L’éligibilité au FCTVA des aménagements de terrains : « c’est peut-être un détail pour vous, mais pour les collectivités territoriales ça veut dire beaucoup » !
Après une période d’incertitude quant à l’éligibilité au FCTVA des aménagements de terrains, un éclaircissement positif est intervenu avec la loi de finances pour 2024. Liée à l’automatisation récente du FCTVA, l’éligibilité des aménagements de terrains est associée à celle des mises à disposition au profit de tiers au plus grand bénéfice des investissements des collectivités territoriales.
L. n° 2023-1322, 29 déc. 2023, de finances pour 2024
Dans le prolongement de la réforme de 2021 du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA), l’engagement du gouvernement devant l’ensemble des élus locaux à l’occasion des discussions de loi de finances pour 2024 favorise substantiellement les investissements des collectivités territoriales grâce à une évolution qui, de prime abord, pourrait apparaître comme un simple détail.
Avant les prolongements de la loi de finances pour 2024, la loi de finances pour 20211 a profondément modifié le régime d’éligibilité des dépenses d’investissement des collectivités territoriales au FCTVA. Cette loi a adopté le principe d’une gestion automatisée du FCTVA à compter du 1er janvier 2021, avec une mise en œuvre progressive et complète au 1er janvier 2023. Dans ce cadre, les discussions à l’occasion de la loi de finances pour 2024 ont – enfin ! – permis l’éligibilité des dépenses d’agencements et d’aménagements de terrain au FCTVA.
Pour mesurer la portée de cette évolution, il convient de rappeler la nature du changement notable que représente l’automatisation de la gestion du FCTVA dont il est toutefois encore trop tôt pour mesurer l’impact pour les collectivités territoriales. Par ailleurs, si cette avancée constitue une véritable opportunité pour les collectivités territoriales c’est en raison de la modification ou de l’abrogation, depuis le 1er janvier 2021, de plusieurs articles clés du régime antérieur du FCTVA2. Dans le cadre de l’automatisation de la gestion du FCTVA, l’abrogation de l’article L. 1615-7 du Code général des collectivités territoriales permettant l’éligibilité des mises à disposition au profit des tiers a été un facteur d’évolutions notables pour les collectivités territoriales.
Après une période d’insécurité juridique dans la période de transition liée à la mise en œuvre de l’automatisation du FCTVA (2021-2023), l’année 2024 s’annonce sous de meilleurs hospices pour le soutien de l’État aux collectivités territoriales. Parfois, un détail « veut dire beaucoup » !
I – Une opportunité nouvelle liée à l’automatisation du FCTVA
En adoptant le principe d’une gestion automatisée du FCTVA à compter du 1er janvier 2021, avec une mise en œuvre progressive et totale au 1er janvier 2023, la loi de finances pour 2021 a modifié plus en profondeur qu’il n’y paraît le mode de fonctionnement du FCTVA. Certes, il s’agit avant tout d’un changement du mode de gestion du FCTVA avec la modification par le décret n° 2020-1791 du 30 décembre 2020 relatif à l’automatisation de la gestion du FCTVA3 de la partie réglementaire du Code général des collectivités territoriales. Cependant, compte tenu des contingences techniques et comptables, cette réforme modifie également l’assiette d’une partie des dépenses éligibles au FCTVA. En raison de la réforme, certaines dépenses deviennent inéligibles ou, au contraire, d’autres sont désormais incluses dans l’assiette du FCTVA.
La réforme de l’automatisation du FCTVA a consisté à remplacer une procédure « manuelle », dans le cadre de laquelle les collectivités devaient déclarer leurs dépenses d’investissement pour bénéficier d’une attribution de FCTVA, par un système fondé sur l’imputation régulière dans leurs comptes des dépenses d’investissement, leur permettant de percevoir automatiquement le FCTVA. Les dépenses réalisées par les collectivités sont désormais transmises automatiquement via l’application Hélios, préalablement paramétrée par les comptables publics compétents, dans l’application Alice (automatisation de la liquidation des concours de l’État), destinée aux services en charge du FCTVA en préfecture et à l’administration centrale. C’est l’arrêté du 30 décembre 2020 modifié par l’arrêté du 17 décembre 2021 qui fixe la liste des comptes éligibles à la procédure de traitement automatisé relative à l’attribution du FCTVA.
L’automatisation du FCTVA a conduit à revoir la définition de l’assiette des dépenses d’investissement éligibles. Dans le système déclaratif antérieur, qui subsiste en partie toutefois, l’assiette était fixée par voie réglementaire. Avec cette réforme, l’éligibilité des dépenses se constate lorsqu’elles sont imputées régulièrement sur un compte éligible dont la liste est fixée par arrêté. Si le gouvernement s’est attaché à ce que le périmètre des dépenses éligibles soit préservé, le plan comptable des collectivités ne correspond pas exactement à l’ensemble des items qui composaient précédemment l’assiette réglementaire des dépenses éligibles au FCTVA. Des ajustements ont dû être opérés dans un objectif de neutralité financière de la réforme. Ainsi, lors de l’entrée en vigueur de la réforme, les comptes 211 « Terrains » et 212 « Agencement et aménagement de terrains » n’ont pas été retenus dans l’assiette d’éligibilité car ils comportent des dépenses « hors taxe », nécessairement inéligibles au FCTVA. De plus, il était difficile au sein de ces comptes de distinguer les dépenses auparavant éligibles des dépenses enregistrées sur ces comptes. En outre, les simulations réalisées en amont de la réforme avaient conduit à montrer qu’elle générait un coût supplémentaire pour l’État et s’avérait globalement favorable aux collectivités, notamment en supprimant le non-recours au FCTVA pour plusieurs collectivités. Lors de la première année de mise en œuvre, cette réforme a conduit à une importante accélération des paiements en faveur des bénéficiaires du régime de versement bénéficiant du régime N+14. Enfin, en supprimant la quasi-totalité des obligations déclaratives, l’automatisation du FCTVA a généré chez les bénéficiaires des économies en équivalent temps plein permettant à terme aux collectivités territoriales de réaffecter des moyens sur d’autres missions ou de diminuer d’autant leur masse salariale.
Sans changer les bénéficiaires du FCTVA, la réforme de l’automatisation a toutefois entraîné des modifications sur l’assiette du FCTVA et les dépenses éligibles. Le changement est important car la réforme conduit à utiliser la nomenclature comptable comme base d’éligibilité et non plus la nature des dépenses. Pour connaître l’éligibilité d’une opération, il convient donc prioritairement de vérifier si le compte sur lequel est imputée la dépense figure dans la nomenclature des comptes retenus comme assiette du FCTVA. C’est sur ce point que l’engagement du gouvernement à l’occasion de la loi de finances pour 20245 est d’un apport substantiel pour les collectivités territoriales car désormais l’intégration des comptes 211 « Terrains » et 212 « Agencement et aménagement de terrains » permettent l’éligibilité au FCTVA de dépenses d’investissement habituelles des collectivités telles que l’aménagement de terrains de sport (dépenses de terrassement, de drainage et d’assainissement), d’aires de jeu, de places, de parcs de stationnement ou de pistes cyclables, de travaux dans les cimetières, etc. Qui plus est cette opportunité importante pour les collectivités territoriales, compte tenu des dépenses d’investissement de très nombreuses communes en France, est désormais couplée à l’éligibilité au FCTVA des mises à disposition au profit de tiers.
II – Une opportunité nouvelle associée à l’éligibilité des mises à disposition au profit de tiers
En quatre ans, l’éligibilité au FCTVA des aménagements et agencements de terrains aura varié trois fois. Avant le 1er janvier 2021 et la réforme de l’automatisation du FCTVA, ces dépenses d’investissement pouvaient être éligibles. Du 1er janvier 2021 au 31 décembre 2023, elles étaient inéligibles en raison de l’absence d’intégration dans l’assiette du FCTVA des comptes correspondants à ces investissements. Depuis le 1er janvier 2024, ces dépenses peuvent de nouveau être éligibles grâce à l’intégration du compte 212 « Agencement et aménagement de terrains » dans l’assiette du FCTVA. Si le gouvernement a écarté l’éventualité de versements rétroactifs du FCTVA pour les dépenses non éligibles réalisées de 2021 à 20236, devenues éligibles à compter du 1er janvier 2024, dès le 1er janvier 2021 certaines dépenses réalisées par les collectivités dans le cadre de projets d’aménagement de terrain étaient susceptibles d’ouvrir droit au bénéfice du FCTVA en raison de l’intégration des comptes dans l’assiette des dépenses éligibles. Il en allait ainsi :
• des dépenses qui relèvent d’une imputation au compte 2188 « Autres immobilisations corporelles », incluses dans l’assiette automatisée du FCTVA, conformément à l’arrêté du 30 décembre 2020 comme les achats d’équipements sportifs et urbains, qu’ils soient fixés au sol ou non (paires de buts, filets de tennis, panneaux d’informations, bancs, corbeilles, mobilier urbain en général, etc.) ;
• des dépenses qui relèvent d’une imputation au compte 2158 « Autres installations, matériel et outillages techniques » comme, par exemple, les dépenses relatives à l’éclairage d’un stade municipal, d’une aire de jeux, etc.
De même, les dépenses relatives à la voirie restaient éligibles au FCTVA. Ainsi, l’aménagement d’une voie verte qui, conformément à l’article R. 110-2 du Code de la route est exclusivement réservée à la circulation des véhicules non motorisés, des piétons et des cavaliers, appartient au domaine public routier de la collectivité est, à ce titre, éligible au FCTVA. En effet, si l’appartenance d’une parcelle au domaine public routier est subordonnée à une affectation aux besoins de la circulation terrestre, aucune disposition ni aucun principe n’impliquent que celle-ci soit propre à la circulation de véhicules motorisés7. Sous réserve que les dépenses d’aménagement d’une voie verte relèvent de comptes éligibles (comptes relatifs aux installations de voirie), elles pouvaient, dès 2021, ouvrir droit au FCTVA. Elles le peuvent toujours depuis le 1er janvier 2024. Depuis cette date, les comptes 211 « Terrains » et 212 « Agencement et aménagement de terrains » ont été intégrés dans l’assiette du FCTVA. Sous réserve du respect des conditions applicables, les dépenses des collectivités territoriales d’aménagements de terrains sont donc éligibles au FCTVA. Il en va ainsi des terrains paysagers dans le cadre de l’objectif « zéro artificialisation nette pour 2030 » liées, par exemple, à la désimperméabilisation des sols et de création d’îlots végétalisés ou d’aménagements de terrains en vue de la sauvegarde de la biodiversité, ou bien encore de l’aménagement de terrains de sport (dépenses de terrassement, de drainage et d’assainissement), d’aires de jeu, de places, de parcs de stationnement ou de pistes cyclables, de travaux dans les cimetières, etc.
Or, cette éligibilité s’intègre dans une évolution plus large du régime du FCTVA qui a conduit à l’abrogation de l’article L. 1615-7 du Code général des collectivités territoriales permettant l’éligibilité au FCTVA des mises à disposition au profit de tiers. C’est la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 qui est venue préciser, par un nouvel article L. 1615-13 du Code général des collectivités territoriales, que les dispositions de l’article L. 1615-7 « s’appliquent uniquement aux dépenses réalisées jusqu’à l’exercice budgétaire 2020 ». Jusqu’au 31 décembre 2020, l’éligibilité des mises à disposition au profit de tiers était strictement encadrée. L’article L. 1615-7 du Code général des collectivités territoriales prévoyait que les immobilisations confiées dès leur réalisation ou leur acquisition à un tiers ne figurant pas au nombre des collectivités ou établissements bénéficiaires du FCTVA et exerçant une activité ne lui ouvrant pas droit à déduction de la TVA ayant grevé le bien donnaient lieu à attribution du fonds pour les dépenses réelles d’investissement réalisées si et seulement si le bien était :
• confié à un tiers chargé de gérer un service public que la collectivité territoriale ou l’établissement lui avait délégué ou de fournir à cette collectivité ou cet établissement une prestation de services ;
• confié à un tiers en vue de l’exercice, par ce dernier, d’une mission d’intérêt général ;
• confié à titre gratuit à l’État.
Depuis l’exercice budgétaire 2021, les conditions posées par l’article L. 1615-7 du Code général des collectivités territoriales ne s’appliquent plus. Les dépenses réalisées sur des biens que les collectivités confient à un tiers non bénéficiaire du FCTVA sont dès lors éligibles lorsque le tiers exerce une activité qui n’ouvre pas droit à déduction de TVA et que les dépenses sont enregistrées sur des comptes éligibles dont la liste est fixée par l’arrêté modifié du 30 décembre 20208. Associée à l’intégration des comptes 211 « Terrains » et 212 « Agencement et aménagement de terrains » à l’assiette des comptes éligibles au FCTVA, la reconnaissance de l’éligibilité au FCTVA des mises à disposition au profit de tiers est un soutien substantiel à l’investissement des collectivités territoriales.
Ainsi, les travaux de construction d’un immeuble mis à disposition, par une collectivité territoriale, au profit des services de la gendarmerie, dans le cadre d’un contrat de location, sont éligibles au FCTVA de même que les travaux d’aménagement d’un terrain de sport en proximité. Avant le 1er janvier 2021, de tels travaux étaient éligibles au FCTVA s’ils étaient effectués par la collectivité sur une gendarmerie confiée à titre gratuit à l’État. En revanche, si la mise à disposition du bien impliquait une redevance de l’État, les conditions de l’article L. 1615-7 du Code général des collectivités territoriales n’étaient pas respectées et les dépenses ne pouvaient pas ouvrir droit au FCTVA : l’immeuble était utilisé par un tiers non bénéficiaire du FCTVA, or le régime dérogatoire prévu pour l’ensemble des services de l’État ne s’appliquait qu’aux mises à disposition à titre gratuit. Depuis le 1er janvier 2021, les travaux de construction d’un tel immeuble sont éligibles (en raison de l’abrogation de l’article L. 1615-7 du Code général des collectivités territoriales, conformément à l’article L. 1615-13 du Code général des collectivités territoriales) si les loyers ne sont pas assujettis à la TVA et que les dépenses sont bien enregistrées sur des comptes éligibles dont la liste est fixée par l’arrêté modifié du 30 décembre 2020. En l’espèce, une gendarmerie correspond à un immeuble loué à des services de l’État spécialement aménagé pour un service public. L’immeuble s’analyse comme un bâtiment public et les dépenses s’y rapportant doivent être enregistrées sur le compte 2131 « Bâtiments publics », éligible au FCTVA. Ainsi, sous réserve que les loyers ne soient pas assujettis à la TVA, les dépenses réalisées après le 1er janvier 2021 relatives à la construction d’une gendarmerie mise à disposition à titre onéreux à l’État par une collectivité territoriale peuvent ouvrir droit au bénéfice du FCTVA9. Or, depuis le 1er janvier 2024, et l’intégration des comptes 211 « Terrains » et 212 « Agencement et aménagement de terrains » à l’assiette des comptes éligibles au FCTVA, l’aménagement d’un terrain de sport en proximité, à usage exclusif ou non de la gendarmerie, est désormais éligible au fonds. Il y a là un système favorable aux collectivités territoriales, qui permet de soutenir de manière substantielle, et désormais simple, l’investissement local. Pour l’observateur extérieur, l’intégration des comptes 211 et 212 dans la base des comptes éligibles au FCTVA peut apparaître comme un détail mais pour les collectivités territoriales cela veut dire beaucoup !
Notes de bas de pages
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1.
L. n° 2020-1721, 29 déc. 2020, de finances pour 2021, art. 251.
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2.
CGCT, art. L. 1615-7 – CGCT, art. L. 1615-10 – CGCT, art. L. 1615-11 – CGCT, art. L. 1615-12.
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3.
JO, 31 déc. 2020.
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4.
Au 1er septembre 2021, 69 % de l’attribution du FCTVA pour 2021 avait été décaissé contre 42 % les années précédentes, soit près de 4,5 milliards d’euros sur les 6,5 milliards d’euros.
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5.
Cet engagement a été fait à différentes occasions devant les associations d’élus locaux. Il est possible d’en trouver la trace dans la réponse ministérielle apportée au Sénat en séance publique le 31 octobre 2023 et publiée le 1er novembre 2023 (JO Sénat, 1er nov. 2023) à la question orale n° 0836S « Réintégration des travaux d’aménagement de terrains dans le fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée » de M. Cyril Pellevat (Haute-Savoie – Les Républicains-R) publiée le 12 octobre 2023. Dans cette réponse, la ministre déléguée aux collectivités territoriales précise : « Après avoir mené une consultation, le gouvernement a décidé qu’à compter du 1er janvier 2024, les dépenses d’aménagement de terrain, imputées au compte 212 “Agencements et aménagements de terrains”, seront réintégrées dans l’assiette d’éligibilité au FCTVA. (…) En réintégrant les dépenses d’aménagement de terrains dans l’assiette du FCTVA à compter du 1er janvier 2024, le gouvernement majore de 250 millions d’euros le soutien apporté chaque année à l’investissement des collectivités territoriales ».
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6.
Rép. min. n° 0836S, 30 oct. 2023 : JO Sénat, 1er nov. 2023 – Rép. min. n° 12505, 5 déc. 2023.
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7.
CAA Nantes, 14 déc. 2018, n° 17NT01376, Dpt du Calvados.
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8.
CAA Nantes, 14 déc. 2018, n° 17NT01376, Dpt du Calvados.
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9.
Rép. min. n° 0087S, 28 juill. 2022 : JO Sénat, 28 juill. 2022, A. Canayer – Rép. min. n° 1783, 4 mai 2023 : JO Sénat, 4 mai 2023, A. Canayer.
Référence : AJU012x2