Notion d’« extension d’une construction existante » dans les PLU : quels sont les critères d’appréciation ?

Publié le 07/03/2024
Architecture, urbanisme, Construction
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Lorsque le règlement d’un plan local d’urbanisme ne précise pas, comme il lui est loisible de le faire, si la notion d’« extension d’une construction existante », lorsqu’il s’y réfère, comporte une limitation quant aux dimensions d’une telle extension, celle-ci doit, en principe, s’entendre d’un agrandissement de la construction existante présentant, outre un lien physique et fonctionnel avec elle, des dimensions inférieures à celle-ci.

La décision rendue par le Conseil d’État, le 9 novembre 2023, en formation de chambres réunies, intéressera particulièrement les praticiens du droit de l’urbanisme en ce qu’elle vient préciser pour la première fois le sens de la notion d’« extension d’une construction existante » lorsque celle-ci est employée dans un plan local d’urbanisme (PLU) sans être définie par celui-ci.

I – Une définition jurisprudentielle s’appliquant en l’absence de définition par le PLU

Deux situations doivent en effet être distinguées.

Dans la première, le PLU donne une définition de la notion, soit dans son règlement, soit dans ses annexes. En d’autres termes, il détermine lui-même la façon dont la notion doit être comprise, appréhendée et appliquée. Cette définition est le plus souvent fournie de façon indirecte, en posant une norme limitant l’ampleur de l’extension, et ce, soit en pourcentage (par ex., l’extension doit être limitée à 50 % de l’emprise d’origine1), soit en volume (la surface initiale plus la surface créée ne doivent pas dépasser un certain nombre de mètres carrés), soit en pourcentage et en volume (par ex., l’extension doit être limitée à 25 % de la construction existante et le total ne doit pas dépasser 250 m²2). Lorsqu’une telle définition est posée dans le PLU, elle s’impose tant aux services instructeurs qu’au juge administratif.

La seconde situation, qui est celle de l’arrêt commenté, correspond à l’hypothèse où aucune définition n’est fournie par le PLU. Sur ce point, après avoir rappelé que les auteurs de ce document ne sont pas tenus de définir les notions qu’ils utilisent, le Conseil d’État indique comment doit s’apprécier la notion d’« extension d’une construction existante » dans un tel cas de figure. Dans une formule de principe, il indique que « lorsque le règlement d’un plan local d’urbanisme ne précise pas, comme il lui est loisible de le faire, si la notion d’extension d’une construction existante, lorsqu’il s’y réfère, comporte une limitation quant aux dimensions d’une telle extension, celle-ci doit, en principe, s’entendre d’un agrandissement de la construction existante présentant, outre un lien physique et fonctionnel avec elle, des dimensions inférieures à celle-ci » (pt 3). S’agissant de sa portée, cette définition jurisprudentielle présente un caractère supplétif. Cela signifie qu’elle s’appliquera en l’absence de définition de la notion par le pouvoir réglementaire local. Elle pourra donc être écartée par celui-ci, comme cela avait par exemple été jugé pour la définition jurisprudentielle de l’emprise3 ou la mesure de la hauteur des constructions – en l’occurrence à l’égout du toit4.

II – Une définition reposant sur trois critères

La définition jurisprudentielle de la notion d’« extension » se fonde sur trois critères : le lien physique avec une construction existante ainsi que le lien fonctionnel avec celle-ci (A) et une taille inférieure à cette construction (B).

A – L’exigence d’un lien physique et fonctionnel avec la construction existante

Les deux premiers critères reposent sur l’existence d’un lien physique et fonctionnel entre la construction initiale et l’extension de celle-ci.

Par hypothèse, une extension ne se conçoit que par rapport à une construction déjà existante.

Comme le précise le lexique national d’urbanisme, dépourvu de valeur réglementaire mais constituant néanmoins une référence utile, « l’extension peut être horizontale ou verticale (par surélévation, excavation ou agrandissement) et doit présenter un lien physique et fonctionnel avec la construction existante ».

Le lien physique signifie que l’extension prend appui sur la construction existante (à la différence d’une annexe qui, elle, se trouve détachée des constructions existantes5). Par exemple, au titre du 1° de l’article L. 111-4 du Code de l’urbanisme (qui introduit une exception à la règle de la constructibilité limitée pour l’« extension des constructions existantes »), il a été jugé que, faute de satisfaire à cette exigence, ne constitue pas une extension un garage situé à plus de 40 mètres de l’habitation6 ni un abri de jardin qui ne serait pas attenant à une habitation existante7. Le lien fonctionnel renvoie pour sa part à l’idée que l’extension doit apporter une utilité à la construction principale et, généralement, qu’il est possible de communiquer entre les deux.

Le maniement de ces deux critères présente parfois une difficulté, notamment pour déterminer si une piscine non couverte peut être regardée comme constituant l’extension d’une maison individuelle au sens du PLU. En principe, elle ne constitue pas une telle extension, faute d’être attenante à un bâtiment préexistant à usage d’habitation8. Néanmoins, elle pourra être regardée, eu égard à sa destination, comme une extension d’une construction d’habitation existante si elle est située à proximité immédiate de celle-ci et forme avec elle un même ensemble architectural9.

B – Des dimensions inférieures à la construction existante

Le troisième critère tient à ce que l’extension doit présenter des dimensions inférieures à la construction existante.

Comme indiqué précédemment, l’extension se conçoit par rapport à une construction existante, qu’elle vient agrandir ou, plus largement, sur laquelle elle vient prendre appui. Il convient donc de confronter la construction existante à l’extension envisagée et, plus exactement, de comparer la taille de la construction existante à celle de l’extension projetée.

Sur ce point, le lexique national d’urbanisme comme la jurisprudence se rejoignent pour exiger que l’extension conserve une taille inférieure à la construction existante. Un autre seuil aurait pu être retenu : 30 %, 50 % (mais ces seuils correspondent plutôt à une extension « mesurée » ou « limitée »), 60 %, 75 %… Une appréciation au cas par cas aurait également pu être envisagée. Mais le choix qui a été fait par la doctrine administrative et la jurisprudence est celui du seuil de 100 %. Selon le lexique national d’urbanisme, « l’extension consiste en un agrandissement de la construction existante présentant des dimensions inférieures à celle-ci ». Ce critère est repris par l’arrêt commenté, indiquant que l’extension doit présenter « des dimensions inférieures » à la construction existante.

Ce faisant, le Conseil d’État vient formaliser un critère jusque-là employé au titre de l’article L. 111-4 sans être expressément mentionné. La jurisprudence évoquait à cet égard que les extensions doivent être plus petites que les constructions existantes : elles doivent présenter une « ampleur limitée en proportion de ces constructions »10, cette exigence ayant par exemple été regardée comme satisfaite pour des travaux ayant pour objet de porter de 63 m² à 135 m² la surface de plancher d’un bâtiment, alors même qu’ils conduisent à doubler cette surface11. Dans ses conclusions précitées, Charles Touboul indiquait que l’extension doit demeurer « plus petite » que la construction existante « et représenter donc moins de 100 % la surface de celle-ci ».

On notera, pour terminer sur ce critère, qu’il pourra exceptionnellement être écarté si les auteurs du PLU ont retenu une rédaction particulière excluant clairement la prise en compte de celui-ci. C’est ainsi qu’il faut comprendre la précision, mentionnée dans l’arrêt commenté, selon laquelle la notion d’« extension » doit « en principe » s’entendre d’un agrandissement de la construction existante présentant, outre un lien physique et fonctionnel avec elle, des dimensions inférieures à celle-ci. Si ce dernier critère est écarté, seules s’appliqueront les exigences d’un lien physique et fonctionnel. Tel n’était pas le cas en l’espèce.

III – L’application au cas d’espèce

Le PLU en question, celui de la commune de Meudon, prévoyait qu’un bâtiment existant peut « faire l’objet d’une surélévation ou d’une extension dans le prolongement des murs existants » (Règl., art. UE 7-4). Sur le fondement de ces dispositions, le maire de la commune a délivré un permis de construire autorisant l’extension d’une maison d’habitation existante d’une surface de 63 m² devant comprendre, après extension et surélévation, une surface de 329 m².

Un couple de voisins a saisi le tribunal administratif de Cergy-Pontoise d’un recours pour excès de pouvoir contre cet arrêté de permis. Le jugement rejetant leur recours a été confirmé en appel12. La cour administrative d’appel de Versailles a jugé que, en l’absence de dispositions du PLU limitant la surface des extensions susceptibles d’être autorisées dans la commune, la qualité d’extension devait seulement s’apprécier au regard d’un critère de continuité physique et fonctionnelle et de sa complémentarité avec la construction existante, indépendamment de la superficie des travaux projetés par rapport à cette dernière. Le Conseil d’État affirme que, « en statuant ainsi, alors que ni l’article UE 7-4 précité du règlement du plan local d’urbanisme de Meudon, autorisant à titre dérogatoire l’extension de certains bâtiments dont l’implantation ne respecte pas les règles d’implantation des constructions par rapport aux limites séparatives posées par ce règlement, ni aucune autre disposition de ce règlement ne définissent la notion d’extension d’une construction existante, la cour administrative d’appel de Versailles a commis une erreur de droit » (pt 4).

Il appartenait à la cour, en l’absence de définition de la notion d’« extension d’une construction existante » par le PLU, d’appliquer la définition jurisprudentielle de celle-ci et, en particulier, le critère selon lequel l’extension ne peut présenter des dimensions supérieures à la construction existante. Par conséquent, elle aurait dû censurer le permis litigieux dans la mesure où celui-ci autorise à quintupler la surface de plancher. On notera, à titre de comparaison, que des accroissements supérieurs à 100 % avaient été censurés au titre de l’article L. 111-4 du Code de l’urbanisme : agrandissement de 20 à 146 m²13, de 20 à 118 m²14 ou encore de 20 à 440 m²15.

Notes de bas de pages

  • 1.
    CE, 26 avr. 1993, n° 124239, Papiot, inédit.
  • 2.
    CE, 28 mai 2003, n° 222686, ministre de l’Équipement c/ Cne Aix-en-Provence, inédit.
  • 3.
    CE, 21 févr. 2018, n° 401043, SCI La Villa Mimosas : Lebon T., arrêt indiquant « que, toutefois, en l’absence de prescriptions particulières dans le document d’urbanisme précisant la portée de cette notion, sauf pour les surplombs, l’emprise au sol s’entend, en principe, comme la projection verticale du volume de la construction, tous débords inclus ».
  • 4.
    CE, 25 mai 2022, n° 455127, Aigroz : Lebon T., arrêt soulignant que la définition jurisprudentielle s’applique « en l’absence de mention particulière du règlement du plan local d’urbanisme ».
  • 5.
    CE, 4 oct. 2000, n° 193942, Isner : Lebon.
  • 6.
    CAA Bordeaux, 7 mars 1995, n° 93BX00665, Assoc. de sauvegarde de l’église de Castels et du château de Fages, inédit.
  • 7.
    Rép. min. n° 104578 : JOAN, 24 mai 2011, p. 5434.
  • 8.
    CE, 9 mai 2005, n° 262618, Weber : Lebon T.
  • 9.
    CE, 15 avr. 2016, n° 389045, ministre du Logement, Égalité des territoires et Ruralité c/ Cne Lourmarin : Lebon T. ; BJDU 2016, p. 283, concl. X. de Lesquen.
  • 10.
    CE, 29 mai 2019, n° 419921, ministre de la Cohésion des territoires c/ Priestley : Lebon T. ; BJDU 2019, p. 313, concl. C. Touboul.
  • 11.
    CAA Nantes, 16 févr. 2010, n° 09NT00832, Roulland, inédit.
  • 12.
    Pour le commentaire de cette décision, v. L. Santoni, « Construction nouvelle versus extension – Qu’est-ce que l’extension d’une construction ? », Constr.-Urb. 2022, comm. 117.
  • 13.
    CE, 8 juin 1994, n° 136081, Lecocq, inédit : BJDU 1994, p. 46, concl. S. Fratacci.
  • 14.
    CE, 10 juin 1992, n° 109891, ministre de l’Équipement, Logement, Transports et Mer c/ Wloka, inédit.
  • 15.
    CE, 15 avr. 1996, n° 98060, Bonnet, inédit.
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