L’application des règles de départage pour l’inscription en premier cycle prévues à l’article L. 612-3 du Code de l’éducation

Publié le 10/12/2021
Parcoursup, choix, étudiants
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Si les dispositions de l’article L. 612-3 du Code de l’éducation qui sont spécifiques à la procédure nationale de présélection (Parcoursup) ne s’appliquent qu’à la première année du premier cycle, les paragraphes III et IV de l’article L. 612-3 relatifs aux capacités d’accueil et aux critères de départage des candidats s’appliquent à toutes les formations du premier cycle. L’application des règles de départage appelle un contrôle restreint du juge de l’excès de pouvoir.

La présente étude est née d’une interrogation sur le point de savoir si l’article L. 612-3 du Code de l’éducation s’applique non seulement à l’inscription dans les formations initiales du premier cycle de l’enseignement supérieur, mais à toutes les formations de premier cycle, y compris, notamment, en deuxième et troisième année de licence. Cette question est plus délicate qu’il pourrait y paraître de prime abord, car elle renvoie à une réelle ambiguïté dans la rédaction de l’article L. 612-3 du Code de l’éducation qui résulte de la loi n° 2018-166 du 8 mars 2018 relative à l’orientation et à la réussite des étudiants. D’une part, alors qu’il est inséré dans une section du code intitulée « Le premier cycle », cet article ne comporte aucune disposition énonçant formellement qu’il ne s’applique qu’à la première année du premier cycle ; au contraire, en plusieurs alinéas de l’article, le législateur s’est référé indistinctement aux « formations du premier cycle » ou à « une formation du premier cycle ». Mais, d’autre part, il apparaît difficile de faire abstraction du contenu et du contexte de ces dispositions qui constituent la réforme dite de « Parcoursup », laquelle a précisément pour objet de modifier les règles d’inscription en première année d’études supérieures au sortir du baccalauréat. À cela s’ajoute que si certaines dispositions particulières ne peuvent se concevoir clairement que pour la première année de licence, d’autres présentent un caractère plus général et une certaine autonomie à l’égard de Parcoursup. Pour notre part, nous estimons que cette question appelle des réponses différentes selon les paragraphes de l’article L. 612-3 précité (I), ce qui nous amènera à examiner plus spécialement les cas où les règles de départage sont susceptibles d’être appliquées, en deuxième ou troisième année de licence, en application du IV de l’article L. 612-3 (II), et, enfin, à déterminer le degré de contrôle que le juge de l’excès de pouvoir doit exercer en la matière (III).

I – Un champ d’application différencié selon les paragraphes de l’article L. 612-3 du Code de l’éducation

Certains paragraphes de l’article L. 612-3 sont exclusivement applicables aux formations initiales du premier cycle. Il ne nous paraît pas contestable que tous les paragraphes qui sont intrinsèquement et exclusivement liés à ce que le législateur nomme la « procédure nationale de présélection », autrement dit « Parcoursup », ne s’appliquent qu’à l’inscription en première année du premier cycle de l’enseignement supérieur : il s’agit, pour l’essentiel, des paragraphes I, II, V, VII et VIII.

Bien qu’une première lecture de la lettre de la plupart de ces dispositions semble autoriser une autre interprétation, plusieurs raisons incitent à opiner en ce sens.

Premièrement, l’objet et le contexte de cette réforme sont si peu douteux quant à ce point que c’est ce qui explique, sans doute, l’imprécision des dispositions de la loi à ce sujet, de même que celle des travaux préparatoires : notons néanmoins que l’avis du Conseil d’État sur le projet de loi relève qu’il est question d’« établir les conditions dans lesquelles les bacheliers peuvent être inscrits dans une formation du premier cycle de l’enseignement supérieur ».

Deuxièmement, les dispositions réglementaires d’application de cette « procédure nationale de préinscription », issues du décret n° 2018-172 du 9 mars 2018, se réfèrent expressément à la « procédure nationale de préinscription dans une formation initiale du premier cycle de l’enseignement supérieur mentionnée à l’article L. 612-3 », en précisant, en termes exprès, qu’il s’agit de l’inscription dans une « formation initiale », ce qui ne peut renvoyer qu’à la première année.

Troisièmement, par-delà ces dispositions réglementaires subordonnées, il est à remarquer que le Conseil constitutionnel, qui a été saisi deux fois de ces dispositions, en a toujours qualifié ainsi l’objet, en reprenant les mêmes termes que ceux du décret précité, en se référant aux « règles d’inscription dans les formations initiales du premier cycle de l’enseignement supérieur » (décisions nos2018-763 DC du 8 mars 2018, § 2 et 2020-834 QPC du 3 avril 2020, § 9).

Quatrièmement, malgré l’imprécision des termes de la loi, plusieurs dispositions supposent que la procédure nationale de préinscription s’applique seulement aux formations initiales : le I se réfère au dispositif d’information et d’orientation qui s’inscrit « dans le prolongement de celui proposé au cours de la scolarité du second degré » ; les V et VII comportent des dispositions prévoyant des pourcentages minimaux de places pour certaines catégories de « bacheliers ».

Enfin, comme l’accès en deuxième année d’une formation de premier cycle conduisant au diplôme national de licence est de droit pour les étudiants qui ont validé la première année de cette formation1, de même que l’accès en troisième année, l’application de Parcoursup à l’inscription dans les formations de ces deux années serait impossible pour la majeure partie des intéressés, sauf à remettre en cause cet accès de droit : c’est donc aussi l’économie générale de cette procédure nationale de préinscription qui apparaît incompatible avec un champ d’application aussi large.

D’autres paragraphes de l’article L. 612-3 du Code de l’éducation sont applicables à toutes les formations du premier cycle. Plus délicate est la question de savoir si certains autres paragraphes, pris isolément, ne pourraient pas se voir reconnaître un champ d’application commun à toutes les formations de premier cycle.

La question se pose surtout pour les paragraphes III et IV de l’article L. 612-3 relatifs aux capacités d’accueil et aux critères de départage des candidats qui sont applicables lorsque le nombre de ces derniers excède les capacités d’accueil.

Le III dispose que « les capacités d’accueil des formations du premier cycle de l’enseignement supérieur (…) sont arrêtées chaque année par l’autorité académique après dialogue avec chaque établissement ».

Et le IV que, « lorsque le nombre de candidatures excède les capacités d’accueil d’une formation, les inscriptions sont prononcées par le président ou le directeur de l’établissement dans la limite des capacités d’accueil, au regard de la cohérence entre, d’une part, le projet de formation du candidat, les acquis de sa formation antérieure et ses compétences, et, d’autre part, les caractéristiques de la formation ».

i) Commençons par le plus simple : les capacités d’accueil. Si des capacités d’accueil limitatives doivent être obligatoirement définies pour des formations initiales, on voit mal qu’il ne puisse y avoir ensuite plus aucune limite, en deuxième puis en troisième année. Ces dispositions nous paraissent donc nécessairement devoir s’appliquer à toutes les formations du premier cycle, sauf à priver de tout effet durable la procédure Parcoursup dès la deuxième année de licence. C’est ce que l’on peut d’ailleurs constater au vu des actes qui ont été rendus publics sur le site de certaines universités.

ii) Poursuivons avec le plus délicat : les règles de départage. Celles-ci ont été clairement prévues comme une pièce du dispositif de Parcoursup. L’on voit d’ailleurs que le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2020-834 QPC, apprécie la portée de ces règles en les combinant avec le régime de Parcoursup. Pour autant, les capacités d’accueil étant également limitées en deuxième et troisième années, comme on vient de le voir, un départage peut aussi être nécessaire au cours de ces années. Et comme ces règles de départage sont formellement prévues par les mêmes dispositions que celles qui prévoient les capacités d’accueil, l’on conçoit avec peine que ces dispositions puissent être, à un certain égard, applicables à toutes les années du premier cycle, et pas à un autre, alors que ces deux « égards » sont liés : la limitation des capacités d’accueil implique le départage.

En outre, ces dispositions présentent, dans leur contenu et dans leur objet, une autonomie certaine au regard de la procédure nationale de préinscription et peuvent être appliquées en dehors de cette procédure : elles sont donc susceptibles d’être appliquées, tantôt en combinaison avec Parcoursup, pour les formations initiales, tantôt de façon autonome, pour les formations ultérieures du premier cycle. Une telle possibilité n’est nullement exceptionnelle en droit, et n’est pas de nature à faire obstacle à l’interprétation que nous proposons.

Deux considérations doivent être ajoutées.

Une considération de principe d’abord : cette question met en cause l’exigence constitutionnelle d’égal accès à l’instruction, laquelle ne s’arrête pas au seuil du premier cycle, mais continue de s’appliquer au-delà de la première année. Or, les règles de départage que nous avons citées constituent une garantie légale de cette exigence d’égal accès (voir la décision n° 2018-763 DC du 8 mars 2018, § 5).

Une considération plus pratique, mais non moins juridique, ensuite, qui tient aux différents cas où un départage est susceptible d’être opéré.

II – Les différents cas où un départage est susceptible d’être opéré en deuxième ou troisième année de licence en application du IV de l’article L. 612-3

Ce point mérite un développement particulier pour éprouver ce que nous venons de dire au sujet du champ d’application des règles de départage.

Nous identifions a priori quatre catégories d’étudiants susceptibles de donner lieu à des départages en deuxième ou en troisième année de premier cycle :

  • (1) les étudiants qui ont validé la première ou deuxième année d’une formation de premier cycle conduisant au diplôme national de licence, sans préjudice de leur « accès de droit » en deuxième ou troisième année ;

  • (2) les étudiants qui viennent de la même formation, mais d’une autre université ;

  • (3) les étudiants qui viennent d’une autre formation, qu’elle soit interne ou externe à l’université (article 7 de l’arrêté du 30 juillet 2018 relatif au diplôme national de licence, s’agissant des dispositions actuelles, ou, précédemment, l’article 9 de l’arrêté du 1er août 2011) ;

  • (4) les candidats qui ont obtenu une validation d’études, expériences professionnelles ou acquis personnels en application des dispositions des articles D. 613-38 à D. 613-50 du Code de l’éducation.

Voyons en premier lieu les étudiants qui ont validé la première ou deuxième année d’une formation de premier cycle conduisant au diplôme national de licence. Comme nous l’avons dit, ces étudiants ont un accès de droit dans une formation de l’année supérieure. Tant s’en faut, néanmoins, qu’il n’y ait lieu à aucun départage, quoique ce dernier ne saurait préjudicier à cet « accès de droit ».

Il n’est pas inutile, à cet égard, de rappeler que « l’offre de formation conduisant au diplôme de licence est structurée, d’une part, en domaines et mentions, et, d’autre part, en parcours de formation qui permettent la spécialisation progressive des étudiants et la poursuite d’objectifs diversifiés », ainsi que l’énonce l’article 7 de l’arrêté du 30 juillet 2018 relatif au diplôme national de licence. Le 2° de l’article 9 du même arrêté dispose plus précisément que l’offre de formation doit permettre aux étudiants « de se spécialiser progressivement et de choisir leurs mentions et leurs parcours aussi bien en début de licence qu’au terme d’un ou plusieurs semestres ».

De l’ensemble de ces dispositions, qui s’inscrivent dans le cadre des dispositions de l’arrêté du 22 janvier 2014 fixant le cadre national des formations (notamment de ses articles 1er, 3 et 7), nous pensons devoir tirer deux conséquences :

  • la première, que c’est normalement le « parcours de formation » qui constitue l’unité de référence pour la définition des capacités d’accueil, au sein de chaque mention de chaque domaine ; et c’est la pratique que l’on peut constater dans les quelques échantillons que certaines universités ou certains recteurs publient selon des modalités faciles d’accès ;

  • la seconde, que ces « parcours de formation » ne sont pas tous linéaires ou monolithiques, mais sont susceptibles, le cas échéant, de se diviser en spécialités diverses en deuxième et en troisième année de licence, conformément à l’objectif de « spécialisation progressive » énoncé à l’article 3 de l’arrêté du 22 janvier 2014 fixant le cadre national des formations, ainsi qu’aux articles 7 et 9 de l’arrêté du 30 juillet 2018 relatif au diplôme national de licence2.

Il s’ensuit qu’il peut arriver qu’un parcours de formation d’une capacité de 300 étudiants en première année soit divisé en deux parcours plus spécialisés de 150 étudiants chacun en deuxième année3, puis de nouveau divisés en troisième année, par exemple en un total de quatre parcours, de 75 étudiants chacun (pour prendre un exemple très théorique caractérisé par une parfaite scissiparité des parcours en termes de capacités d’accueil).

Cela signifie donc :

  • (1) que, même dans le respect de l’ « accès de droit » en deuxième ou troisième année, il peut être nécessaire de départager les demandes des étudiants bénéficiant de cet accès, étudiants issus d’une même mention, et d’un parcours à l’origine identique, mais voué à se spécialiser et donc à se diversifier ;

  • (2) qu’en supposant que des places demeurent disponibles pour des étudiants ne bénéficiant pas d’un « accès de droit » (étudiants issus d’une autre formation ou d’un autre établissement), un départage peut alors aussi s’imposer non seulement entre ces étudiants, nous le verrons, mais entre ces étudiants et ceux qui ont un « accès de droit », dans la mesure où ce droit à être inscrit en deuxième ou troisième année ne va pas jusqu’à garantir une liberté totale dans le choix d’un parcours spécialisé lorsque plusieurs parcours sont possibles : sans préjudice du passage de droit à l’année supérieure, la répartition entre plusieurs parcours spécifiques peut donner lieu à départage même avec des candidats « extérieurs ».

Cette dernière opinion ne va peut-être pas de soi, car elle revient bien à admettre une forme de sélection (et la constitution de véritables parcours d’excellence dès le milieu ou la fin de la licence, au sein d’une mention déterminée), mais :

  • cette interprétation nous paraît conforme aux textes ;

  • cette sélection aurait de toute façon lieu au moins entre les étudiants « internes » qui doivent se spécialiser et donc entrer en concurrence pour accéder à des parcours plus spécifiques et aux effectifs plus réduits ;

  • cette sélection a pour limite le respect de l’« accès de droit » des étudiants internes à une formation de l’année supérieure qui s’inscrit dans la continuité de la formation précédente.

Or, nous pensons que les règles de départage définies au IV de l’article L. 612-3 sont rédigées en termes suffisamment généraux pour pouvoir, et même devoir, être appliquées dans ces hypothèses.

Sans préjudice néanmoins, redisons-le, de l’« accès de droit » dans l’une des formations de deuxième ou troisième année qui s’inscrivent dans la continuité de celle qui a été validée l’année précédente dans le même établissement.

Il est donc clair qu’une université ne commet aucune erreur de droit en opposant cette limite à des candidats extérieurs, pourvu qu’elle n’aille pas jusqu’à invoquer cette limite pour éliminer tel candidat d’un parcours spécifique, alors que ce candidat présenterait un dossier plus cohérent avec ce parcours que le candidat interne, lequel disposerait par ailleurs d’un accès à un autre parcours s’inscrivant dans la continuité de sa formation précédente.

Poursuivons avec les troisième et quatrième hypothèses : celles des changements de formation, des réorientations et validations d’études ou d’expériences antérieures. i) S’agissant des changements de formation, nous constatons que plusieurs dispositions les encouragent. Sans être exhaustif, nous renvoyons, à titre d’exemple, à l’article 8 de l’arrêté de 2014 fixant le cadre national des formations, à l’article 7 de l’arrêté de 2018 relatif au diplôme national de licence, qui prévoit des passerelles entre formations, mêmes extérieures à l’établissement4, et, de façon plus spécifique, pour les titulaires d’un BTS, l’article D. 643-35 du Code de l’éducation.

Aussi encouragée soit-elle, cette mobilité ne nous paraît cependant pas soustraite aux règles de départage : les conventions prévues par certaines des dispositions précitées ne sauraient avoir un tel effet, d’une part parce que ces conventions semblent avoir une portée limitée à des modalités pratiques, ou pédagogiques, et, d’autre part, parce que ces règles d’arbitrage ont été posées par la loi et constituent une garantie de l’exigence constitutionnelle d’égal accès à l’instruction.

ii) S’agissant des candidats ayant obtenu la validation d’études ou d’expériences antérieures, qui, selon l’article D. 613-39, « permet soit d’accéder directement à une formation dispensée par l’établissement et conduisant à la délivrance d’un diplôme national (…), soit de faire acte de candidature au concours d’entrée dans un établissement »5, le dernier alinéa de cet article règle la question en disposant que, « dans les formations, dont le nombre d’étudiants est limité par voie législative ou réglementaire, la validation ne peut dispenser les candidats de satisfaire aux épreuves organisées en vue de limiter les effectifs ».

Même si ces dispositions, issues du décret n° 2013-756 du 19 août 2013, ne se réfèrent qu’à des « épreuves », il est clair que l’objet de cet alinéa est de soumettre ces candidats aux règles communes, ce qui, en l’état actuel du droit, inclut les règles de départage6.

Examinons enfin le cas du transfert entre établissements sans changement de formation. i) L’article D. 612-8 comporte des dispositions spécifiques pour les transferts, mais leur rédaction soulève la question de savoir si elles s’appliquent uniquement pour les transferts dans le cours d’une année universitaire ou bien même entre deux années.

Nous penchons plutôt pour la première option.

Citons cet article7 : « Un étudiant régulièrement inscrit dans un établissement d’enseignement supérieur et désirant obtenir son transfert dans un autre établissement public d’enseignement supérieur doit en faire la demande à son chef d’établissement ainsi que, sous son couvert, au chef de l’établissement dans lequel il désire poursuivre ses études. Le transfert est subordonné à l’accord des deux chefs d’établissement. Dans ce cas, l’inscription annuelle prise dans l’établissement de départ est valable dans l’établissement d’accueil. Le chef de l’établissement de départ transmet le dossier de l’intéressé au chef de l’établissement d’accueil (…) ».

La référence à l’étudiant « régulièrement inscrit » renvoie à l’inscription administrative qui est « annuelle » et doit être « renouvelée au début de chaque année universitaire », selon l’article D. 612-2 : elle suppose donc qu’il s’agit d’un transfert au milieu de l’année et non entre deux années du premier cycle. Cette portée est confirmée par la phrase qui énonce encore plus explicitement qu’en cas de transfert, « l’inscription annuelle prise dans l’établissement de départ est valable dans l’établissement d’accueil ».

ii) Il s’ensuit que les étudiants demandant un « transfert » lato sensu ne sont pas soumis à des règles particulières. Le seraient-ils d’ailleurs, par exemple à cette procédure de double autorisation, que l’appréciation du président de l’université d’accueil nous paraîtrait néanmoins difficilement pouvoir échapper à l’empire des règles législatives de départage prévues au IV de l’article L. 612-3.

iii) Dans tous les cas, les étudiants demandant un transfert dans une formation identique ou approchante sont soumis aux règles de départage.

Pour autant, s’ils sont en concurrence avec des candidats qui présentent le même degré de « cohérence entre, d’une part, le projet de formation du candidat, les acquis de sa formation antérieure et ses compétences, et, d’autre part, les caractéristiques de la formation », et seulement à cette condition, il ne nous paraîtrait pas légalement interdit à l’université de prendre en considération le fait que les candidats demandant un « transfert » bénéficient, au sein de leur établissement d’origine, d’un « accès de droit » dans une formation correspondant à leur souhait, pour retenir d’autres candidats – d’un degré de cohérence équivalent –qui ne sont pas susceptibles de bénéficier d’un tel accès garanti au sein d’un autre établissement (ce qui vise surtout le cas des BTS et des DUT).

Peut-on aller plus loin et dire qu’il peut y avoir priorité pour ces derniers candidats ? Il nous semble que non, en l’absence de texte le prévoyant : il ne doit donc s’agir que d’un critère d’appréciation subsidiaire, applicable seulement entre deux candidatures de cohérence équivalente.

Ajoutons que, sans changer de formation, un étudiant peut demander à changer d’établissement pour un autre, non seulement pour la qualité de la formation, mais aussi du fait de la spécificité de certains des parcours proposés : sans changer de formation, la spécialisation progressive promue par les dispositions réglementaires précitées peut justifier objectivement un changement d’établissement, et peut atténuer, en fait, la rigueur de la distinction entre changement de formation et simple transfert d’établissement sans changement de formation.

Une demande de changement d’établissement nous paraît donc devoir être traitée à égalité avec des demandes de changement de formation (qu’il serait d’ailleurs paradoxal de privilégier, alors que la première condition est celle d’une cohérence attendue entre la candidature et la formation, à laquelle sont a priori davantage susceptibles de satisfaire ceux qui persévèrent dans leur formation d’origine).

III – L’application des règles de départage prévues au IV de l’article L. 612-3 appelle un contrôle restreint du juge de l’excès de pouvoir

Le IV de l’article L. 612-3 énonce que c’est le président de l’université qui se prononce sur l’inscription. Lorsque ces dispositions s’appliquent pour d’autres formations que les formations initiales, donc sans être combinées avec le régime de Parcoursup, aucune procédure particulière n’est prévue : les commissions pédagogiques prévues pour Parcoursup ne se prononcent donc pas pour l’inscription en deuxième ou troisième année.

Si, pour l’admission en première année de master en cas de capacités d’accueil limitées, l’article L. 612-6 prévoit que « l’admission est alors subordonnée au succès à un concours ou à l’examen du dossier du candidat », aucune disposition similaire n’existe pour la licence et pour les candidats qui ne bénéficieraient pas d’un « accès de droit ».

Deux conséquences doivent en être tirées : d’une part, un concours ne peut être prévu pour les candidats qui ne bénéficient pas d’un « accès de droit » ; d’autre part, le président de l’université ne saurait renoncer à l’exercice de sa compétence.

Certes, il est sans doute loisible à l’université d’instituer une procédure consultative et de prévoir que le président statue au vu d’un avis émis par une commission pédagogique, à l’instar de celle qui est prévue à l’article D. 613-45 pour les candidats à la validation d’études ou d’expériences antérieures.

Mais il est clair que la décision du président de l’université n’est pas exclue pour autant de tout contrôle de qualification juridique.

Par la décision de section Cts Metrat du 23 octobre 1987, le Conseil d’État a ainsi jugé que le refus d’inscrire une élève dans une classe préparatoire aux concours d’entrée dans les grandes écoles est soumis à un contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation. Et, par une décision Mme Emonide-Germont du 25 mai 1996, mentionnée aux tables du Recueil Lebon (n° 120424), le Conseil d’État a jugé de même, dans un cas encore plus approchant, que le juge de l’excès de pouvoir exerce un contrôle restreint sur l’appréciation portée par le président de l’université sur la valeur d’un candidat à l’inscription en année de préparation du diplôme d’études supérieures spécialisées.

Comme le soulignait le président Schwartz dans ses conclusions sur cette affaire :

« Même si la décision est prise sur avis d’une commission dont la composition est proche de celle d’un jury et qui procède à l’évaluation des qualités des candidats, nous ne sommes pas dans le cadre d’une procédure de jury et d’une appréciation émise par un jury. Dans une telle hypothèse vous n’auriez pas pu contrôler la décision de non-admission en troisième cycle.

Nous sommes ici dans un cadre différent. La décision a certes été prise sur avis d’une commission dont la composition est proche de celle d’un jury, mais par une autorité administrative sans que cette dernière soit liée par l’avis omis. L’arrêté du ministre de l’Enseignement supérieur du 16 avril 1974 donne en fin de compte compétence au seul président directeur de l’établissement pour sélectionner les candidats postulant à un D.E.S.S. Il s’agit ici d’une décision administrative. Elle relève donc de votre contrôle (…) ».

Toutefois, ajoutait-il, « s’agissant d’une décision discrétionnaire encadrée par aucun texte et conditionnée par aucun motif, votre contrôle ne peut qu’être restreint ».

A contrario, l’on pourrait se demander dans le cas d’espèce si, s’agissant d’une décision soumise à des règles de départage que le législateur a expressément énoncées, il n’y aurait pas lieu d’appliquer un contrôle normal, et non seulement un contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation.

Un contrôle normal nous paraît néanmoins difficilement envisageable, pour les raisons suivantes :

  • (1) la jurisprudence n’impose pas dans tous les cas un contrôle normal pour la seule raison que des critères ont été posés dans les textes : tout dépend de la précision de ces critères et d’autres circonstances8 ; en l’occurrence, il ne nous semble pas que les critères légaux captivent exagérément sous leur joug l’étendue du pouvoir d’appréciation des universités, s’il nous est permis de paraphraser aussi prosaïquement Du Bartas ;

  • (2) la cohérence que doit apprécier le président de l’université « entre, d’une part, le projet de formation du candidat, les acquis de sa formation antérieure et ses compétences, et, d’autre part, les caractéristiques de la formation », est non seulement complexe, ce qui ne saurait certes arrêter le juge de l’excès de pouvoir, mais liée à des appréciations d’ordre pédagogique qui ne se prêtent pas aisément à un contrôle normal ;

  • (3) cette appréciation, bien que la loi ne l’ait pas qualifiée de sélection9, revient bien à opérer une forme de classement, un classement peut-être assoupli et qui ne dit pas son nom, mais un classement tout de même, lequel implique une appréciation des mérites et des motivations comparées de l’ensemble des candidats et donc une connaissance de tous les dossiers, ce qui ne se prête pas non plus à un contrôle normal du juge de l’excès de pouvoir.

Il y a donc tout lieu de penser que l’appréciation juridique portée par le président de l’université sur la cohérence de la candidature (indépendamment du contrôle de l’erreur de droit, bien sûr) doit être soumise au contrôle du juge de l’excès de pouvoir, mais que ce contrôle doit être limité à l’erreur manifeste d’appréciation.

Notes de bas de pages

  • 1.
    Le législateur ne l’affirme pas expressément, mais ce droit peut se déduire de l’ensemble des dispositions législatives et réglementaires applicables à la licence. Si l’article L. 612-6-1 a quant à lui pris le soin de le dire expressément pour le passage en deuxième année de master, c’est uniquement en vue d’assortir ce droit général d’une dérogation. Il ne faut donc en tirer aucun a contrario pour la licence, sinon qu’on n’y trouve aucune dérogation au droit d’accès à l’année supérieure d’un même cycle en cas de validation de l’année précédente, de sorte que l’affirmation de ce droit implicite, mais certain en l’absence de possibles exceptions, ne présentait pas de caractère nécessaire.
  • 2.
    L’article D. 612-32-5 du Code de l’éducation, qui dispose que « les parcours types des formations préparant au diplôme sont organisés sur trois années », ne doit donc pas être lu comme impliquant une linéarité et une unicité du parcours poursuivi par un étudiant, dans une même formation.
  • 3.
    À supposer les effectifs stables d’une année sur l’autre, ce qui est rarement le cas ainsi qu’on peut le voir grâce à divers exemples d’universités.
  • 4.
    Voir aussi le deuxième alinéa de l’article 14, qui garantit la conservation des crédits ; voir également l’article 9 de l’arrêté de 2011 précédemment mentionné, qui est l’équivalent de l’article 7 de l’arrêté de 2018 pour les passerelles.
  • 5.
    Sur cette procédure, v. CE, 4e-1re ss-sect. réunies, 29 oct. 1990, n° 87147, Dalbies, A.
  • 6.
    L’on peut se demander dans quelle mesure ces dispositions sont susceptibles de s’appliquer à un simple changement de formation, mais ce n’est pas notre propos. Sans doute visent-elles, s’agissant des études validées, des études antérieures, interrompues puis reprises (une disposition fait référence à cette idée d’interruption, mais elle semble de portée circonscrite et y déroge d’ailleurs pour les élèves de classes préparatoires). Il est à noter que, s’agissant du master, l’article D. 612-36-4 prévoit une procédure de validation spéciale pour les étudiants qui souhaitent poursuivre leur formation dans une autre mention de master.
  • 7.
    Qui reprend les dispositions de l’article 13 du décret n° 71-376 du 13 mai 1971. Sur l’interprétation de ces dispositions, v. CE, 4e sous-sect., 15 mars 1996, n° 140035 ; CE, 4e-1re ss-sect. réunies, 10 févr. 1995, n° 82679.
  • 8.
    Par exemple, s’agissant du contrôle restreint exercé sur l'appréciation du comité de sélection relatif à l’adéquation au profil du poste pour le recrutement des enseignants-chercheurs : CE, 9 févr. 2011, n° 317314, Piazza : Lebon T., p. 956, 1062 et 1100.
  • 9.
    Le législateur n’emploie pas ce terme, comme le relève le commentaire de la décision du Conseil constitutionnel de 2018 : sans doute ne s’agit-il pas de formations sélectives par principe et en toutes circonstances : mais dès lors que le nombre des candidats est supérieur aux capacités d’accueil, il y a nécessairement une sélection, ce que relève sans ambages le rapport du Sénat sur le projet de loi à l’origine de la procédure nationale de présélection.