Bâtiment : un secteur face à un ralentissement durable

Publié le 17/10/2024

Depuis la crise sanitaire, le secteur du bâtiment peine à retrouver le chemin de la croissance. Malgré quelques signaux positifs (baisse des taux d’intérêt et coûts des matériaux), la Fédération française du bâtiment Grand Paris Île-de-France continue de s’inquiéter de l’état du marché. « Nous sommes incontestablement coincés dans un bas », constate Édouard Durier, vice-président en charge de l’économie de la fédération régionale. Entretien.

Actu-Juridique : Baisse des mises en chantier, hausse des défaillances, un marché de l’entretien-rénovation qui stagne, faut-il s’inquiéter pour la filière du bâtiment ?

Édouard Durier : Le secteur du bâtiment reste pour le moment dans une phase dite de « décrochement ». Les opérations immobilières ont du mal à être lancées et les entreprises peinent à remplir leurs carnets de commandes. Pour vous donner un exemple concret, sur un an, les mises en chantiers de logements neufs ont chuté de 25 % en Île-de-France, soit près de trois points de plus que la moyenne nationale. À cela s’ajoutent des autorisations de construction également en baisse : -22,2 %. Pour rappel, le secteur du neuf représente près de la moitié du chiffre d’affaires de nos entreprises qui emploient plus de 360 000 salariés. Il n’y a guère que l’entretien-rénovation qui connaît une légère croissance (+0,8 %) mais cela est évidemment trop peu pour se réjouir. Selon nos données, 65 % des professionnels du bâtiment francilien jugent positivement leur situation économique actuellement. Cela peut sembler beaucoup, mais en réalité, c’est moins que les précédentes enquêtes. Nous sommes incontestablement coincés dans un bas. Et ce, alors que les besoins en logement restent extrêmement importants. Pour rappel, en 2010, une loi est passée avec un objectif de construction de 70 000 logements par an dans la région. Aujourd’hui, nous sommes à un peu plus de 40 000. C’est trop peu, alors que l’Île-de-France reste un pôle d’attractivité très important.

AJ : Quelles sont les propositions de la FFB Grand Paris Île-de-France pour inverser cette tendance ?

Édouard Durier : Nous défendons plusieurs idées pour le secteur. La première concerne le rétablissement d’un prêt à taux zéro (PTZ), ou d’un prêt semblable avec de longs différés de remboursement pour soutenir les particuliers qui ont un projet immobilier ou un besoin de rénovation. C’est un moyen efficace, il nous semble, de soutenir à court terme l’ensemble de la filière et les personnes réticentes à engager des travaux dans un contexte économique compliqué. Aussi, nous sommes en faveur de la prorogation du dispositif Pinel, d’un maintien, en 2025, des aides à la rénovation énergétique et notamment de MaPrimeRénov’. Enfin, nous réclamons une pause réglementaire, en particulier autour de la performance énergétique des logements.

AJ : Une pause réglementaire doit-elle aussi engager un ralentissement de certaines normes pour la protection de l’environnement comme l’objectif zéro artificialisation nette (ZAN) ?

Édouard Durier : Le secteur du bâtiment est parfaitement conscient des enjeux environnementaux et des besoins de transformations en la matière. Personne n’est par exemple contre l’adoption de nouvelles normes pour protéger l’environnement ou l’adoption de nouvelles techniques de constructions. Toutefois, nous alertons, en lien avec la Fédération Française du Bâtiment, sur un décalage qui peut exister, parfois, entre les ambitions fixées et les moyens dont disposent les professionnels pour y parvenir. À l’occasion des dernières élections législatives de cet été, la FFB avait émis dix mesures essentielles à destination des candidats. Parmi celles-ci, nous demandions l’adaptation de l’objectif ZAN aux réalités des territoires. Depuis, il semble que nous ayons été « entendus » à en croire les premières déclarations de la nouvelle ministre, toutefois nous restons vigilants et dans l’attente d’actions. La filière du bâtiment ne demande pas la fin du ZAN mais davantage de souplesses et de discussions avec les collectivités pour mieux cerner et répondre aux besoins des territoires.

AJ : Êtes-vous optimiste pour l’avenir du secteur ?

Édouard Durier : À court terme, il est difficile pour nous de l’être complètement mais nous restons engagés pour une relance. Il y a, à ce propos, quelques signes positifs. Je pense notamment à la stabilité des prix des matériaux après la hausse spectaculaire de 2022, la baisse de l’inflation et des taux d’emprunts. Pour l’heure, on ne sait pas quand l’économie du bâtiment redémarrera vraiment et retrouvera ses standards d’avant-Covid. Cela pourrait prendre encore plusieurs années. Tout va dépendre de l’engagement de chacun. De l’État bien sûr, à travers les mesures dont je vous parlais, mais aussi des collectivités.

AJ : Quel a été l’effet des Jeux olympiques et paralympiques pour vous ? Vous aviez des craintes avant la tenue de l’événement, notamment pour l’accès aux chantiers ou des retards de livraisons.

Édouard Durier : Nous ne pouvons pas encore répondre précisément à cette question. Il nous faut attendre la clôture des comptes 2024 pour avoir des chiffres arrêtés. Mais les premiers retours dont nous disposons semblent indiquer que tout s’est plutôt bien passé. La circulation était assez simple à Paris, même si plus difficile que d’ordinaire. Comme les Parisiens, les professionnels se sont organisés à l’avance pour éviter un éventuel chaos logistique.

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