Nouvelle réforme du financement de l’audiovisuel public

Pour soutenir l’audiovisuel public, le législateur a publié une loi organique pour remplacer le produit issu de la redevance de l’audiovisuel supprimée par la loi de finances de 2022 mais aussi parce que, dans cette loi, le maintien du compte de concours financier par une fraction du produit de la taxe sur la valeur ajoutée n’était prévu que jusqu’au 31 décembre 2024.
La contribution à l’audiovisuel public, plus connue sous le nom de redevance, est souvent prise en compte par le législateur pour mettre en place un meilleur soutien. Précisément un nouveau dispositif de financement de l’audiovisuel public a été instauré par la loi organique n° 2024-1177 du 13 décembre 2024, portant réforme du financement de l’audiovisuel public, afin de pérenniser le mode de financement des sociétés visées dans ce contexte.
Une nouvelle loi organique (I) entend soutenir l’audiovisuel public sachant que de nombreuses lois ont déjà été prises en ce domaine (II). La loi organique du 13 décembre 20241 est venue compléter la loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificatives pour 20222. Une proposition de loi a été déposée rapidement pour que les médias publics puissent conserver leur statut d’indépendance et, après que le Conseil constitutionnel a validé le projet de loi, le législateur a mis en place des changements dans un article unique (III) dans le but de mieux soutenir l’audiovisuel public.
I – Précisions sur le recours aux lois organiques
Dans cette affaire, il est question d’une loi organique, sachant que ce type de loi précise et complète certains articles de la Constitution. L’objectif des lois organiques vise à préciser l’organisation et le fonctionnement des pouvoirs publics, en application d’articles de la Constitution. En effet, ces lois se situent au-dessus des lois ordinaires mais sous les lois constitutionnelles dans la hiérarchie des normes.
Adopté selon une procédure particulière (Constitution, art. 46 – Constitution, art. 61), un tel projet de réforme est obligatoirement soumis au Conseil constitutionnel avant sa promulgation car le contrôle de constitutionnalité des lois (ainsi que des traités et engagements internationaux) doit être exercé par lui. Dans ce dossier, il s’est effectivement prononcé le 12 décembre 2024, afin que soit réformé le financement de l’audiovisuel public. Assurément, les lois organiques ont une valeur juridique supérieure aux lois ordinaires, raison pour laquelle elles doivent être conformes à la Constitution, raison pour laquelle également il faut obtenir un accord du Conseil constitutionnel.
II – Prise en compte de l’audiovisuel public par le législateur
La contribution à l’audiovisuel public, anciennement appelée redevance audiovisuelle ou télé, était une taxe liée à la possession d’un poste de télévision. Elle servait à financer les antennes publiques de radiodiffusion et de télévision. Les détenteurs de télévision devaient s’acquitter de la contribution à l’audiovisuel public. L’audiovisuel public représente 16 000 salariés et 4 milliards d’euros de budget (90 % provenant de l’État) et comprend : France TV et sa plateforme numérique france.tv ; Radio France ; France médias monde et l’institut national de l’audiovisuel (INA).
De nombreuses lois ont été votées dans ce domaine mais il a fallu instaurer des changements au cours des années. Depuis 2009, des dispositions relatives au secteur public de la communication audiovisuelle ont été mises en place : la loi n° 2009-258 du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision3 a modifié la dénomination de la redevance audiovisuelle en contribution à l’audiovisuel public ; puis, depuis 2013, l’indépendance de l’audiovisuel public a effectivement été concrétisée grâce à la loi organique n° 2013-1026 du 15 novembre 2013 relative à l’indépendance de l’audiovisuel public4. Ensuite la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 20225 avait prévu de ne pas tenir compte de l’inflation pour le calcul de la contribution à l’audiovisuel public et de conserver le montant retenu en 2021. Les particuliers détenteurs d’un téléviseur dans leur domicile devaient s’acquitter de la contribution à l’audiovisuel public, ex-redevance télé mais en 2022 le législateur avait mis en place de nouvelles mesures en prévoyant la suppression de la contribution à l’audiovisuel public versée aux sociétés de l’audiovisuel public, dont elle constitue la principale ressource. La loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificatives pour 20226 avait opéré des changements en mettant en place une alternative afin que soient garanties les ressources de l’audiovisuel public7. Toutefois cette mesure devait prendre fin le 31 décembre 2024, raison pour laquelle le législateur a fait le nécessaire en 2024 dans le but de pérenniser le mode de financement de l’audiovisuel public par une fraction du produit de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), impôt de grande consommation sans lien avec l’audiovisuel en réformant le financement de l’audiovisuel public. En outre, sénateurs et députés envisageaient de soutenir le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), autorité publique française de régulation de l’audiovisuel créée par la loi Tasca, loi n° 89-25 du 17 janvier 19898, et qui avait eu pour but de diriger l’audiovisuel en France pour la radio et la télévision jusqu’au 31 décembre 2021. Avec la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (Hadopi), le CSA a formé le 1er janvier 2022 l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM). Avec toutes ces lois, l’audiovisuel public a été pris en compte en France de manière très particulière9.
III – Changements mis en place par la nouvelle loi
Il fallait faire évoluer le droit, raison pour laquelle, dans le cadre d’un objectif économique, les trois sénateurs Catherine Morin-Desailly, Roger Karoutchi et Cédric Vial, membres de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat, ont déposé le 10 juillet 2024 une proposition de loi portant réforme du financement de l’audiovisuel public en vue de le pérenniser, sachant qu’il était question de France TV, de Radio France, de Réseau Outre-mer (RFO), de France médias monde, de TV5 Monde, d’Arte France, de Radio France International et de l’INA. Puis le 20 juillet 2024, la députée Constance Le Grip a déposé une autre proposition de loi organique à l’Assemblée nationale, proposition relative à l’extension des prélèvements sur les recettes de l’État au profit des organismes du secteur audiovisuel. Sénateurs et députés souhaitaient effectivement soutenir le CSA. Dès le 20 novembre 2024, l’Assemblée nationale a adopté la proposition de loi organique portant réforme du financement de l’audiovisuel public par l’affectation annuelle d’un « montant d’impôt d’État afin que soit pérennisé le mode actuel de financement des sociétés de l’audiovisuel public » en vue de mettre en place une nouvelle loi organique (A) sachant qu’il y a eu un article unique dans cette réforme de 2024 (B).
A – Le soutien à l’audiovisuel public grâce au vote d’une nouvelle loi organique
La loi organique n° 2024-1177 du 13 décembre 2024 portant réforme du financement de l’audiovisuel public a modifié la loi organique relative aux lois de finances parce que, historiquement, le financement de l’audiovisuel public reposait essentiellement sur la contribution à l’audiovisuel public, plus connue sous le nom de redevance télé. Toutefois, lors de la loi de finances rectificatives de 2022, cette redevance a été supprimée, tout en étant remplacée par une fraction du produit de la TVA, impôt indirect de la consommation. En 2024, le législateur a pérennisé ce mécanisme en assurant un financement durable pour les médias publics afin qu’ils puissent conserver leur statut d’indépendance, tout en respectant les règles constitutionnelles françaises et européennes, et en maintenant l’indépendance financière et éditoriale des chaînes publiques. Effectivement la garantie des ressources du secteur de l’audiovisuel public constitue un élément de son indépendance, ce qui concourt à la mise en œuvre de la liberté de communication. Le législateur a pu faire évoluer le droit car le Conseil constitutionnel a accepté le 12 décembre 202410 que soit effectivement réformé le financement de l’audiovisuel public dans le projet de loi. Il a estimé qu’il était bien conforme à la Constitution. En effet, il a relevé que l’article unique de la loi envisagée ne méconnaît pas les articles 13 et 14 de la Déclaration des droits de l’Homme de 1789 et que cette évolution législative était bien nécessaire.
En vue de soutenir l’audiovisuel public, dans son article unique, la loi du 13 décembre 2024 a modifié l’article 2 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances. Le législateur a précisément complété l’alinéa 1er de ce texte en ajoutant : « Un montant déterminé d’une imposition de toute nature peut, sous les mêmes réserves, être directement affecté aux organismes du secteur public de la communication audiovisuelle ». En outre, il a pris en compte la loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative.
L’objectif de cette réforme était de trouver au plus vite une solution pour remplacer le produit issu de la redevance de l’audiovisuel supprimée par la loi de finances de 2022 et surtout parce que dans cette loi le maintien du compte de concours financier par une fraction du produit de la TVA n’était prévu que jusqu’au 31 décembre 2024.
B – Le changement mis en place dans l’article unique de la nouvelle loi
Pour faire évoluer le droit dans le cadre de l’audiovisuel public, le législateur a tenté d’améliorer la gestion des ressources destinées aux médias publics et de permettre l’affectation durable d’une partie du produit de la TVA au financement de l’audiovisuel public. Il a modifié la loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour respecter les contraintes constitutionnelles et surtout dans le but de maintenir le financement de l’audiovisuel public par une fraction de TVA en publiant toutefois un seul article.
L’article mis en place est effectivement conforme à l’article 34 de la Constitution : « Les lois de finances déterminent les ressources et les charges de l’État dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique » ainsi qu’à son article 47 : « Le Parlement vote les projets de loi de finances dans les conditions prévues par une loi organique ». L’article unique publié dans cette loi a modifié le paragraphe II de l’article 2 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 : « Un montant déterminé d’une imposition de toute nature peut, sous les mêmes réserves, être directement affecté aux organismes du secteur public de la communication audiovisuelle ». Effectivement, il fallait confirmer la garantie des ressources de l’audiovisuel public. Avec la mise en place de cette nouvelle loi, les chaînes de télé et radios publiques continueront donc heureusement à bénéficier du montant de la TVA qui leur était reversé chaque année.
Grâce à la parution de cette nouvelle réforme, le législateur a prévu qu’un montant déterminé d’une imposition de toute nature soit directement affecté aux organismes du secteur public de la communication audiovisuelle, sous les réserves prévues au paragraphe II de cet article et aux articles 34 à 51 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances.
La suppression de la redevance télé reste une mesure positive pour les foyers, réduisant la pression fiscale tout en maintenant un accès à des services publics de qualité. Cependant, les organismes concernés continueront à percevoir un financement stable et prévisible si bien qu’ils pourront continuer de planifier leurs activités sur le long terme. La qualité des services n’est donc pas affectée mais les citoyens quant à eux vont effectivement profiter de la suppression durable de la redevance télé. Effectivement le système provisoire de financement de l’audiovisuel public par une fraction du produit de la TVA a été maintenu et les organismes de l’audiovisuel public seront encore financés par cette fraction, ce qui n’aurait plus été applicable au 31 décembre 2024 si cette nouvelle loi n’avait pas été votée.
Le mode de financement de l’audiovisuel public a donc été maintenu pour que leurs emplois soient pérennisés et que les entreprises restent indépendantes. Les organismes de l’audiovisuel public pourront donc encore exercer les missions de service public qui leur sont confiées.
Notes de bas de pages
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1.
JO, 14 déc. 2024.
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2.
JO, 17 août 2022.
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3.
JO, 7 mars 2009.
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4.
JO, 16 nov. 2013.
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5.
JO, 31 déc. 2021.
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6.
JO, 17 août 2022.
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7.
J.-C. Zarka, « La suppression de la redevance et la réforme du financement de l’audiovisuel public », LPA 31 oct. 2022, n° LPA201u7 ; J.-M. Pastor, « Les ressources de l’audiovisuel public doivent être garanties », AJDA 2022, p. 1656.
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8.
JO, 18 janv. 1989.
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9.
S. Regourd, « L’indépendance de l’audiovisuel public : la singularité du cas français », RDP nov. 2023, p. 1459.
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10.
Cons. const., DC, 12 déc. 2024, n° 2024-873.
Référence : AJU016s0
