Déchets : Jean-Philippe Luce nouveau président de l’ORDIF
Le maire de Bois-d’Arcy (Yvelines), et conseiller régional d’Île-de-France, a été nommé, en septembre, président de l’Observatoire régional des déchets en Île-de-France (ORDIF). Ce département de l’Institut Paris Région réalise de nombreuses études et rapports pour épauler les politiques publiques liées aux déchets. Les Jeux Olympiques de 2024, le Grand Paris Express, ou plus simplement l’amélioration du taux de recyclage des ordures ménagères, sont certains des enjeux à venir pour l’ORDIF. Pour l’aider dans sa mission, Jean-Philippe Luce est accompagné de Helder De Oliveira, le directeur de l’Observatoire, et d’une équipe de six personnes.
Actu-juridique : Comment devient-on président de l’Observatoire régional des déchets en Île-de-France (ORDIF) ?
Jean-Philippe Luce : Cette nomination fait suite à mon élection au conseil régional d’Île-de-France en juin dernier, et au travail réalisé depuis en collaboration avec Yann Wehrling, vice-président à la transition écologique, et Jean-Philippe Dugoin-Clément, vice-président chargé du logement et de l’aménagement durable, et ancien président lui-même de l’ORDIF. C’est grâce à leur confiance, et à celle de Valérie Pécresse, que j’ai été nommé à ce poste.
AJ : Quelles sont les missions de l’ORDIF ?
J.-P.L. : Nous avons trois missions historiques. La première est de développer auprès des institutions et des habitants les connaissances sur les déchets en élaborant des rapports, des analyses et en fournissant des données précises sur le sujet. Nous favorisons également les échanges entre les différents acteurs, qu’ils soient privés, publics ou associatifs, et qui interviennent dans le champ des déchets. Enfin, nous avons une mission d’information auprès de toutes ces parties pour qu’elles soient nourries des actualités du secteur des déchets. La loi relative à la Nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) adoptée en 2015 a confié aux régions la compétence de planification des déchets et crée pour chacune d’elles l’obligation de mise en place d’un plan régional de prévention et de gestion des déchets (PRPGD). La région Île-de-France disposait déjà par exception de cette compétence planification depuis 2014. C’est notamment l’ORDIF qui est chargé de centraliser les données nécessaires à l’élaboration et au suivi du plan francilien adopté en 2019.
Enfin, précision importante, l’ORDIF collabore avec près d’une centaine de partenaires, dont l’Agence régionale de la transition écologique (ADEME), la Direction régionale et interdépartementale de l’environnement, de l’aménagement et des transports (DRIEAT), mais aussi des départements, des intercommunalités, des syndicats en charge du traitement des déchets, les opérateurs privés, des éco-organismes, ou des associations.
AJ : Quels sont les grands chiffres des déchets en Île-de-France ?
Helder De Oliveira : La région Île-de-France, par toutes ses activités, produit chaque année environ quarante millions de tonnes de déchets. La moitié d’entre eux proviennent des terres excavées des chantiers franciliens et notamment depuis quelques années maintenant des travaux du réseau du Grand Paris Express.
Sur l’ensemble du territoire, dix-huit usines d’incinération de déchets non dangereux, principalement des déchets ménagers ou produits par des petites entreprises, permettent d’incinérer près de quatre millions de tonnes de déchets en produisant de l’énergie. Trois de ces usines, la moitié des capacités, appartiennent au Syctom, le premier opérateur public européen de traitement et de valorisation des déchets ménagers. Ce service public bénéficie à près de six millions d’habitants vivant dans les douze établissements publics territoriaux (EPT) de la métropole du Grand Paris et la communauté d’agglomération de Versailles Grand Parc, soit cinq départements. Enfin, les déchets franciliens remplissent aussi, dans les grandes lignes, neuf décharges situées en grande couronne qui traitent plus de trois millions de tonnes de déchets et plus de 600 autres installations qui trient, recyclent ou traitent les déchets.
AJ : Jean-Philippe Luce, quelles sont vos ambitions pour l’ORDIF ?
J.-P.L. : L’ORDIF, vous l’aurez compris, est un catalyseur de ressources très précieux pour les habitants, les collectivités et les acteurs des déchets quand ceux-ci doivent prendre des décisions. Mon premier objectif n’est autre que de permettre à l’observatoire de poursuivre ses missions et de rayonner ainsi auprès des partenaires publics comme privés.
Plus personne n’ignore que les déchets engagent une série de problématiques très importantes et d’actualité. En tant que maire de Bois d’Arcy, j’ai instauré le zéro plastique dans les cantines. La guerre au plastique à usage unique est un combat que j’entends mener au niveau régional via notre observatoire. Nous organisons d’ailleurs le 30 novembre une journée d’information et de concertation sur ce sujet.
L’ORDIF est un acteur qui sera amené à se renforcer dans les années à venir. Et qui plus est, dans le contexte d’une mobilité moderne et post-covid où de nombreux habitants partent s’installer en grande couronne et dans les zones rurales. Nous devons suivre de très près ces évolutions pour accompagner la diversité des problématiques du territoire francilien.
AJ : Les franciliens sont-ils des « mauvais » trieurs comme peuvent le laisser penser les chiffres à ce sujet ?
J.-P.L. : Au-delà du tri, l’enjeu c’est aussi la production des déchets et l’utilisation de leurs ressources. La question de l’économie circulaire est par exemple essentielle. Même si elle n’est pas directement traitée par l’ORDIF elle concerne de nombreux partenaires. Et c’est d’ailleurs pour cela que la mission d’échange, qu’est celle de l’observatoire pour l’écosystème des déchets, est primordiale.
Concernant les franciliens, l’envie de trier est réelle, je le vois en qualité de maire de Bois-d’Arcy dans les Yvelines. La difficulté est peut-être de bien trier, de mettre les déchets dans les bons bacs. Nous avons encore du travail à faire.
H.D.O. : Il est vrai que les franciliens trient un peu moins que les habitants des autres régions, mais globalement la France peut se targuer d’avoir de très bons taux. Pour progresser, la région Île-de-France a adopté fin 2019 un plan régional de prévention et de gestion des déchets (PRPGD). Celui-ci prévoit notamment de généraliser le tri à la source des biodéchets conformément aux objectifs législatifs européens et nationaux, généraliser le tri à l’ensemble des emballages en plastique, ou encore harmoniser les consignes de tri, les couleurs de bacs et la communication. Au sein de l’ORDIF nous pensons que la faiblesse de nos performances de recyclage sont probablement autant d’opportunités de développements à saisir. À titre d’exemple, la généralisation du tri des biodéchets à la source concerne un million de tonne de déchets aujourd’hui incinérés. C’est un grand et beau défi régional.
AJ : Grand Paris Express et Jeux Olympiques 2024, deux grands défis, représentent-ils aussi une chance d’avancer sur les questions des déchets ?
H.D.O. : Oui, c’est certain. Pour le Grand Paris Express nous sommes d’ailleurs en plein dedans. Le tonnage des terres excavées est en ce moment de 15 % au-dessus de la moyenne, c’est titanesque et cela va encore durer quelques années. Le PRPGD d’Île-de-France intègre le sujet puisque l’un de ses objectifs est de développer de nouvelles méthodes de valorisation des gravats à recycler ou d’une meilleure réutilisation des éléments issus des bâtiments déconstruits.
J.-P.L. : Pour les J.O. 2024, il me semble que l’enjeu principal portera sur le tourisme. Des centaines de milliers de personnes, voire des millions, vont venir dans notre région pour suivre ou participer à ces Jeux Olympiques. Cela induira nécessairement la production de déchets dans de très grandes quantités. Or nous ne pouvons pas nous contenter de consommer et de ramasser comme nous pouvions encore le faire il y a dix ou vingt ans. Il nous faut être libre de circuler, voyager, profiter tout en respectant les territoires et en réduisant au minimum les impacts négatifs. Les deux sont tout à fait complémentaires. Et les Jeux Olympiques ne sont qu’un exemple sur lequel nous serons très concentrés mais qui ne résument pas la question touristique. Les J.O. ne durent qu’un mois. Le tourisme lui, quand le covid sera derrière nous, ne s’arrêtera pas. Enfin, on l’espère.
AJ : En quoi votre expérience d’élu local peut-elle vous servir pour votre mission au sein de l’ORDIF ? Souhaitez-vous déployer des bonnes pratiques mises en place à Bois-d’Arcy ?
J.-P.L. : La vision du « local » est essentielle. Être maire permet de connaître précisément les problèmes liés, par exemple aux collectes de déchets, jusqu’aux résistances des habitants. De la même manière, puisque j’exerce encore une activité professionnelle, je constate aussi les besoins, les bonnes pratiques ou les difficultés qui concernent le monde de l’entreprise. Je pense ici aussi au zéro plastique à usage unique ou au suremballage. Ces expériences vont s’enrichir l’une et l’autre pour garder un regard ambitieux régionalement et concret localement.
Référence : AJU002h6