Amélioration de la protection offerte au personnel communal victime de violences

Publié le 10/05/2024
Amélioration de la protection offerte au personnel communal victime de violences
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Trop souvent victimes de violences, les élus locaux avaient besoin d’un nouveau régime de protection pour que les communes ne perdent pas leur soutien. Grâce à la loi n° 2024-247 du 21 mars 2024 renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux, le législateur cherche à ce qu’elles continuent à remplir leurs missions en les protégeant dans l’exercice de leurs mandats. Il a mis en place de nouvelles mesures de lutte contre les violences commises à l’encontre des maires et des élus locaux, faisant évoluer l’arsenal répressif en la matière afin de leur offrir efficacement la protection de notre République.

L. n° 2024-247, 21 mars 2024, renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux, NOR : IOMX2326246L : JO, 22 mars 2024, texte 3

La nouvelle loi du 21 mars 2024 est intervenue après que les parlementaires ont constaté l’augmentation et l’aggravation des agressions contre les détenteurs d’un mandat électif. Il était effectivement indispensable de soutenir tous les élus durant leur activité quotidienne afin qu’ils soient en mesure de la poursuivre sereinement et efficacement et d’éviter qu’un trop grand nombre de nos élus soient victimes d’agressions. Cette nouvelle loi a essentiellement pour objectif de renforcer et sécuriser l’avenir de nos communes et de nos maires1 car le personnel communal avait en effet très souvent souffert et qu’il fallait prendre des mesures de lutte efficaces contre ces différentes formes de violences (I). Pour aider les maires et les élus locaux, le législateur a mis en place de nouvelles mesures en vue de les sécuriser en cas de violences commises à leur encontre (II).

I – La nécessité d’améliorer la lutte contre les violences repérées à l’encontre du personnel communal

Pour bien comprendre les besoins en la matière, il fallait préciser de quelles formes de violences il est question lorsque les maires et les élus locaux traversent de tels drames (A) et préciser les catégories de personnes victimes dans ce contexte (B). Il fallait que le législateur apporte des clarifications car il n’est pas toujours évident de comprendre pourquoi et comment les personnes s’activant pour leur commune risquent d’être victimes de violences.

A – Les situations vécues par le personnel communal, victime de violences

Il ressort des travaux juridiques de ces dernières années que de nombreuses personnes sont victimes de violences. Certes, il est souvent question de violences conjugales et intrafamiliales mais il ne fallait pas oublier que le personnel communal et les personnes chargées d’une mission de service public sont souvent victimes également durant leur activité au sein d’une commune. Les maires et les élus locaux sont des majeurs et nombre d’entre eux sont rendus vulnérables par leur grand âge, des maladies, des handicaps, des accidents mais aussi quand ils sont victimes de violences au sein de leur famille. Tout cela les empêche souvent d’agir seuls dans leur propre intérêt, toutefois c’est pire encore pour la commune lorsque des violences verbales ou physiques ont été commises à leur encontre dans le cadre de leur activité liée à leur place de maire ou d’élu.

Il a malheureusement été constaté que le personnel communal est souvent victime de violences au sein des communes et subit trop fréquemment des menaces, agressions, coups et blessures, injures, discours de haine ou outrages liés à leurs fonctions, ainsi que des troubles de voisinages, incivilités, voire problèmes de circulation routière, sans oublier le cyberharcèlement.

Après avoir recueilli la parole des maires, on a pu noter que cela leur nuisait énormément car ils ne pouvaient plus exercer sereinement leur mission mais n’avaient surtout souvent plus envie de conserver leur place au sein de leur commune, leur activité présentant trop de dangers pour eux, raison pour laquelle beaucoup de maires ont démissionné ou ont décidé de ne pas se représenter. En effet, une forte croissance des menaces et violences à leur encontre a été observée, des élus ayant été menacés de mort verbalement ou en ligne. En outre, certains élus ont même été victimes d’incendies de leur maison familiale. Il ressort notamment de l’exposé des motifs de la proposition de loi n° 648 déposée au Sénat le 26 mai 2023 que « le 22 mars 2023, le maire de Saint-Brévin-les-Pins (Loire-Atlantique), Yannick Morez, a été victime d’un incendie volontaire et criminel de son véhicule et de son domicile et plusieurs de ses biens, alors qu’il y dormait en compagnie de ses proches »2. L’accent a dès lors été mis sur toutes les violences auxquelles les élus locaux, et en particulier les maires, sont confrontés dans l’exercice quotidien de leur mandat.

B – Les personnes à soutenir parce qu’elles sont visées par ces attaques

La loi n° 2024-247 du 21 mars 2024 renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux est importante car elle s’attache à de nombreuses personnes remplissant des missions au sein de la commune ou les ayant remplies ou encore envisageant de les remplir3.

En effet, l’objectif principal était de faire face aux difficultés rencontrées par les élus locaux et de renforcer les pouvoirs des maires en améliorant leurs conditions d’exercice afin de garantir le rôle des communes et des maires, sans oublier de mieux accompagner les élus victimes d’agressions en rompant leur isolement judiciaire. Pour aller plus loin, l’article L. 2123-34 du Code général des collectivités territoriales relève que « la commune est tenue d’accorder sa protection au maire, à l’élu municipal le suppléant ou ayant reçu une délégation ou à l’un de ces élus ayant cessé ses fonctions lorsque celui-ci fait l’objet de poursuites pénales à l’occasion de faits qui n’ont pas le caractère de faute détachable de l’exercice de ses fonctions ». En effet, la sécurité des élus, y compris des anciens maires ou adjoints, ainsi que des candidats aux élections, a été mise au cœur de la loi n° 2024-247 du 21 mars 2024 qui a renforcé l’arsenal répressif en cas de violences commises à l’encontre des élus et des anciens élus du fait de leurs fonctions ou pendant la campagne électorale4. La loi s’attache effectivement aussi aux anciens élus car ils peuvent être concernés par des diffamations visant la période durant laquelle ils étaient agents communaux, raison pour laquelle ils doivent parfois défendre leur honneur devant les tribunaux parce qu’ils sont victimes d’infractions en raison de leurs anciennes fonctions. Précisément, la loi a modifié le deuxième alinéa de l’article L. 2123-35 du Code général des collectivités territoriales : « La commune accorde sa protection au maire, aux élus municipaux le suppléant ou ayant reçu délégation ou à l’un de ces élus ayant cessé ses fonctions lorsqu’ils sont victimes de violences, de menaces ou d’outrages à l’occasion ou du fait de leurs fonctions. Elle répare, le cas échéant, l’intégralité du préjudice qui en a résulté ».

En outre, l’article L. 2123-35 du Code général des collectivités territoriales précisait déjà que la protection des communes devait aussi viser les « conjoints, enfants et ascendants directs des maires ou des élus municipaux les suppléant ou ayant reçu délégation lorsque, du fait des fonctions de ces derniers, ils sont victimes de menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages ».

Les victimes sont donc les maires actuels et les élus locaux qui les accompagnent mais aussi les anciens maires ou ex-élus, de même que les personnes qui ont démarré une campagne pour devenir élus locaux ou maires, mais aussi les membres de leur famille le cas échéant (visés dans C. pén., art. 433-5).

Il est vrai que l’agression d’un maire est une attaque contre la République, mais il ne faut pas oublier les élus autres locaux.

II – Le renforcement des mesures de protection à accorder au personnel communal

La nouvelle réforme est à saluer car elle apporte un meilleur soutien aux maires et aux élus locaux (A) et, parallèlement, elle sanctionne plus sévèrement les auteurs de ces violences (B). L’insécurité du personnel communal et le nombre élevé d’agressions auxquelles font face les élus locaux nécessitaient que de nouvelles solutions soient mises en place dans le but de lutter contre ces violences et de permettre au personnel de mener librement ses projets durant son mandat.

A – Les nouvelles mesures de soutien aux maires et aux élus locaux

Le législateur avait déjà relevé ces problèmes et plusieurs lois avaient été mises en place. Tout d’abord la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité5, qui avait eu pour objet d’accorder « une vraie protection aux élus victimes de violences, d’outrages ou d’autres malédictions du même ordre » et de « faire disparaître la différence entre le traitement appliqué dans ce cas aux élus, d’une part, et aux fonctionnaires, d’autre part ». Étaient venues ensuite la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019, relative à l’engagement dans la vie locale et à proximité de l’action publique6, et la loi n° 2023-23 du 24 janvier 2023, visant à permettre aux assemblées d’élus et aux différentes associations d’élus de se constituer partie civile pour soutenir pleinement, au pénal, une personne investie d’un mandat électif public victime d’agression7. Le but était de faire face aux difficultés rencontrées par les élus locaux et de renforcer les pouvoirs des maires en améliorant leurs conditions d’exercice afin de renforcer aussi le rôle des communes et des maires, sans oublier de mieux accompagner les élus victimes d’agressions, en rompant leur isolement judiciaire. Dans ce contexte, le gouvernement avait annoncé des mesures concernant le suivi et la protection des élus, en mettant en place un observatoire8.

Toutefois avec ces textes, la protection de la collectivité publique n’avait pas été suffisamment efficace pour l’ensemble des élus municipaux, alors que les violences à leur égard étaient encore trop importantes ces dernières années9. Il avait précisément été relevé lors d’une réponse ministérielle qu’« au cours de l’année 2022, l’association des maires de France estime à 1 500 le nombre d’agressions d’élus municipaux »10. Il y a effectivement un climat de tension et de violence croissant dans la société française et il fallait que le législateur s’en préoccupe.

C’est donc pour soutenir et mieux sécuriser les personnes exerçant un mandat au sein des communes que la proposition de loi n° 648 visant à renforcer la sécurité et la protection des maires et des élus locaux a été déposée au Sénat le 26 mai 2023 par des sénateurs, dont le sénateur François-Noël Buffet11. Elle contenait plusieurs dispositions visant à renforcer l’arsenal répressif en cas de violences commises à l’encontre des élus et à améliorer leur prise en charge lorsqu’ils sont victimes de violences ou d’injures. Pour ce faire, le gouvernement a annoncé des mesures concernant le suivi et la protection des élus, sans oublier leur accompagnement psychologique, ce qui est important pour toutes les personnes agressées.

La loi n° 2024-247 du 21 mars 2024 comporte trois titres, le premier ayant pour but de « consolider l’arsenal répressif pour mieux protéger les élus en cas de violences commises à leur encontre », le deuxième d’« améliorer la prise en charge des élus victimes de violences, d’agressions ou d’injures dans le cadre de leur mandat ou d’une campagne électorale » et le troisième de « renforcer la prise en compte des réalités des mandats électifs locaux par les acteurs judiciaires et étatiques ».

Conformément à l’article 222-14-5 du Code pénal, en cas de violences les militaires, les fonctionnaires de la police nationale, les agents de police municipale, les gardes champêtres, les agents des douanes et les sapeurs-pompiers sont protégés, mais ce texte est modifié par la loi pour y inclure « le titulaire d’un mandat électif public ou, dans la limite de six ans à compter de l’expiration du mandat, l’ancien titulaire d’un mandat électif public dans l’exercice ou du fait de ses fonctions, actuelles ou passées ».

Par ailleurs, la protection fonctionnelle offerte aux élus ou anciens élus, de même qu’aux candidats aux élections est désormais octroyée automatiquement, c’est-à-dire sans décision préalable du conseil municipal.

La protection des élus municipaux est assurément une exigence dans notre société et il fallait que les maires soient aussi bien accompagnés que les pompiers, les gendarmes et les policiers.

Cette loi permet donc de sensibiliser les élus ou futurs élus aux menaces potentielles lors d’interventions du quotidien et de les mettre en capacité de mieux appréhender les situations à risques, sans oublier de veiller à ce qu’ils ne se sentent pas seuls face aux violences potentielles.

B – L’intensification des sanctions prises contre les personnes violentes

Le but était d’alourdir les sanctions en cas d’agressions contre des élus12. Grâce à cette réforme, les peines en cas d’agression des élus actuels ou des ex-élus ont été alignées sur celles encourues en cas d’agression des dépositaires de l’autorité publique, à savoir cinq ans d’emprisonnement et 75 000 € d’amende si les violences ont entraîné une incapacité de travail inférieure ou égale à huit jours et sept ans d’emprisonnement et 100 000 € d’amende lorsque l’incapacité de travail qui en résulte dépasse huit jours (C. pén., art. 223-1-1). En outre, la loi prévoit que les atteintes à la vie privée des élus, des candidats à un mandat ou à celle de leurs proches pourront être punies d’une peine de deux ans de prison et de 60 000 € d’amende (C. pén., art. 226-1). Dès lors, les sanctions en cas d’agressions contre des élus ont été aggravées et les peines encourues en cas violences commises par les élus renforcées. En outre, la loi a élargi la protection fonctionnelle de l’État aux candidats aux élections en prévoyant, sous certaines conditions, le remboursement par l’État des frais de sécurisation engagés par les candidats pendant la campagne électorale en cas de menace avérée.

L’article 322-8, 3°, du Code pénal, qui prévoit une peine de 20 ans de réclusion criminelle et de 150 000 € d’amende vise désormais aussi toute personne « chargée d’une mission de service public » et d’autre part, l’article 222-33-2-2 du Code pénal sanctionne par « deux ans d’emprisonnement et 30 000 € d’amende » le harcèlement moral lorsque les faits ont été commis sur le titulaire d’un mandat électif. Par ailleurs, dans les sanctions, la loi a ajouté la peine de travail d’intérêt général (TIG) insérée dans l’article 433-5 du Code pénal. Il est également question de circonstance aggravante lorsque les faits sont commis au préjudice « d’un candidat à un mandat électif public pendant la durée de la campagne électorale » (C. pén., art. 223-1-1, al. 2) ou quand il s’agit d’un délit d’atteinte à la vie privée (C. pén., art. 226-1). En effet ce texte prévoit que « lorsque les faits sont commis au préjudice d’une personne dépositaire de l’autorité publique, chargée d’une mission de service public, titulaire d’un mandat électif public ou candidate à un tel mandat ou d’un membre de sa famille, les peines sont également portées à deux ans d’emprisonnement et à 60 000 € d’amende ». En outre, l’article 433-5 a été modifié si bien que tous les outrages, qu’il s’agisse de paroles, de gestes ou de menaces, d’écrits voire d’images de toute nature non rendus publics visant les personnes chargées d’une mission de service public, dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de sa mission sont punis de 7 500 € d’amende et d’une peine de TIG. Les sanctions visant les auteurs d’infractions ont assurément été étendues et la loi a octroyé aux élus victimes une prise en charge plus accrue en cas de violences.

Grâce à cette réforme qui devrait sécuriser les maires durant leur activité communale, la situation générale des communes ne devrait plus autant se dégrader, ce qui était essentiel car la commune est la collectivité à laquelle les citoyens sont le plus attachés. Tout devait être fait pour éviter que maires et élus soient des cibles privilégiées et surtout qu’il y ait des récidives, raison pour laquelle il faut saluer le législateur puisque sa loi du 21 mars 2024 doit permettre à la fois de prévenir ces faits dont sont victimes l’ensemble des élus et de lutter efficacement contre les violences qu’ils subissent.

Notes de bas de pages

  • 1.
    B. Leprat, D. Alphand, M. Carrère, « L’avenir de la commune et du maire. Première table ronde », JCP A 2024, 17.
  • 2.
    V. Doebelin, « Le risque de violences à l’encontre des élus : l’exemple du maire de Saint-Brévin-les-Pins », Journal des accidents et des catastrophes 30 mai 2023, n° 227.
  • 3.
    T. Scherer, « Loi renforçant la sécurité des élus locaux : je préviens, je protège et j’informe », Dalloz actualité, 5 avr. 2024.
  • 4.
    La loi a modifié le Code électoral en introduisant un chapitre V ter et en notant : « Le présent chapitre s’applique aux candidats ayant déclaré leur candidature au représentant de l’État dans le département et ayant effectivement pris part au moins au premier tour de l’élection ».
  • 5.
    JO, 28 févr. 2002 ; B. Delaunay, « De la participation du public à l’élaboration des grands projets », LPA 11 déc. 2002, p. 4 ; P. Le Louarn, « Démocratie de proximité et protection de l’environnement : la participation du citoyen local », RJE 2003, p. 589.
  • 6.
    JO, 28 déc. 2019 ; A. Haquet, « La reconnaissance et le renforcement des droits des élus », AJDA 2020, p. 569 ; J.-C. Zarka, « Les principales dispositions de la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique », LPA 5 mars 2020, n° LPA150z8.
  • 7.
    JO, 25 janv. 2023 ; JCP G 2023, 211.
  • 8.
    Gouvernement, 7 juill. 2023, Plan national de lutte contre les violences faites aux élus : JCP A 2023, act. 489.
  • 9.
    R. Mesa, « La faible protection pénale de l’élu public ou local », JCP A 2023, 2087.
  • 10.
    Réponse ministérielle à la question écrite n° 8172 : JOAN, 31 oct. 2023.
  • 11.
    J.-M. Pastor, « Soutien aux élus victimes d’agressions », Dalloz actualité, 19 janv. 2023.
  • 12.
    Piste qui avait déjà été évoquée : D. Necib, « Violences contre les maires : vers une systématisation de la réponse pénale », AJCT 2020, p. 386.
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