Les enjeux de la rénovation énergétique

Publié le 05/12/2023
Les enjeux de la rénovation énergétique
Zigmunds/AdobeStock

Paris se caractérise par un parc immobilier ancien, avec de très nombreux biens réputés énergivores. Les enjeux en matière de rénovation énergétique y sont donc prégnants, y compris en termes d’accès au logement.

La rénovation énergétique des logements est une priorité nationale. Rénover l’ensemble du parc résidentiel au niveau BBC pour 2050 correspond à un effort de massification de grande ampleur. À Paris, ces travaux sont à la fois particulièrement nécessaires et difficiles à mettre en œuvre. « Or les ménages n’ont pas tous les mêmes capacités financières à engager des travaux, et certains ont basculé dans la précarité énergétique. Parallèlement, certains bâtiments présentent des facilités techniques pour leur rénovation, permettant d’appliquer des solutions similaires à un grand nombre d’immeubles, quand d’autres présentent des contraintes techniques et patrimoniales », souligne une étude récente de l’Institut Paris Région (l’Institut Paris Région, « Rénovation énergétique des logements : pourquoi ça patine ? », avril 2023).

Un parc immobilier ancien et théoriquement énergivore

D’après une étude Insee/Apur de juin 2022, à Paris, 567 000 résidences principales ont un diagnostic de performance énergétique (DPE) classé E, F ou G. Ce chiffre représente plus de la majorité des logements du parc parisien de résidences principales (Insee/Apur, « À Paris, des enjeux de rénovation énergétique très forts pour plus de la moitié des logements », juin 2022). Ce chiffre est très supérieur à ceux relevés au niveau national, on relève seulement 41 % de biens portant des étiquettes énergie E, F ou G. En effet, les constructions récentes, dont les performances énergétiques sont meilleures, sont moins fréquentes dans la capitale : la part des logements construits après 1975 représente seulement 21 % du parc total, contre 42 % dans l’ensemble de la région francilienne. Les logements les moins performants sur le plan énergétique sont surreprésentés dans le parc privé. Au sein de ce parc, 58 % des logements affichent une performance énergétique classée E, F ou G. Le constat est inverse dans le parc social. Dans certains arrondissements au centre de Paris, ainsi que dans les Xe, XIe et XVIIIe, les diagnostics E, F ou G concernent plus de 60 % des résidences principales du parc privé. Enfin, les passoires thermiques, ces biens les plus énergivores classés F ou G, sont particulièrement nombreux dans la capitale : on en recense 326 000.

Un parc immobilier faiblement consommateur d’énergie

Cependant, le parc parisien apparaît particulièrement peu consommateur en énergie. La dépense annuelle moyenne de chauffage par logement et par habitant y est l’une des plus faibles de France. « Qu’il soit propriétaire ou locataire, un Parisien consomme en moyenne environ 5 400 kWh d’énergie finale par an (chauffage, eau chaude, cuisson, éclairage, appareils consommant de l’électricité) contre 6 400 kWh pour un Francilien. Cet écart de près de 20 % s’explique en particulier par la taille moyenne des logements à Paris, plus faible qu’à l’échelle régionale voire nationale : 59 m² contre 75 m² en Île-de-France et 91 m² en France métropolitaine », souligne l’étude Insee/Apur de juin 2022. La qualité du bâti parisien explique en grande partie ses chiffres. Les logements du parc immobilier ancien, construits avant 1948, se révèlent plus performants qu’on ne le croit. « En hiver, leur compacité les protège des aléas climatiques comme le vent et, en été, les maçonneries lourdes avec une bonne inertie thermique participent à garder la fraîcheur de l’habitat. Ces caractéristiques, plutôt favorables aux économies d’énergie, contrebalancent quelque peu les difficultés de rénovation attachées aux logements anciens, notamment sur les façades », analyse l’étude Insee/Apur de juin 2022. A contrario, les consommations d’énergie sont plus importantes dans les logements construits entre 1948 et 1975, mais ceux-ci sont plus faciles à rénover. En effet, « l’utilisation du béton armé comme matériau de construction ou la généralisation des baies vitrées dans ces logements entraînent des déperditions de chaleur, mais les rénovations peuvent s’effectuer aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur. Le remplacement de chaudières, de vitrages, de la ventilation ou l’utilisation d’un meilleur isolant permettraient aussi de réduire significativement leur consommation énergétique ». À ces paramètres s’ajoute également un autre facteur, le lien entre le niveau de revenus du foyer et la consommation d’énergie. Les consommations des Parisiens sont ainsi nettement plus élevées dans les quartiers des arrondissements où les ménages disposent de revenus supérieurs à la moyenne parisienne, notamment des arrondissements de l’ouest parisien, en particulier dans les VIIIe et XVIe arrondissements. Autant de paramètres qui décorrèlent les factures énergétiques de l’étiquetage DPE des logements, établi à partir d’une modélisation des consommations énergétiques théoriques en fonction des caractéristiques des logements (taille, époque et matériau de construction, mitoyenneté, etc.).

Une menace pour le parc locatif privé ?

Jusqu’à présent, ces étiquettes DPE avaient peu d’impact sur l’achat ou la location d’un logement. La loi dite Climat et Résilience de 2021 a changé la donne. En effet, elle a mis en place un calendrier progressif d’interdiction à la location des biens classés, F et G. À partir de 2025, les interdictions de mise en location concernent potentiellement 203 150 logements locatifs privés parisiens, soit 43 % de l’ensemble des logements locatifs privés, puis à partir de 2034, 105 180 logements locatifs privés. Cette nouvelle réglementation constitue un enjeu majeur pour l’évolution de l’offre locative dans la capitale. 308 300 ménages, soit 443 200 locataires du parc privé sont concernés. Il s’agit en grande majorité de personnes seules (62 %) ou des couples sans enfant (20 %). La moitié de ces foyers dispose de revenus assez faibles. « Cela signifie que, si leurs propriétaires bailleurs ne souhaitent pas ou ne peuvent pas effectuer les travaux nécessaires, ces ménages rencontreraient des difficultés à louer un logement plus performant à un niveau de loyer équivalent dans la capitale », souligne l’étude Insee/Apur.

Des freins à lever

Or les freins à ces rénovations sont connus. Pour nombre de propriétaires, les rénovations nécessaires à la mise en conformité sont coûteuses. Les professionnels estiment le coût moyen de ces travaux à un peu plus de 300 euros/m2. Mais en fonction des postes budgétés, la facture finale peut varier. Ainsi l’isolation des combles par l’intérieur s’avère généralement peu coûteuse : à peu près 60 euros/m2. C’est également un geste efficace car d’après les chiffres de l’ADEME, 30 % des déperditions de chaleurs se font par les combles. En revanche, l’isolation des murs par l’extérieur, qui représentent, quant à elles, la deuxième source de déperdition de chaleur (25 %), demande un budget plus significatif : près de 200 euros par m2. Les opérations de rénovations énergétiques sont également difficiles à mettre en œuvre sur le plan technique, notamment pour les immeubles anciens détenus en copropriété. Certes, le législateur a prévu un régime d’exception pour les logements en copropriété dont les copropriétaires concernés peuvent démontrer que la réalisation des travaux ne permet pas d’atteindre un niveau de performance minimal comme pour les logements soumis à des contraintes architecturales ou patrimoniales qui font obstacle à l’atteinte de ce niveau de performance minimal. Cependant, d’après une étude de la Fédération nationale de l’immobilier (Fnaim), seuls 32 % des propriétaires bailleurs envisagent d’effectuer les travaux nécessaires. 26 % d’entre eux prévoient de se séparer de leurs biens et 6 % de le réserver à de la location saisonnière. On assiste donc à un choc d’offre de biens énergivores. Ainsi en 2021, le volume de passoires thermiques mis en vente a augmenté de 7,7 %, d’après une étude réalisée conjointement par les plateformes: www.meilleursagents.com et www.seloger.fr.

Les aides à la rénovation énergétique

En complément des aides nationales, la Ville de Paris a lancé, depuis 2016, un programme « Éco-Rénovons Paris » pour encourager la rénovation énergétique et environnementale des immeubles d’habitation. Cette démarche favorise un accompagnement personnalisé et gratuit des copropriétaires vers la rénovation énergétique et environnementale par des conseillers spécialisés de l’Agence Parisienne du Climat (APC). Depuis 2016, plus de 10 000 logements ont été rénovés dans le cadre de ce dispositif. En octobre 2022, la Ville de Paris a lancé un dispositif dédié aux copropriétés, Éco-Rénovons Paris+. L’objectif est de permettre la rénovation de 22 500 logements privés sur l’ensemble de la mandature. Actuellement, seuls les travaux simples de rénovation énergétique (changement du système de chauffage, remplacement des fenêtres, etc.) sont menés massivement par les propriétaires concernés. Le bilan 2021 de MaPrimeRénov’ le montre : sur 644 073 dossiers financés en 2021, 19 % seulement étaient des dossiers « multi-gestes ». Les opérations de rénovation globale et performante ne se réalisent que ponctuellement, et souvent grâce à une mobilisation importante de moyens techniques et financiers de la part des pouvoirs publics locaux. C’est pourquoi, le gouvernement a prévu, de recentrer à compter du 1er janvier 2024 le dispositif MaPrimeRénov’ sur les opérations de rénovations globales. Les travaux réalisés devront permettre de gagner au moins deux classes sur le DPE. Le taux de prise en charge des travaux pourra atteindre 90 % pour les revenus les plus modestes. Le plafond de prise en charge des travaux sera doublé pour passer de 35 000 euros à 70 000 euros pour les rénovations les plus performantes, permettant de gagner quatre classes au DPE. Le montant de l’aide à l’installation de pompes à chaleur air/eau géothermiques sera multiplié par deux, passant à 2 000 euros pour les ménages aux revenus modestes et intermédiaires, à condition que leur logement soit initialement classé entre A et E. Le dispositif sera étendu aux travaux permettant d’atteindre un confort d’été. Un sujet sensible à Paris. Des vagues de chaleurs plus fréquentes dans cet habitat citadin vulnérable constituent un risque sanitaire majeur pour les années à venir. Paris est particulièrement concerné par l’augmentation des phénomènes d’îlot de chaleur urbain (ICU). Activité humaine, déficit de végétalisation, sol bitumeux, hauteur et densité du bâti : lors des périodes de forte chaleur, Paris affiche en moyenne des température jusqu’à 6°C plus élevées que dans les campagnes franciliennes, d’après les données du Centre national de recherches météorologiques (CNRM). Enfin, l’accompagnement par Mon Accompagnateur Rénov’, devient obligatoire dans tous les dossiers.

Plan
X