Le projet de loi Avenir professionnel et la fonction publique

Publié le 31/08/2018

Le projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel a notamment pour but de donner de nouveaux droits aux personnes pour leur permettre de choisir leur vie professionnelle tout au long de leur carrière. Il cherche à faciliter les « parcours professionnels alternés entre le secteur public et le secteur privé ». Il comporte des dispositions « visant à favoriser et valoriser les mobilités des fonctionnaires, afin de faire bénéficier l’administration de l’expérience et des compétences acquises au cours de cette période de mobilité ». Il vient également ouvrir l’ensemble des emplois fonctionnels de direction dans la fonction publique aux personnels contractuels.

Ce projet de loi réforme à la fois la formation professionnelle, l’apprentissage et l’assurance-chômage, et concerne principalement le secteur privé1. Mais ce texte, qui avait été présenté au conseil des ministres du 27 avril 2018 par Muriel Pénicaud, ministre du Travail, contient également deux catégories de mesures relatives au parcours professionnel dans la fonction publique, lesquelles ont été critiquées2.

Les articles 63 à 65 du chapitre V du projet de loi Avenir professionnel viennent modifier les règles relatives à la position de disponibilité dans les trois versants de la fonction publique afin de déroger au principe d’interruption de la carrière d’un agent lorsqu’il est placé dans cette position administrative. Ils ont été soumis à l’examen du Conseil commun de la fonction publique (CCFP), le 27 mars 2018.

Par ailleurs, les articles 65 bis, 65 ter et 65 quater du chapitre V du projet de loi viennent élargir les possibilités de recrutement de contractuels pour les emplois d’encadrement dans les trois fonctions publiques. Ces dispositions ne figuraient pas dans le projet de loi initial. Elles ont été introduites par le biais d’amendements gouvernementaux lors de l’examen du texte, en séance publique, à l’Assemblée nationale, le 16 juin 2018.

I – La réforme du régime de la disponibilité des fonctionnaires

Cette réforme présentée contre l’avis du Conseil d’État3 vise à favoriser la mobilité professionnelle. Elle est déclinée dans les trois versants de la fonction publique et vient rapprocher le régime d’avancement de la disponibilité de celui du détachement. Le coût financier pour les employeurs publics de cette réforme a été critiqué.

A – Le dispositif actuel de disponibilité

Le fonctionnaire en disponibilité est placé hors de son administration d’origine. Il cesse de bénéficier de ses droits à traitement, avancement et retraite. La disponibilité dont le régime a été remanié par la loi Déontologie du 20 avril 2016 4 est la position administrative présentant le degré le plus élevé d’éloignement du corps d’origine.

Cette position statutaire va permettre au fonctionnaire d’aller travailler dans le secteur privé5 ou de conduire un projet personnel en conservant la possibilité de réintégrer par la suite la fonction publique.

La disponibilité pourra être prononcée à la demande de l’agent, sous réserve des nécessités du service, pour convenances personnelles – trois ans maximum, renouvelable dans la limite de dix ans pour toute la carrière – ou pour effectuer des études ou recherches présentant un intérêt général – trois ans maximum, renouvelable une fois – ou encore pour créer ou reprendre une entreprise – deux ans maximum.

En cas de demande de mise en disponibilité par un fonctionnaire, la décision de l’administration ne pourra intervenir qu’après la consultation de la Commission administrative paritaire. Dans certains cas, il conviendra de saisir la Commission de déontologie de la fonction publique.

La disponibilité est accordée de droit si elle est motivée par les raisons familiales suivantes : élever un enfant de moins de huit ans, soigner un proche atteint d’une maladie grave ou d’un handicap, suivre son conjoint à la suite d’un déménagement. Elle sera également de droit pour exercer un mandat d’élu local ou pour exercer une activité dans un organisme international.

La disponibilité pourra également être prononcée d’office si l’agent a épuisé ses droits à congé de maladie ordinaire, de longue maladie ou de longue durée et qu’il ne peut reprendre son activité, en raison de son état de santé ou lorsqu’il a été reconnu inapte aux fonctions correspondant à son grade et que son administration ne peut immédiatement le reclasser dans un autre emploi.

Enfin, à l’expiration de la période de disponibilité, le fonctionnaire doit solliciter soit sa réintégration soit un renouvellement de sa mise en disponibilité. Le fonctionnaire en disponibilité depuis plus de trois ans a droit à ce que l’administration prenne les mesures nécessaires, dans un délai raisonnable, pour que des postes lui soient proposés6. L’agent pourra être licencié après avis de la Commission administrative paritaire s’il venait à refuser successivement trois postes qui lui sont proposés pour sa réintégration.

B – Le nouveau régime de la disponibilité

Selon l’actuel article 51 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État7, la disponibilité est « la position du fonctionnaire qui, placé hors de son administration ou service d’origine, cesse de bénéficier, dans cette position, de ses droits à l’avancement et à la retraite ».

L’article 63 du projet de loi Avenir professionnel8 vient modifier ce régime de la disponibilité des fonctionnaires de l’État. En effet, il prévoit le maintien des droits à l’avancement pendant une durée maximale de cinq ans lorsque le fonctionnaire exerce pendant sa disponibilité une « activité professionnelle ». Celle-ci s’entend classiquement d’une activité salariée ou de travail indépendant. Cette période est assimilée à des « services effectifs » dans le corps de l’agent.

« En prévoyant cette assimilation, le texte permet la comptabilisation des années passées à exercer une activité professionnelle à l’extérieur de l’administration d’origine dans la prise en compte d’un certain nombre de durées minimales pour accéder à un échelon, un grade, accéder à une mobilité, etc. »9.

Compte-tenu du devoir d’exemplarité exigé des fonctionnaires, cette période d’activité professionnelle effectuée en dehors du corps d’origine sera exclue du décompte des années de services dues au titre d’un engagement de servir10. Ce dernier est effectivement présenté comme la contrepartie d’une formation gratuite et rémunérée préalable à l’accès à un corps ou cadre d’emplois de la fonction publique.

En revanche, l’article 63 du projet de loi Avenir professionnel autorise le fonctionnaire en disponibilité à faire valoir cette période d’exercice professionnelle pour l’accès à une promotion à un grade subordonné à l’exercice préalable de certaines responsabilités. Pour être prises en compte en vue de l’accès à des grades spécifiques aux corps d’encadrement, dits « grades à accès fonctionnel »11, les activités professionnelles exercées lors de la période de disponibilité doivent être comparables, au regard de leur nature ou du niveau des responsabilités exercées, aux emplois ou aux fonctions qui, au sein de l’administration, permettent l’accès à ce grade.

Force est de constater que cette réforme vient réduire les différences entre la position du détachement et celle de la disponibilité alors que la loi Déontologie du 20 avril 2016, qui est venue simplifier les positions statutaires pour favoriser la mobilité entre les trois fonctions publiques12, a réaffirmé le caractère distinct du détachement et de la disponibilité. Cette réforme vient effectivement rapprocher, lors des cinq premières années, le régime d’avancement de la disponibilité de celui du détachement. En effet, le fonctionnaire détaché est placé hors de son corps ou cadre d’emplois d’origine et continue à bénéficier de ses droits à l’avancement et à la retraite dans ce corps d’origine dans lequel il sera réintégré à l’expiration de son détachement13.

Le législateur a prévu une application immédiate du maintien de l’avancement aux nouvelles mises en disponibilité et aux renouvellements de disponibilité. Les mises en disponibilité en cours se verront appliquer le régime actuel jusqu’à leur terme.

L’article 64 du projet de loi, qui modifie l’article 72 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 198414, applique des principes identiques à la fonction publique territoriale. L’article 65 du projet de loi fait de même pour la fonction publique hospitalière en modifiant l’article 62 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 198615.

Pour le gouvernement, ces nouvelles dispositions, qui ont fait l’objet d’un débat au sein du Conseil commun de la fonction publique (CCFP) le 27 mars 2018, sont de nature à encourager les mobilités des fonctionnaires.

Le gouvernement a également justifié cette réforme au nom de l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes en soulignant que ces dernières demandent plus de disponibilités que les hommes : « les agents en disponibilité sont à 67 % des femmes »16. L’exposé des motifs du projet de loi fait référence à une « analyse économétrique récente [ qui ] a mis en évidence que la majeure partie de l’écart salarial moyen entre les femmes et les hommes au sein de la fonction publique de l’État s’explique par la différence de position statutaire et les impacts de cette période d’interruption sur le déroulement ultérieur de la carrière »17.

Enfin, Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Action et des Comptes publics, a précisé que la réforme « s’inscrit dans le respect » de la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires, s’agissant notamment « des conditions de retour dans la fonction publique et de l’encadrement de celui-ci »18.

C – Les critiques adressées au nouveau dispositif de disponibilité des fonctionnaires

Dans son avis rendu public le 26 avril 2018, le Conseil d’État, a constaté que l’étude d’impact accompagnant le projet de loi ne comporte pas d’indication permettant de penser que le nouveau régime de la disponibilité contribuera à favoriser le retour dans l’administration de fonctionnaires partis exercer une activité professionnelle dans le secteur privé. Il a observé qu’elle ne fournit pas non plus d’indication donnant à penser qu’il permettra une plus grande égalité entre les femmes et les hommes.

Le Conseil d’État a considéré que le droit de la fonction publique favorise déjà la mobilité entre le secteur public et le secteur privé. « Il relève en outre que le dispositif de disponibilité des fonctionnaires est, dès maintenant, fortement critiqué comme offrant aux agents publics une garantie de retour dans leur milieu professionnel d’origine, inexistante pour les autres actifs (…) ». Enfin, il a estimé que « le dispositif proposé ne saurait s’appliquer de manière inconditionnelle à toutes les disponibilités, quelle que soit l’activité professionnelle exercée dans le secteur privé, l’avancement de fonctionnaires au titre de certaines activités exercées dans le secteur privé apparaissant très problématique et contestable (…) ».

Il a également été soutenu que ce nouveau dispositif de disponibilité des fonctionnaires « risque de créer des situations de pantouflage et de conflits d’intérêt », « des situations que l’on rencontre déjà dans la haute administration de l’État »19.

On observera à ce propos que la fondation Terra Nova a proposé dans son rapport du 3 février 2017 de restreindre les allers et retours (revolving doors) entre le secteur public et le secteur privé et d’imposer « des délais de viduité suffisamment longs entre les fonctions privées et publiques quand elles s’inscrivent dans le même “secteur” (finance, santé, industrie, etc.) ». Elle a notamment préconisé de limiter le temps qu’un fonctionnaire peut passer en dehors de la fonction publique en retenant « une durée de cinq ans, au terme de laquelle un choix devrait être opéré entre réintégration et démission »20.

Par ailleurs, pour la commission des affaires sociales du Sénat, le principal défaut de cette réforme de la position de disponibilité des fonctionnaires réside dans « l’obligation qui sera mécaniquement faite à la collectivité employeur du fonctionnaire en disponibilité, en plus de la charge financière relative au remplacement du fonctionnaire sur le départ, de provisionner les montants correspondant à l’avancement de ce dernier pour une durée maximale de cinq ans »21.

II – L’ouverture des emplois de direction dans la fonction publique aux contractuels

Le projet de loi Avenir professionnel vient ouvrir l’ensemble des emplois fonctionnels de direction dans la fonction publique aux personnels contractuels (environ 10 000 emplois).

De façon symétrique aux articles 63 à 65 du projet de loi qui cherchent à favoriser les mobilités réalisées hors des administrations publiques par des fonctionnaires, les articles 65 bis, 65 ter et 65 quater visent à élargir les viviers de recrutement sur les emplois de direction des administrations de l’État, des collectivités territoriales et des hôpitaux.

Comme c’est le cas actuellement, l’accès de non-fonctionnaires à ces emplois n’entraînera pas pour autant leur titularisation.

Les conditions d’application de ces articles, en particulier les modalités de sélection et d’emploi, seront déterminées par décret en Conseil d’État.

« L’enjeu est de diversifier la fonction publique et de permettre aux employeurs publics de recruter des profils nouveaux », a expliqué Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Action et des Comptes publics, le 15 juin 2018, à l’Assemblée nationale. Pour la députée Nathalie Elimas (Modem), rapporteure du projet de loi, il s’agit de « lever un verrou législatif » qui empêche des personnes ne relevant pas du statut de la fonction publique d’exercer des fonctions d’encadrement dans l’administration22.

Cette diversification des profils a été présentée par le gouvernement comme étant essentielle à la transformation de l’action publique qu’il a entrepris, « afin d’améliorer la qualité et l’efficacité du service rendu aux usagers ».

A – L’ouverture des emplois de direction aux contractuels dans la fonction publique de l’État

L’article 3 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires dite loi « Le Pors »23 a prévu que les emplois civils permanents de l’État, des régions, des départements, des communes et de leurs établissements publics à caractère administratif soient occupés par des fonctionnaires.

Cependant, l’article 3 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État prévoit plusieurs dérogations à ce principe. En effet, certains emplois permanents peuvent échapper à la règle énoncée à l’article 3 du titre Ier du statut général. Il s’agit notamment des emplois supérieurs dont la nomination est laissée à la décision du gouvernement, des emplois des établissements publics qui nécessitent des qualifications professionnelles particulières, des emplois ou catégories d’emplois de certaines institutions administratives spécialisées de l’État dotées d’un statut particulier garantissant le libre exercice de leur mission et des emplois des centres hospitaliers et universitaires occupés par des personnels médicaux et scientifiques.

L’article 65 bis du projet de loi Avenir professionnel vient ajouter à cette liste « les emplois de direction des administrations de l’État et de ses établissements publics ». Il prend soin de préciser que l’accès de non-fonctionnaires à ces emplois n’entraînera pas pour autant leur titularisation dans un corps de l’administration ou du service.

Selon le gouvernement, environ 2 700 emplois fonctionnels seront concernés. Il s’agit en particulier des emplois de chef de service et de sous-directeur des administrations de l’État, des emplois de directeur de projet des administrations de l’État et de ses établissements publics, des emplois de direction de l’administration territoriale de l’État, des emplois fonctionnels des services déconcentrés de l’Éducation nationale et des emplois d’agent comptable et de directeur général des services des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel.

Des agents fonctionnaires ou contractuels auront la possibilité de candidater sur ces emplois, à l’instar de ce qui est prévu pour les emplois supérieurs dont la nomination est laissée à la décision du gouvernement.

B – L’ouverture des emplois de direction aux contractuels dans la fonction publique territoriale

Le principe de recrutement réservant les emplois publics civils aux fonctionnaires, qui est inscrit à l’article 3 de la loi Le Pors, s’applique également aux emplois territoriaux.

L’article 44 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 indique que chaque concours donne lieu à l’établissement d’une liste d’aptitude classant par ordre alphabétique les candidats déclarés aptes par le jury24.

Aux termes de l’article 41 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984, chaque emploi permanent vacant est pourvu par l’autorité territoriale compétente en nommant l’un des candidats inscrits sur la liste d’aptitude, ou un fonctionnaire qui s’est déclaré candidat par voie de mutation, de détachement, d’intégration directe ou encore et dans les conditions fixées par chaque statut particulier, par voie de promotion interne et d’avancement de grade.

Par dérogation à l’article 41 de la loi du 26 janvier 1984, un certain nombre d’emplois peuvent être pourvus par la voie du recrutement direct, dans les conditions de diplômes ou de capacités fixées par décret en Conseil d’État. Ces emplois civils territoriaux ouverts au recrutement direct sont limitativement énumérés par l’article 47 de la loi du 26 janvier 1984.Il s’agit des emplois de directeur général et de directeur général adjoint des services dans les départements et les régions. Il s’agit aussi des emplois de directeur général adjoint des services dans les communes de plus de 150 000 habitants et établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) de plus de 150 000 habitants. Il s’agit enfin des emplois de directeur général des services et de directeur général des services techniques pour les communes de 80 000 habitants et les EPCI de plus de 80 000 habitants.

On soulignera que la fonction publique territoriale est actuellement la fonction publique qui emploie le plus d’agents contractuels (un agent territorial sur cinq).

L’article 65 ter du projet de loi Avenir professionnel, qui modifie l’article 47 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984, vient encore élargir la liste des emplois civils territoriaux ouverts au recrutement direct. Pour toutes les collectivités territoriales comptant de 2 000 à 80 000 habitants et pour tous les EPCI de moins de 80 000 habitants, il autorise le recrutement direct de contractuels pour l’ensemble des emplois fonctionnels de direction, soit plus de 7 000 emplois. Jusqu’ici, seuls les emplois fonctionnels de direction des plus grandes collectivités étaient ouverts au recrutement direct sous contrat.

Ce faisant, le projet de loi va dans le sens du récent rapport présenté par la sénatrice Catherine di Folco, au nom de la commission des lois du Sénat, sur les enjeux de l’évolution de la fonction publique territoriale25. Ce rapport préconise l’élargissement des possibilités de recourir à des agents contractuels, notamment pour répondre à l’évolution des compétences des collectivités territoriales et de leurs groupements et aux mutations du service public.

Le gouvernement a fait valoir que cette réforme présentait l’intérêt de permettre aux employeurs territoriaux de s’adjoindre des compétences spécifiques pour conduire certains projets.

C – L’ouverture des emplois de direction aux contractuels dans la fonction publique hospitalière

Par dérogation à l’article 3 du titre premier du statut général des fonctionnaires, des agents contractuels peuvent être actuellement nommés dans les emplois de directeur d’établissements publics de santé ou d’établissements sociaux ou médico-sociaux26.

La nomination d’un directeur par recrutement direct peut intervenir à la condition qu’elle soit le fait du directeur général de l’agence régionale de santé pour les établissements publics de santé et les établissements et services médico-sociaux publics, ou du préfet de département pour les établissements et services relevant de l’aide sociale à l’enfance ou prenant en charge des personnes ou des familles en difficulté ou des demandeurs d’asile.

Cette nomination par voie de recrutement direct doit impérativement s’accompagner d’une formation à l’École des hautes études en santé publique.

L’article 65 quater du projet de loi Avenir professionnel, qui modifie l’article 3 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986, vient étendre la voie de recrutement direct à l’ensemble des emplois fonctionnels de directeurs d’hôpital. 650 postes seront donc désormais ouverts aux contractuels dans la fonction publique hospitalière.

Pour le gouvernement, cette réforme permettra « à un plus grand nombre de personnes, issues du secteur public comme du secteur privé, d’apporter leur concours et leur expérience professionnelle au bénéfice du service public hospitalier, social et médico-social »27.

D – Une réforme contestée

Le recours à la contractualisation a été contesté par les organisations syndicales représentatives de la fonction publique. Pour ses détracteurs, cette réforme vient porter atteinte aux principes de recrutement dans la fonction publique et fragiliser le statut des fonctionnaires. Elle pourrait, d’après certains parlementaires, être de nature à remettre en cause l’ensemble de l’organisation des concours d’accès aux emplois publics de direction et d’encadrement : « le recrutement par contrat des hauts fonctionnaires, aujourd’hui possible et dérogatoire, deviendrait inexorablement le mode de recrutement de droit commun, voire le mode de recrutement quasi exclusif, en se substituant au concours »28. L’absence totale d’encadrement découlant de la rédaction des articles 65 bis, 65 ter et 65 quater ferait courir, « pour la gestion des administrations publiques, des risques sans précédent »29.

Cette inquiétude a été partagée par le président du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT), Philippe Laurent, qui a considéré que le texte adopté par les députés le 19 juin 2018 est « porteur d’une déstructuration progressive de la fonction publique territoriale »30. Pour ce dernier, il pourrait « encourager les comportements clientélistes » et « conduire à des dérives en matière de rémunération »31.

En conclusion, il apparaît que le projet de loi Avenir professionnel adopté en première lecture par l’Assemblée nationale comporte des dispositions importantes intéressant chaque versant de la fonction publique. Il vient aligner le régime de la disponibilité sur celui du détachement afin de faciliter les allers-retours des fonctionnaires entre le secteur public et le secteur privé. Il vient également élargir les possibilités de recruter par contrat à des postes de direction à caractère fonctionnel conformément aux orientations présentées par le gouvernement le 1er février 2018 à l’occasion du premier Comité interministériel à la transformation publique (CITP). Il vise enfin, selon le gouvernement, à offrir « de nouvelles perspectives d’évolution professionnelles à des agents, titulaires et contractuels déjà présents dans l’administration, et qui ne pouvaient être détachés ou recrutés sur ces emplois en raison des conditions limitatives d’accès à ceux-ci ».

Notes de bas de pages

  • 1.
    Il a été adopté en première lecture, avec modifications, par l’Assemblée nationale le 19 juin 2018.
  • 2.
    Ces mesures ont d’ailleurs opposé les deux assemblées parlementaires. Elles ont été supprimées du projet de loi par le Sénat qui a adopté le texte en première lecture le 16 juillet 2018. Après l’échec ce même jour de la commission mixte paritaire, toutes les dispositions relatives à la fonction publique ont été rétablies par la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale.
  • 3.
    CE, avis, 19 et 26 avr. 2018, n° 394596, sur le projet de loi, p. 26.
  • 4.
    L. n° 2016-483, 20 avr. 2016, relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires : JO n°0094, 21 avr. 2016 (v. Zarka J.-C., « La réforme relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires », LPA 28 avr. 2016, p. 8).
  • 5.
    Un décret du 9 mai 2017 a précisé les conditions de mise en disponibilité des fonctionnaires de l’État souhaitant exercer une activité dans le secteur privé. Il a conditionné l’octroi d’une disponibilité pour convenances personnelles dans le secteur privé et pour créer ou reprendre une entreprise à l’accomplissement préalable de quatre ans de services effectifs depuis la titularisation dans le corps au titre duquel les fonctionnaires d’État sont soumis à l’engagement de servir. Si cet engagement n’a pas été totalement réalisé, la durée de la disponibilité pour convenances personnelles, pour exercer des activités dans le secteur privé concurrentiel est fixée à trois ans, renouvelable une fois pour une durée d’un an. Le bénéfice d’une nouvelle disponibilité de ce type est subordonné à l’accomplissement de l’intégralité de la période d’engagement de servir (D. n° 2017-929, 9 mai 2017, relatif à la position de disponibilité des fonctionnaires de l’État souhaitant exercer une activité dans le secteur privé : JO n° 0109, 10 mai 2017).
  • 6.
    CE, 12 mars 2012, n° 332091, Hôpital Saint-Jean : JCP A 2012, act. 237, note Touzeil-Divina M.
  • 7.
    L. n° 84-16, 11 janv. 1984, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État : JO 12 janv. 1984, p. 271.
  • 8.
    Il propose que « lorsqu’un fonctionnaire bénéficie d’une disponibilité au cours de laquelle il exerce une activité professionnelle, il conserve, pendant une durée maximale de cinq ans, ses droits à l’avancement dans les conditions prévues par décret en Conseil d’État ».
  • 9.
    Rapp. AN, 1er juin 2018, n° 1019, sur le projet de loi, t. 2, p. 458.
  • 10.
    Ainsi, par exemple, l’obligation de servir est de dix ans pour les élèves de l’École nationale d’administration (ENA).Ces derniers doivent rembourser leurs frais de scolarité s’ils ne donnent pas dix ans de leur carrière au service de l’État (D. n° 2014-1370, 14 nov. 2014 relatif à la rupture de l’engagement de servir des anciens élèves de l’ENA).
  • 11.
    La notion de GRAF a été introduite dans le statut général des fonctionnaires par la loi n° 2010-751 du 5 juillet 2010 relative à la rénovation du dialogue social et comportant diverses dispositions relatives à la fonction publique (JO 6 juill. 2010, p. 12224). Pour le gouvernement, le GRAF doit permettre « de reconnaître les responsabilités assumées avec succès, de capitaliser statutairement l’expérience acquise sur des emplois fonctionnels et de renforcer l’attractivité des carrières dans la durée ». Selon ses détracteurs, il « n’est pas un pari sur l’avenir mais plutôt un témoignage du passé puisqu’il vient récompenser les fonctionnaires pour les postes à responsabilité qu’ils ont occupé » (Jean-Pierre D., « La quête du GRAF », JCP A 2010, 2301).
  • 12.
    La loi Déontologie a permis l’adoption de l’ordonnance du 13 avril 2017 qui vise à favoriser la mobilité des fonctionnaires à l’intérieur de chaque versant de la fonction publique et entre les trois versants (v. Zarka J.-C., « L’ordonnance n° 2017-543 du 13 avril 2017 portant diverses mesures relatives à la mobilité dans la fonction publique », LPA 30 mai 2017, n° 126w8, p. 8).
  • 13.
    L. n° 84-16, 11 janv. 1984, art. 45 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État,.
  • 14.
    L. n° 84-53, 26 janv. 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : JO, 27 janv. 1984, p. 441.
  • 15.
    L. n° 86-33, 9 janv. 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : JO, 11 janv. 1986, p. 535.
  • 16.
    V. l’exposé des motifs du projet de loi p. 23.
  • 17.
    Ibid.
  • 18.
    Le 31 janvier 2018, les députés Fabien Matras (LREM) et Olivier Marleix (LR) ont présenté le rapport de la mission d’information sur la déontologie des fonctionnaires et l’encadrement des conflits d’intérêts. Ils ont recommandé de prévoir un avis de la Commission de déontologie préalable à la nomination à une fonction d’autorité d’un agent revenant dans la fonction publique après une expérience dans le secteur privé. Ils estiment également indispensable de rendre publics les avis de la Commission de déontologie concernant le départ des fonctionnaires vers le privé (Rapp. AN, 31 janv. 2018, n° 611).
  • 19.
    Amendement n° 2114 au projet de loi Avenir professionnel déposé le 7 juin 2018 par les députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. www.assemblee-nationale.fr/15/amendements/1019/AN/2114.pdf.
  • 20.
    Proposition n° 13 du rapport intitulé : « Les conflits d’intérêts, nouvelle frontière de la démocratie », 3 févr.2017, Terra Nova.
  • 21.
    Rapp. Sénat, 27 juin 2018, n° 609, t. 1, sur le projet de loi, p. 476.
  • 22.
    Déclaration faite le 15 juin 2018, à l’Assemblée nationale.
  • 23.
    L. n° 83-634, 13 juill. 1983, portant droits et obligations des fonctionnaires : JO, 14 juill. 1983, p. 2174.
  • 24.
    L’inscription sur cette liste ne vaut pas recrutement.
  • 25.
    Rapp. Sénat, 13 juin 2018, n° 572.
  • 26.
    L. n° 86-33, 9 janv. 1986, art. 3 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière.
  • 27.
    Amendement n° 2161 au projet de loi Avenir professionnel déposé le 7 juin 2018 par le gouvernement. http://www.assemblee-nationale.fr/15/amendements/1019/AN/2161.asp.
  • 28.
    Pour reprendre le texte de l’amendement n° COM-239 au projet de loi déposé le 25 juin 2018 par des sénateurs du groupe Union centriste (UC), qui a été adopté par la commission des affaires sociales du Sénat. http://www.senat.fr/amendements/commissions/2017-2018/583/Amdt_COM-239.html.
  • 29.
    Ibid.
  • 30.
    Philippe Laurent, communiqué de presse du 27 juin 2018, CSFPT : « L’amendement sur les contractuels dans les emplois de direction suscite étonnement, perplexité et inquiétude ». https://www.csfpt.org/sites/default/files/communique_de_presse_recours_contrats_-_27-06-2018_0.pdf.
  • 31.
    Ibid.
X