamment celle de l’article L. 480-13 du Code de l’urbanisme concernant les permis de construire dont le titulaire applique fidèlement les prescriptions mais qui est illégal ? La prétendue simplification apportée par la loi de 2006, 30 ans après celle de 1976, afin de réduire encore les droits des parties civiles et de sécuriser les constructeurs n’a fait qu’ouvrir de nouvelles controverses (v. la décision récente de la Cour de cassation du 7 mars 2017).
La conjugaison du droit administratif et du droit répressif, ici particulièrement délicate, a certes de quoi rebuter les étudiants et les praticiens. Séduisante pour les amateurs de casuistique, déterminante pour la mise en œuvre des opérations de construction et d’urbanisme, elle devient aisée pour les lecteurs de cet ouvrage savant qui parvient à maîtriser une matière particulièrement complexe par une présentation claire et rigoureuse, allant à l’essentiel, et à ouvrir le débat à partir d’analyses critiques subtiles, invitation faite aux rédacteurs de textes de parvenir enfin à une simplification autre que déclamatoire.