La médiation environnementale, un outil au service de la transition écologique

Publié le 21/12/2022
environnement, nature, difficulté
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Le législateur encourage le recours aux modes alternatifs de règlement des litiges. L’émergence de contentieux relatifs au préjudice écologique constitue un terrain propice au développement de la médiation environnementale.

Des litiges relatifs à la protection de l’environnement commencent à être portés devant les juridictions civiles et pénales. Compte tenu de la technicité des procès environnementaux, le législateur a conféré à certains tribunaux une compétence particulière en matière de préjudice écologique ou encore de manquement au devoir de vigilance. La médiation environnementale constitue un mode alternatif de règlement à ces litiges naissants. Ce type de médiation aura certainement vocation à se développer dans les années à venir.

Contexte

Concilier les parties est l’une des prérogatives du juge et constitue l’un des principes directeurs du procès1. Face à l’engorgement des juridictions, le législateur encourage le développement des modes alternatifs de résolution des litiges. Six articles de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative ont encadré la médiation. Plusieurs textes sont venus depuis amender le régime de la médiation2. Plus récemment, l’article 45 de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire a institué un Conseil national de la médiation. Le décret n° 2022-1353 du 25 octobre 2022 précise l’organisation, les moyens, les modalités de fonctionnement et la composition du Conseil national de la médiation. Le décret n° 2022-245 du 25 février 2022 a par ailleurs apporté des modifications au titre IV du livre Ier du Code de procédure civile. Le décret consacre notamment l’injonction à la médiation. Il prévoit en outre expressément la possibilité d’ordonner une médiation devant la Cour de cassation.

Le recours aux modes alternatifs de résolution des litiges reste toutefois encore marginal. Le rapport sur les États généraux de la justice, remis au président de la République le 8 juillet 2022, recommande la mise en œuvre d’une politique davantage volontariste concernant l’usage de la médiation. Ces travaux devraient se traduire prochainement par des dispositions législatives au sein du projet de loi pour la programmation de la justice.

Le cadre de la médiation

En matière civile, le juge saisi d’un litige peut, après avoir recueilli l’accord des parties, ordonner une médiation. Le médiateur désigné par le juge a pour mission d’entendre les parties et de confronter leurs points de vue pour leur permettre de trouver une solution au conflit qui les oppose. La médiation peut également être ordonnée en cours d’instance par le juge des référés3. Elle porte sur tout ou partie du litige. En aucun cas elle ne dessaisit le juge, qui peut prendre à tout moment les autres mesures qui lui paraissent nécessaires4. La durée initiale de la médiation ne peut excéder trois mois à compter du jour où la provision à valoir sur la rémunération du médiateur est versée entre les mains de ce dernier. Cette mission peut être renouvelée une fois, pour une même durée, à la demande du médiateur5. La médiation peut être confiée à une personne physique ou à une personne morale. Si le médiateur désigné est une personne morale, son représentant légal soumet à l’agrément du juge le nom de la ou des personnes physiques qui assureront, au sein de celle-ci et en son nom, l’exécution de la mesure6. À l’expiration de sa mission, le médiateur informe par écrit le juge de ce que les parties sont ou non parvenues à trouver une solution au conflit qui les oppose7.

La médiation et le préjudice écologique

La loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 a consacré au sein des articles 1246 et suivants du Code civil un préjudice écologique. Est réparable le préjudice écologique consistant en une atteinte non négligeable aux éléments ou aux fonctions des écosystèmes ou aux bénéfices collectifs tirés par l’homme de l’environnement8.

L’action en réparation du préjudice écologique est ouverte à toute personne ayant qualité et intérêt à agir, telle que l’État, l’Office français de la biodiversité, les collectivités territoriales et leurs groupements dont le territoire est concerné, ainsi que les établissements publics et les associations, agréées ou créées depuis au moins cinq ans à la date d’introduction de l’instance, qui ont pour objet la protection de la nature et la défense de l’environnement9.

La réparation du préjudice écologique s’effectue par priorité en nature. En cas d’impossibilité de droit ou de fait ou d’insuffisance des mesures de réparation, le juge condamne le responsable à verser des dommages et intérêts, affectés à la réparation de l’environnement, au demandeur ou, si celui-ci ne peut prendre les mesures utiles à cette fin, à l’État10.

L’évaluation du préjudice tient compte, le cas échéant, des mesures de réparation déjà intervenues, en particulier dans le cadre de la mise en œuvre du titre VI du livre Ier du Code de l’environnement.

La technicité du procès environnemental pose la question de la spécialisation de certaines juridictions. La loi n° 2020-1672 du 24 décembre 2020 relative au parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée a ainsi conféré à certains tribunaux judiciaires une compétence spécifique en matière de préjudice écologique. Un tribunal judiciaire spécialement désigné11 connaît en effet dans le ressort de chaque cour d’appel :

1) des actions relatives au préjudice écologique fondées sur les articles 1246 à 1252 du Code civil ;

2) des actions en responsabilité civile prévues par le Code de l’environnement ;

3) des actions en responsabilité civile fondées sur les régimes spéciaux de responsabilité applicables en matière environnementale résultant de règlements européens, de conventions internationales et des lois prises pour l’application de ces conventions.

L’article D. 211-10-4-1 du Code de l’organisation judiciaire, issu du décret n° 2021-286 du 16 mars 2021, dresse la liste des juridictions compétentes en matière de préjudice écologique.

Le contentieux relatif au préjudice écologique se prête certainement à un usage de la médiation, pour tenter de concilier les parties, conduisant à une éventuelle réparation en nature. Un accord, plutôt que la tenue d’un procès, est susceptible de rendre plus rapide la mise en œuvre d’opérations de restauration des milieux naturels.

Le fondement du préjudice écologique peut également être utilisé devant les juridictions administratives et pénales. Dans l’affaire du siècle, le tribunal administratif de Paris a par exemple jugé sur le fondement de l’article 1246 du Code civil que l’État a commis une faute en ne se montrant pas capable de tenir ses engagements de réduction de gaz à effet de serre12.

Le recours à la médiation est également prévu en matière de justice administrative13. En matière pénale, le procureur de la République peut également déléguer un médiateur dans certains cas14.

Le devoir de vigilance des sociétés mères, un terrain propice à la médiation

La loi du 27 mars 2017 constitue le pilier du devoir de vigilance. Toute société qui emploie, à la clôture de deux exercices consécutifs, au moins cinq mille salariés en son sein et dans ses filiales directes ou indirectes, doit en effet établir et mettre en œuvre de manière effective un plan de vigilance, qui est rendu public.

L’article L. 225-102-4 du Code de commerce prévoit que le plan doit comporter les mesures de vigilance raisonnable propres à identifier les risques et à prévenir les atteintes graves envers les droits humains et les libertés fondamentales, la santé et la sécurité des personnes ainsi que l’environnement.

Dans les conditions prévues aux articles 1240 et 1241 du Code civil, le manquement aux obligations définies à l’article L. 225-102-4 du même code engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice que l’exécution de ces obligations aurait permis d’éviter. L’action en responsabilité est introduite devant la juridiction compétente par toute personne justifiant d’un intérêt à agir à cette fin. La juridiction peut ordonner la publication, la diffusion ou l’affichage de sa décision ou d’un extrait de celle-ci, selon les modalités qu’elle précise. Les frais sont supportés par la personne condamnée. La juridiction peut ordonner l’exécution de sa décision sous astreinte.

Le régime des sanctions pécuniaires a été retoqué lors de l’examen par le Conseil constitutionnel de la loi relative au devoir de vigilance. Cette inconstitutionnalité pose la question des sanctions encourues par les entreprises15. Le régime de sanctions devra ainsi être précisé par le législateur dans le cadre de la transposition de la future directive sur le devoir de vigilance actuellement débattue au niveau européen.

L’article 56 de la loi pour la confiance dans l’institution judiciaire a par ailleurs conféré une compétence exclusive au tribunal judiciaire de Paris en matière de contentieux initié sur le fondement du manquement au devoir de vigilance des sociétés mères.

Des mises en demeure sont de plus en plus régulièrement délivrées par des ONG et plusieurs contentieux judiciaires sont par ailleurs en cours sur le fondement du manquement au devoir de vigilance. Des médiations sont parfois proposées par les magistrats en charge de ces affaires complexes. Compte tenu de l’extrême technicité de la matière (droit des sociétés, droit de l’environnement, droits humains), le recours à la médiation apparaît certainement la voie la plus appropriée, afin que le contenu du plan de vigilance soit mieux compris et mieux appréhendé par l’ensemble des parties prenantes. La médiation permet aussi de clarifier certaines positions des parties à l’instance et d’apaiser les éventuelles tensions. Elle suppose naturellement d’être acceptée en son principe par l’ensemble des parties, lesquelles préfèrent parfois la tenue effective du procès.

La médiation étatique, un outil de démocratie environnementale

La sphère étatique n’est par ailleurs pas exclue du domaine de la médiation. En matière environnementale, l’État a évidemment un rôle central à jouer. Des tensions sont apparues au cours des dernières années entre les propriétaires de moulins qui produisent de l’hydroélectricité, l’État, et des ONG qui estiment que les moulins à eau sont susceptibles de constituer des obstacles à la continuité écologique des cours d’eau. L’article 89 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 a ainsi prévu, à titre expérimental et pour une durée de quatre ans à compter de sa promulgation, d’instituer un médiateur de l’hydroélectricité, chargé d’aider à rechercher des solutions amiables, non obligatoires et non contraignantes, aux désaccords constatés dans l’instruction et la mise en œuvre des projets d’installations hydrauliques relevant du régime de l’autorisation ou aux difficultés rencontrées dans l’exploitation de telles installations. Le décret n° 2022-945 du 28 juin 2022 prévoit que le médiateur de l’hydroélectricité, institué à titre expérimental par la loi Climat, intervient sur le périmètre géographique de la région Occitanie.

En conclusion, la médiation environnementale est un outil juridique aux multiples facettes. Elle a pour objet de concilier les parties et contribue, en cas d’issue positive, à une réparation rapide et en nature du préjudice écologique. Elle tend plus largement à favoriser la préservation de la biodiversité et de l’environnement. Les magistrats et les parties s’approprieront peut-être davantage à l’avenir cet instrument juridique alternatif à la tenue du procès, mis à leur disposition dans l’intérêt général.

Notes de bas de pages

  • 1.
    CPC, art. 21.
  • 2.
    L. n° 2019-222, 23 mars 2019, art. 3, 4, 22, de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice ; L. n° 2016-1547, 18 nov. 2016, art. 75 et 76, de modernisation de la justice du XXIe siècle ; Ord. n° 2011-1540, 16 nov. 2011.
  • 3.
    CPC, art. 131-1.
  • 4.
    CPC, art. 131-2.
  • 5.
    CPC, art. 131-3.
  • 6.
    CPC, art. 131-4.
  • 7.
    CPC, art. 131-11.
  • 8.
    C. civ., art. 1247.
  • 9.
    C. civ., art. 1248.
  • 10.
    C. civ, art. 1249.
  • 11.
    COJ, art. L. 211-20.
  • 12.
    TA Paris, 3 févr. 2021, nos 1904967, 1904968, 1904972 et 1904976/4-1.
  • 13.
    CJA, art. L. 213-1 et s. ; CJA, art. R. 213-1 et s.
  • 14.
    CPP, art. 41-1.
  • 15.
    O. Buisine, « Entreprise : quelles sanctions en cas de manquement au devoir de vigilance ? », LPA 31 août 2022, n° LPA201s2 ; O. Buisine, « Devoir de vigilance : avancées et perspectives », BJS avr. 2022, n° BJS200w8.
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