Hauts-de-Seine (92)

La ville d’Issy-les-Moulineaux récompensée pour sa transformation durable

Publié le 03/05/2022
Ville verte, transformation durable
Artinun/AdobeStock

En mars dernier, la première édition du Sommet de la transformation durable, organisé par le groupe Leaders League, rassemblait décideurs politiques et dirigeants d’entreprise au Pavillon d’Armenonville à Paris. Ce nouvel événement se voulait être un espace d’échanges et un laboratoire d’action « autour de l’urgence climatique et des enjeux liés au développement durable ». Des trophées ont également été remis après un appel à candidature : la ville d’Issy-les-Moulineaux a reçu le trophée d’or de la catégorie « Acteurs Publics : meilleure transformation durable ».

Issy-les-Moulineaux est située dans les Hauts-de-Seine, au sud-ouest de Paris. Depuis plus de trente ans, la ville change avec la réhabilitation de quartiers entiers, à l’instar du programme immobilier « Cœur de ville », un nouvel écoquartier qui devrait être achevé cette année. La commune tient à son image de commune innovante et même pionnière. Elle a récemment annoncé l’évolution du quartier d’affaires dans le secteur « Axe Seine », composé majoritairement de bureaux datant des années 1980. L’objectif ? En faire « le premier éco-quartier à hydrogène, qui intégrerait les standards d’une Smart-City Hydrogène pilotée à basse consommation, voire à énergie positive », indique-t-on sur le site de la mairie.

L’engagement de la ville d’Issy-les-Moulineaux dans le développement durable ne date pas d’hier. Dès 1991, un plan municipal d’environnement est adopté pour améliorer la qualité de vie des habitants. En 2012, c’est un plan de 43 actions qui est mis en place pour atteindre 5 objectifs à l’horizon 2013 : contribuer à relever le défi du changement climatique ; préserver l’environnement et le cadre de vie ; favoriser l’épanouissement de tous ; mobiliser les acteurs locaux ; donner l’exemple.

L’obtention du trophée d’or marque un nouveau tournant dans l’histoire d’Issy-les-Moulineaux, venant mettre en lumière les dernières interventions pour lutter contre le réchauffement climatique.

Un budget climat inédit

Le conseil municipal d’Issy-les-Moulineaux dit s’être inspiré d’Oslo en adoptant un budget climat afin de limiter les émissions de gaz à effet de serre en février 2021. Le budget climat d’Oslo a été lancé en 2015, puis renforcé en 2016. L’idée était de créer un système « efficace, mesurable et transparent » et de « compter les émissions comme on compte son argent ».

« Nous faisons souvent l’erreur d’avoir des objectifs à long terme, qu’il est facile de repousser à mesure que la date limite approche », avait alors déclaré André Santini, maire d’Issy. La démarche est donc présentée comme « pragmatique » avec l’instauration d’un outil inédit en France de planification annuelle de la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Celui-ci permet de plafonner les émissions tout en augmentant les puits de carbone et ainsi se rapprocher de la neutralité carbone.

« En associant sa stratégie de lutte contre le changement climatique à la notion de « budget », la municipalité veut marquer une volonté politique forte, le vote du budget financier étant l’acte politique le plus important pour un conseil municipal », explique-t-on sur le site de la mairie.

Le budget climat fixe des objectifs à atteindre chaque année, dans le respect des Accords de Paris. Pour ce faire, il a fallu calculer un plafond réaliste de réduction des émissions pour l’exercice budgétaire à venir : en 2021, la ville devait passer de 130 100 tonnes de CO2 à 125 500 tonnes tous secteurs confondus (résidentiel, tertiaire, industriel, transport et déchets).

Avec ce chiffre en tête, la ville a identifié les mesures et les instruments nécessaires à tous les niveaux pour y parvenir. Un « tableau de bord climatique » a été mis en place pour suivre les évolutions en fonction de différents indicateurs. Tiphaine Bonnier est maire-adjointe au développement durable et à la condition animale depuis mars 2020 : « Pour avoir ces données, on va regarder différentes échelles de grandeur. Nous nous servons des données de ROSE, l’observatoire francilien de l’énergie & des gaz à effet de serre. On se sert aussi du quartier Fort [Lauréat « Smart City » de la COP22, en 2016, le Fort d’Issy est un modèle de quartier écoresponsable et connecté, NDLR] qui permet de mesurer par rapport au reste du territoire. Tout cela est possible grâce à la smart city : plus on a de données exploitables, plus on peut avancer ».

Pour l’électricité et le gaz, les données sont disponibles tous les ans. Pour le bois ou le fioul, c’est plus compliqué, il faut parfois attendre deux ou trois ans pour des données actualisées. « Donc la démarche du budget climat n’est pas fiable à 100 %, précise l’adjointe ».

Objectif à -3,2 %

En décembre 2021, la ville a présenté le compte de résultat climat de l’année 2020 : une baisse de 6,5 % des émissions de gaz à effet de serre a été actée, dépassant les objectifs fixés à 3,5 %, résultat en partie de la crise sanitaire.

Comme pour l’année précédente, le nouveau budget climat de 2022 a été voté à l’unanimité à la suite d’un débat d’orientation climatique – similaire à un débat d’orientation budgétaire classique – avec un plan d’action pour l’année suivante. Un budget primitif climat a été adopté et le prochain compte de résultat avec le bilan réel est attendu pour décembre 2022. Cette fois-ci, l’objectif est fixé à une baisse de 3,2 % de tonnes équivalent carbone.

Plusieurs projets, dont certains en lien avec Grand Paris Seine Ouest et la Métropole du Grand Paris, doivent permettre de remplir la mission, comme la végétalisation des cours d’école et des espaces publics (plantation d’arbres, déminéralisation, renforcement des projets d’agriculture urbaine), la réalisation d’un schéma directeur énergétique pour les bâtiments municipaux afin de planifier les rénovations prioritaires, la création du guichet unique « Seine Ouest Renov » pour les rénovations, l’installation de neuf stations Vélib’ supplémentaires, la collecte progressive des biodéchets au domicile, l’ouverture d’une maison zéro déchet « La Fabrique d’Issy » aux Épinettes ou encore l’ouverture d’une Bricothèque à la Ferme.

« La ville est responsable de 3 % des émissions. Elle se veut dans l’exemplarité et agir partout où elle peut. Ça passe par son patrimoine. Un bilan des émissions de gaz à effet de serre est en cours, ce qui est obligatoire, et nous permettra d’identifier les bâtiments qui doivent être rénovés ou ceux pour lesquels on peut agir sur la consommation d’énergie », complète Tiphaine Bonnier.

Pour les autres chiffres, les ménages sont responsables de 56 % des émissions de gaz à effet de serre à Issy, les entreprises de 36 % et les autres acteurs publics représentent 5 %. Le résidentiel est, quant à lui, le secteur le plus émetteur, avec 37 % des émissions de gaz à effet de serre, devant le tertiaire (28 %), les transports (18 %), les déchets (14 %) et l’industrie (3 %).

Ça commence par Issy

Consciente que la lutte contre le changement climatique concerne tout le monde, la ville d’Issy-les-Moulineaux a intégré dans ses actions de transformation une grande part dédiée à la communication et à la pédagogie. C’est le but recherché par la websérie Ça commence par Issy, diffusée sur le site de la mairie. Douze épisodes proposent de mieux comprendre les enjeux d’une action à la fois individuelle et collective à travers des capsules vidéo. La première interroge ce qu’est le bilan carbone, d’autres traitent de la fast fashion, du compostage, de l’impact du numérique ou encore des aides à la rénovation.

Pour aller encore plus loin, Issy-les-Moulineaux a invité ses habitants et habitantes à répondre au défi zéro carbone, lancé en septembre 2021, il s’est terminé en février 2022. Ce défi est intègré dans le budget climat et impliquait trente foyers isséens (une centaine de personnes) qui étaient accompagnés gratuitement dans leur transition écologique de manière globale.

Parmi les trois équipes constituées, Hauts d’Issy bas carbone, Green Team et Les Voisins décarbonés. « Le bilan est très bon pour une première édition, sachant qu’on était à quatre jours obligatoires de télétravail par semaine. Malgré tout, on a eu une réduction des déchets de 21 % d’ordures ménagères sur l’ensemble des foyers et une empreinte carbone diminuée de 13 % sur ces 30 familles. Tout ça avec des ateliers une fois par semaine. On prépare la deuxième édition et réunir encore plus de familles autour de ce défi. Ça nous motive pour aller encore plus loin » !

Parmi les prochaines initiatives qui viennent s’ajouter à celles déjà mises en place, la ville pourra également bientôt compter sur un fonds de dotation « Issy, Agir pour le climat ». Créé fin 2020, il n’est pas encore opérationnel. « Le fonds de dotation vise les entreprises du territoire. C’est un organisme de mécénat pour des projets d’intérêt public local. Elle réunit les acteurs dans leur diversité pour préparer la ville de demain. Le fonds est en cours de construction. L’objectif est qu’il soit autonome et indépendant ».

En attendant, la mairie se félicite du trophée reçu de la part du Sommet de la transformation durable : « Le service de la ville durable et la mairie sont très intéressés par les distinctions et les appels à projet : si la ville est distinguée, ça montre que notre politique paye. On est sur la bonne voie donc on continue. C’était une belle récompense pour tout le travail mené. »

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