Le droit international de l’environnement : la difficile responsabilité des États

Publié le 22/02/2023
porte-avions, port
Josiah.S/AdobeStock

Le droit international de l’environnement est une composante de nombreux droits qui voient leur applicabilité limitée, venant à rendre difficile la possibilité de retenir une responsabilité envers les États qui ne respectent pas les règles. En matière de ventes internationales d’armement, des clauses environnementales pourraient, selon la puissance des États parties, être une solution pour protéger l’environnement de la fin de vie des aéronefs, navires ou véhicules par le démantèlement et le recyclage des matériaux. La recherche d’alternatives doit être privilégiée sur le sabordage d’un porte-avions, envoyant par le fond dix tonnes d’amiante.

Le 3 février 2022, le Brésil a pris la décision de couler le porte-avions Foch, vendu par la France dans les années 2000. Cette décision, critiquée par les organisations non gouvernementales protectrices de l’environnement, suscite néanmoins plusieurs remarques du point de vue du droit international public.

La COP 15 a une fois de plus alerté les 196 États membres présents de l’urgence climatique, en proposant des objectifs à atteindre. Néanmoins, alors que les États ont la capacité de fournir des moyens pour mettre en œuvre différentes mesures permettant de préserver la biodiversité, sécuriser les installations à risques ou adapter les consommations énergétiques selon les besoins réels, la simple mésentente des différents pays conduit à un blocage institutionnel. Le Brésil n’est pas exempt de responsabilité dans cette situation, en ce qu’il a, à plusieurs reprises, opposé aux autres États ses exigences, venant à bloquer le processus de ratification.

30 %. Voici le chiffre officiel de sauvegarde de la biodiversité mondiale. Ce qui semble être si peu est en réalité une difficulté pour chaque État membre. La question demeure en effet de la contribution de chacun au respect des règles mises en place par l’engagement de la COP, dont, il faut le rappeler, les États-Unis ont considéré comme essentiel le boycott. La logique juridique appliquerait dès lors le principe de proportionnalité, à savoir que chaque État membre ne doit pas protéger 30 % de sa propre biodiversité, mais doit offrir la protection la plus effective calculée selon les kilomètres carrés des terres lui appartenant ainsi que la surface de ses eaux territoriales.

I – Une impossible responsabilité du Brésil

La Cour internationale de justice (CIJ) est une institution internationale qui voit sa compétence en matière environnementale accroître et ce, à juste titre, par souci de contraindre les États qui ont ratifié le traité à répondre à des obligations en matière environnementale. Cette compétence, bienvenue en principe, reste néanmoins critiquable car elle est limitée, du moins dans son champ contentieux, par une saisine de la part des États entre eux1. Il est évident qu’en matière d’avis consultatif, la compétence est élargie, en ce que la force obligatoire d’un avis consultatif est moindre a contrario du contentieux, qui a vocation à finir en jurisprudence internationale.

Mais alors, que faire ? La limite du droit international de l’environnement vient en réalité de se révéler. Dès lors que la Cour internationale de justice voit sa compétence en matière environnementale se développer, il serait possible d’ajouter au traité international un protocole qui conférerait à des organisations non gouvernementales, comme des associations privées d’intérêt général, la qualité à agir à l’encontre d’un État dans des circonstances qui doivent, néanmoins, être encadrées.

Ouvrir cette possibilité pourrait laisser apparaître un niveau record de recours qui, à bien des égards, pourraient être abusifs. Il est évident que le reproche fait aux États est l’inaction. Mais comment leur donner tort, dès lors que le président de la République française, dans ses vœux du 1er janvier 2023, a déclaré que la crise environnementale n’était pas prévisible et ce malgré plusieurs rapports GIEC ? La saisine, pour être effective, devrait résulter dès lors d’un manquement aux objectifs que l’État a décidé de signer et de ratifier. Cela pourrait imposer une force obligatoire plus importante des sommets et des objectifs mis en œuvre dans ce cadre-là, glissant d’une obligation de moyen vers une obligation de résultat.

La question pourrait néanmoins se résoudre par le lieu du dommage. En effet, dans le cas d’espèce, le Brésil a fait couler le Foch à 300 kilomètres de la côte, soit dans sa zone économique exclusive (ZEE)2. Or, le droit international public ne donne qu’une exclusivité d’exploitation économique. Dès lors qu’un fait délictuel se produit dans les eaux non-territoriales, serait-il possible, par champ de compétence élargie, à n’importe quel État intéressé de pouvoir saisir la Cour internationale de justice ? Cela pourrait être envisageable, sans pour autant être opportun en l’espèce. Quand bien même la saisine serait possible, les relations diplomatiques en seraient néanmoins fortement impactées.

Il suffit, à la lecture des différentes réactions, de constater l’absence d’entraide internationale concernant le démantèlement du Foch, sauf un accord de principe de la Turquie qui, après avoir considéré la dangerosité environnementale, s’est ravisée. Il doit être rappelé que le Brésil est un pays en voie de développement qui, de ce fait, n’a pas nécessairement les moyens, tant matériels qu’humains, de construire un site de démantèlement qui soit à la fois conforme aux exigences de sécurités pour les employés et qui permettrait d’accueillir un porte-avions d’une envergure massive. Dès lors, le silence des Nations souveraines a contribué à l’apparition d’un préjudice environnemental qui est sans précédent.

Sans précédent, mais pourquoi ? La destruction de la faune et de la flore sous-marine sera conséquente à long terme. En effet, ce sont près de 10 tonnes d’amiante qui se retrouvent au fond de l’eau et une décomposition de l’épave du navire qui durera plusieurs siècles. C’est également le départ ou la mort d’espèces vivantes sous-marines.

Il faut alors rechercher une protection efficace de l’environnement en amont.

II – Une protection de l’environnement en amont : une responsabilité environnementale contractuelle ?

La France a contracté avec le Brésil dans les années 2000 aux fins de vendre son porte-avions Foch en l’état. Il doit être rappelé que ce navire datait de la fin des années 1950. Le Brésil ne pouvait ignorer la vétusté due à l’ancienneté de ce navire et sa durée de vie, qui nécessairement était limitée. Le pays a même procédé à des tentatives de réhabilitation.

Néanmoins, la question demeure en suspens mais la réponse est en réalité évidente : existait-il une clause permettant de prendre en compte la dangerosité environnementale ?

En effet, l’apparition de cette clause est de plus en plus importante en droit interne, notamment dans le cadre des contrats publics3. À titre d’exemple, il convient de rappeler la prise en compte des « considérations environnementales » dans l’exécution des marchés publics en droit interne4, comme objectif et obligation de moyen, mais non de résultat.

Alors que le droit contractuel privé s’européanise et voit apparaître une fondamentalisation du droit des contrats, la réparation aux atteintes environnementales pourrait être de l’ordre du droit international public contractuel, qui serait enclin à réparer un dommage causé par la violation du principe de précaution, qui pourrait être un élément essentiel de la signature d’un contrat international.

En effet, il pourrait être opportun, dans les contrats de ventes, notamment lorsqu’il s’agit de véhicules terrestres, de navires ou d’aéronefs, d’insérer une annexe provenant d’une expertise effectuée sur les risques environnementaux de ce bien, quantifiés, avec des propositions alternatives.

L’insertion d’une clause contractuelle imposant à l’État vendeur de prendre en charge l’entretien du matériel pourrait être un automatisme selon la qualité de l’État acheteur. En effet, au nom d’un solidarisme contractuel international, il pourrait être pertinent, dans un avenir proche, de proposer, selon que l’État est en voie de développement ou bien développé, des clauses proposant la destruction du bien ou le démantèlement selon le respect des considérations écologiques.

De ce fait, en cas d’absence de mise en œuvre de cette dite clause, l’État vendeur ou acheteur pourrait se retrouver responsable du dommage environnemental lié à la destruction de la chose.

Ainsi, des solutions au niveau international existent. Les États doivent faire preuve de solidarité, l’environnement étant une obligation qui transcende toutes les préoccupations des États-nations.

Notes de bas de pages

  • 1.
    V. Charte des Nations Unies, art. 34, § 1.
  • 2.
    En vertu des articles 56 et 57 de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer de 1982.
  • 3.
    V. not. CCP, art. L2111-1.
  • 4.
    L. n° 2021-1104, 22 août 2021, art. 35, II, 3°, loi Climat et résilience.
Plan
X