Yvelines (78)

Sylvain Lambert : « Les communes rurales yvelinoises bénéficient d’un bouclier tarifaire grâce au Syndicat d’énergie des Yvelines » !

Publié le 23/01/2023

Dans le département des Yvelines (78), de nombreuses communes rurales n’ont pas enregistré de hausse des prix de l’énergie en 2022. La raison : leur adhésion au Syndicat d’énergie des Yvelines (SEY 78). Cet établissement public intercommunal regroupe les achats de l’énergie de plus de 200 communes des Yvelines. Sur le territoire, plus de 120 municipalités sont en zone rurale. Ce sont des communes de moins de 3 500 habitants. Pour les représenter, l’Association des maires ruraux des Yvelines (AMR 78) organisent des rencontres entre les différents partenaires institutionnels et territoriaux. Aujourd’hui, cet organisme regroupe 73 adhérents. Sylvain Lambert, maire de Rochefort-en-Yvelines et président de l’AMR 78, décrypte la situation des communes rurales yvelinoises face à l’inflation des produits énergétiques.

Actu-Juridique : Quelle est la situation aujourd’hui des communes rurales par rapport à l’augmentation des prix de l’énergie ?

Sylvain Lambert : Depuis la libéralisation du marché de l’énergie, EDF et GDF ont perdu le monopole de la fourniture d’énergie. Par conséquent, les collectivités territoriales ont été contraintes de ne pas rester sur le tarif régulé de l’électricité et du gaz. C’était le tarif bleu à l’époque, imposé par l’État aux opérateurs EDF et GDF. Les communes ont dû s’approvisionner sur le marché à travers des appels d’offres pour choisir leur fournisseur d’énergie. À partir de ce moment-là, le tarif de l’énergie dépend de l’appel d’offres rédigé et du contrat signé avec le fournisseur. La problématique de l’inflation sur les produits énergétiques est donc très variable d’une commune à l’autre en fonction du contrat d’énergie signé. Elles sont plus ou moins impactées par l’augmentation du prix de l’énergie. Certains contrats fixent le prix annuellement, d’autres ponctuent le tarif sur le prix du marché. Il n’y a pas une règle. En 2022, certaines communes s’en sont sorties correctement. D’autres ont rencontré des difficultés.

Actu-Juridique : Comment les communes rurales des Yvelines vivent-elles cette conjoncture ?

Sylvain Lambert : Dans les Yvelines, nous avons la chance d’avoir le Syndicat de l’énergie des Yvelines (SEY 78), qui regroupe 201 communes et dont les prémisses remontent aux années 90. Cet établissement public intercommunal est un groupement d’achat pour l’électricité et le gaz. En adhérant à cet organisme, les communes ne font pas d’appel d’offres. Le SEY s’occupe de cette tâche et permet aux communes d’obtenir des prix négociés de l’électricité et du gaz. Sur l’année 2022, les communes adhérentes au SEY ont bénéficié de la garantie du prix fixé au 1er janvier. La situation a été plus compliquée pour les communes en dehors de ce syndicat mixte. Tout dépend de leur contrat avec leur fournisseur d’énergie. Mais la majorité des communes sont adhérentes au SEY. Il reste une cinquantaine de collectivités qui n’ont pas intégré cet organisme. En général, ce sont des villes importantes qui ont l’ingénierie nécessaire pour construire les appels d’offres. Aujourd’hui, les procédures sont tellement complexes au niveau réglementaire qu’il faut plusieurs personnes administratives pour gérer et être en conformité. Les communes rurales ont souvent un personnel administratif réduit. Elles ont donc intérêt à se réunir au sein d’un syndicat pour bénéficier des compétences et du savoir-faire nécessaires pour passer des appels d’offres.

Actu-Juridique : Par conséquent en 2022, vous n’avez rencontré aucune augmentation de prix de l’énergie ?

Sylvain Lambert : Exactement, les communes rurales adhérentes aux SEY n’ont pas subi de hausse des prix de l’énergie. C’est un véritable bouclier tarifaire. Dernièrement, j’ai rencontré le directeur de la Direction départementale des finances publiques (DDfip). Nous avons échangé sur le nombre de communes qui ont bénéficié d’acompte dans le cadre du bouclier énergétique du gouvernement. Dans les Yvelines, nous sommes en dessous du seuil de 15 municipalités. L’impact de hausse des prix de l’énergie sur les budgets 2022 des collectivités territoriales est maîtrisé.

Actu-Juridique : À l’heure actuelle, que représentent les coûts liés à l’énergie dans le budget global d’une commune rurale ?

Sylvain Lambert : En moyenne, pour une commune rurale, les fluides c’est-à-dire l’électricité, le gaz et le fioul représentent entre 5 et 10 % du budget de fonctionnement d’une commune rurale. L’impact peut être plus ou moins important en fonction des solutions énergétiques utilisées pour le chauffage et l’éclairage. Vous avez rarement des équipements et des infrastructures lourdes en zone rurale comme des gymnases ou des piscines qui sont consommateurs d’énergie. Une commune rurale typique doit chauffer sa mairie, son école et sa salle polyvalente. Cette dernière infrastructure sert parfois de gymnase ou de salle des fêtes. Enfin, il peut y avoir aussi une bibliothèque. Ce sont donc des équipements communaux de moindre importance. Par exemple, dans ma commune de Rochefort-en-Yvelines, j’ai une dizaine de bâtiments publics dont l’église et plusieurs salles dédiées aux associations.

Actu-Juridique : Vous êtes actuellement en train de préparer les budgets 2023. Comment anticipez-vous la conjoncture inflationniste qui va se poursuivre en 2023 ?

Sylvain Lambert : Nous nous basons sur des estimations pour construire le budget 2023, à partir d’études réalisées par différents cabinets d’expertise sur le prix de l’énergie. Aujourd’hui, nous partons sur des hypothèses d’une hausse de 300 % pour l’électricité et sur une augmentation de 620 % pour le gaz. Ensuite, il y a une spécificité pour les communes rurales concernant l’électricité. Le gouvernement a autorisé certaines communes, qui ont des abonnements inférieurs ou égaux à 36 kilowatts ou des exécutions budgétaires de fonctionnement inférieures à 2 M€, à repasser en tarif régulé. Ces communes souvent rurales vont pouvoir bénéficier du même bouclier énergétique que les particuliers c’est-à-dire une hausse maximale de 15 % du prix actuel régulé. Dans le cadre du syndicat d’énergie des Yvelines (SEY 78), nous achetons actuellement le kilowattheure deux fois moins cher que le prix régulé, fixé à 0,18 € hors taxe. Aujourd’hui, via le SEY 78, ces communes payent 0,09 € le kilowattheure. La hausse en 2023 sera donc d’un peu plus de 200 %. Mais nous restons très vigilants. Enfin, l’exécution des budgets sera un autre problème à gérer durant l’année.

Actu-Juridique : Nous avons vu dans la presse que certaines communes ont réduit certains créneaux dédiés à des associations pour faire des économies d’énergie. Les communes rurales pourraient-elles prendre ce type de décision ?

Sylvain Lambert : Nous réfléchissons aujourd’hui sur le scénario où le coût de l’énergie ne serait plus acceptable. À ce moment-là, nous nous poserons la question de continuer à chauffer certains bâtiments publics. Nous n’en sommes pas encore à prendre ce type de décision dans les communes rurales encore une fois grâce à l’adhésion au SEY. Concrètement, le prix de l’énergie payé en novembre ou en décembre sera le même qu’au mois de janvier 2022. Mais en décembre, nous avons commencé à discuter avec les associations et les usagers pour prendre des décisions sur la fourniture en énergie des espaces communaux. Ensuite, à l’heure actuelle, nous appliquons déjà une sobriété énergétique. Nous rappelons aux utilisateurs des bâtiments publics de modérer la température et la consommation d’électricité. Nous menons aussi une expérimentation d’extinction de l’éclairage public durant la nuit.

Actu-Juridique : Quelles sont les solutions structurelles envisagées dans le cadre de la consommation d’énergie des bâtiments publics des communes rurales ?

Sylvain Lambert : Nous avons déjà entamé depuis plusieurs années dans les communes rurales des réflexions sur la rénovation énergétique des bâtiments. Ce sujet n’est pas nouveau. Mais nous ne pouvons pas dire que la politique de l’État nous aide beaucoup. Il y a eu les fameux contrats de relance et de transition énergétique (CRTE). Quand les communes présentaient leur dossier en préfecture, on leur répondait qu’elles n’étaient pas assez importantes et qu’il fallait se regrouper. Plusieurs dispositifs ont été mis en place mais on nous répondait qu’on n’utilisait pas la bonne procédure. Quand vous réussissez à monter un projet à travers l’intercommunalité, il est parfois trop tard. C’est très symptomatique des mécanismes d’appel à projets de l’État où le délai est très court pour les communes rurales. Ensuite, il y a des spécificités concernant la ruralité. Nous avons un patrimoine bâti en général relativement ancien et qui ne se prête pas à la rénovation énergétique. Les travaux nécessaires doivent être réalisés sur-mesure avec des coûts supérieurs à la norme. Rénover un bâtiment du XVIIe siècle ce n’est pas la même chose qu’un bâtiment du XXe siècle. Ces spécificités ne sont pas prises en compte par nos gouvernants qui ont une vision très métropolitaine.

Actu-Juridique : Revenons sur le volet conjoncturel, face à cette inflation, est-ce que vous attendez plus de la part de l’État ?

Sylvain Lambert : Oui j’attends des aides de la part de l’État mais il faut aussi se poser la question de la décentralisation. Les collectivités subissent une recentralisation. Nous avions des libertés pour fixer les taux des impôts locaux. Aujourd’hui, l’État nous les enlève au fur et à mesure. Il doit financer des aides car il a retiré la liberté des collectivités locales de fixer les taux de prélèvement et donc les niveaux de recette. Ensuite, il y a une certaine intelligence territoriale. Regardez les communes adhérentes au SEY 78. Elles n’ont pas subi la hausse des prix de l’énergie. Quand l’État laisse faire les collectivités territoriales, elles savent trouver des solutions.

Actu-Juridique : Par rapport à ce que vous vous venez de dire, quel regard portez-vous sur la décentralisation actuelle ?

Sylvain Lambert : Aujourd’hui, au niveau communal, nous avons de nombreuses compétences. Le président de la République l’a rappelé lors de son intervention le 23 novembre dernier, devant 1 000 maires invités à l’Élysée. La commune est la seule collectivité territoriale à avoir encore toutes les compétences. Nous pouvons donc nous saisir de n’importe quel sujet. Mais se saisir de plusieurs sujets, sans avoir l’outil pour les financer, ce n’est pas possible. Dans ma commune de Rochefort-en-Yvelines, la dotation globale de fonctionnement (DGF) de l’État en 2012 était de 150 000 €. En 2022, elle est de 0 €. En 2012, il y a eu une décision de faire participer les collectivités territoriales à l’effort du redressement de la dette publique. De 2012 à 2017, l’enveloppe globale de la DGF a diminué. En 2017, l’enveloppe a été figée. Les communes s’attendaient à recevoir la même somme en 2018, 2019 et 2020. Mais une formule a été mise en place pour répartir les dotations différemment entre les collectivités. Les communes dites « riches » comme Rochefort-en-Yvelines ont vu leur dotation diminuer au fil des années. Aujourd’hui, c’est une centralisation : l’État contrôle tout et décide à qui il redistribue. Une partie de l’impôt local ne reste pas sur la commune. C’est-à-dire les prélèvements sur les propriétaires à travers la taxe foncière puisque la taxe d’habitation a été supprimée. Pour Rochefort-en-Yvelines, j’ai fait le calcul entre 2012 et 2018 les pertes de ressources financières de la commune avec la baisse de la DGF et l’augmentation de la péréquation atteignaient 1,5 M€. Je n’ai jamais reçu cette somme-là en subventions venant de l’État. La commune donne (perte de DGF et participation à la péréquation) plus d’argent qu’elle n’en reçoit. Aujourd’hui, la volonté de péréquation a atteint ses limites. On devrait conserver un principe de dotation par habitant (selon la strate du nombre d’habitant) et fixer les taux en fonction du potentiel financier de la commune. À ce sujet, je reste à disposition du législateur pour exposer cette idée. Pour répondre à votre question, la décentralisation c’est permettre aux élus locaux de s’organiser en fonction des logiques et de la vie de leur territoire et leur laisser les moyens financiers de mener les projets en accord avec leur territoire. Aujourd’hui ce n’est pas le cas.

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