Panorama de droit administratif (15 Mai-15 Juin 2019)

Publié le 06/11/2019

Belle sélection de décisions et d’avis de la période du 15 mai au 15 juin 2019, à commencer par l’avis qualifiant – enfin ! – la subvention et fixant le régime contentieux des actes qui y sont relatifs. Les décisions présentées dans ce panorama élargissent la notion d’ayant-droit, déterminent l’office du juge dans le cadre des contentieux sociaux, apportent des précisions quant aux actes susceptibles de recours, de présentation des pièces en cas de télétransmission, de domaine public virtuel et d’amortissement des biens d’une collectivité candidate à un contrat. Enfin l’une d’elles dégage une nouvelle présomption d’urgence justifiant le prononcé d’une ordonnance de référé-suspension.

Une recommandation du Défenseur des droits invitant à remédier à une situation n’est pas susceptible de recours

CE, 22 mai 2019, n° 414410, A. Il résulte des articles 24 et 25 de la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 que lorsqu’il émet des recommandations, sans faire usage de la faculté dont il dispose de les rendre publiques, le Défenseur des droits n’énonce pas des règles qui s’imposeraient aux personnes privées ou aux autorités publiques, mais recommande aux personnes concernées les mesures qui lui semblent de nature à remédier à tout fait ou à toute pratique qu’il estime être discriminatoire, ou à en prévenir le renouvellement. Par suite, ces recommandations, alors même qu’elles auraient une portée générale, ne constituent pas des décisions administratives susceptibles de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir. Il en est de même du refus de faire usage des pouvoirs que le Défenseur des droits tient de ces dispositions.

La « décision » en litige est une recommandation par laquelle le Défenseur des droits a invité l’Administration à prendre des mesures susceptibles de remédier à ce qu’il a estimé être des pratiques discriminatoires. En estimant que cette recommandation ne constituait pas une décision administrative qui s’impose aux personnes concernées et susceptible comme telle de faire l’objet d’un recours en excès de pouvoir, la cour administrative d’appel n’a pas commis d’erreur de droit ni inexactement qualifié l’acte dont il était saisi.

Inclusion de locaux dans le domaine public virtuel

CE, 22 mai 2019, n° 423230, Association Les Familles A, B, C du Gard. Lorsqu’une personne publique a pris la décision d’affecter un bien qui lui appartient à un service public et que l’aménagement indispensable à l’exécution des missions de ce service public peut être regardé comme entrepris de façon certaine, eu égard à l’ensemble des circonstances de droit et de fait, telles que, notamment, les actes administratifs intervenus, les contrats conclus, les travaux engagés, ce bien doit être regardé comme une dépendance du domaine public1.

La commune a décidé, par délibération de son conseil municipal, de créer un service public d’accueil de la petite enfance et d’affecter à ce service public, à compter du 2 août 2018, les locaux communaux mis à la disposition de l’association requérante, qui disposait d’un titre pour les occuper jusqu’au 1er août 2018. Ces locaux, dans lesquels l’association exploitait une crèche et une halte-garderie, disposaient déjà des aménagements indispensables à l’activité de service public dont la création avait été décidée. En retenant, eu égard à l’ensemble des circonstances de droit et de fait de l’espèce, que les locaux en cause pouvaient être regardés comme une dépendance du domaine public de la commune et que la demande de la commune tendant au prononcé d’une mesure d’expulsion de ces locaux à compter du 2 août 2018 n’échappait pas manifestement à la compétence de la juridiction administrative, le juge des référés du tribunal administratif n’a pas commis d’erreur de droit.

Seule la notification de la décision expresse de rejet du RAPO fait courir le délai de recours d’un militaire

CE, 22 mai 2019, n° 423273, ministre des Armées. D’une part, la commission des recours des militaires doit être qualifiée, compte tenu notamment de sa composition et de son fonctionnement, d’organisme collégial au sens et pour l’application des dispositions du 2° de l’article R. 421-3 du Code de justice administrative et, d’autre part, que les articles R. 4125-1 et R. 4125-10 du Code de la défense, en tant qu’elles se bornent à fixer à 4 mois le délai à l’expiration duquel naît une décision implicite de rejet par la ou les autorités compétentes du recours administratif préalable obligatoire formé par un militaire, n’ont ni pour objet, ni pour effet, de déroger à l’application des dispositions de l’article R. 421-3 du Code de justice administrative. Par suite, seule la notification au militaire concerné d’une décision expresse de rejet du recours administratif préalable obligatoire est susceptible de faire courir le délai de recours contentieux de 2 mois prévu à l’article R. 421-2 du Code de justice administrative.

La cour administrative d’appel a jugé que seule la notification de la décision expresse de rejet du recours administratif préalable obligatoire de l’intéressée, laquelle est intervenue le 24 juillet 2017, a pu faire courir le délai de recours contentieux à l’encontre du rejet de son recours, cette décision expresse s’étant substituée à la décision implicite initiale de rejet. La demande de l’intéressée tendant à l’annulation de cette décision expresse de rejet a été enregistrée le 15 septembre 2017 par le tribunal administratif. L’intéressée disposait d’un délai de recours contentieux de 2 mois à compter de la date de notification de la décision expresse de rejet concernant son recours administratif préalable obligatoire. Le ministre des Armées n’est pas fondé à soutenir que la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit.

Règlement de consultation : il n’y a pas à respecter des exigences inutiles

CE, 22 mai 2019, n° 426763, Sté Corsica Ferries. Le règlement de la consultation prévu par une autorité concédante pour la passation d’un contrat de concession est obligatoire dans toutes ses mentions. L’autorité concédante ne peut, dès lors, attribuer ce contrat à un candidat qui ne respecte pas une des exigences imposées par ce règlement, sauf si cette exigence se révèle manifestement dépourvue de toute utilité pour l’examen des candidatures ou des offres. Une candidature doit être regardée comme incomplète, au sens de l’article 23 du décret du 1er février 2016, quand bien même elle contiendrait les pièces et informations dont la production est obligatoire en application des articles 19, 20 et 21 de ce décret, dès lors qu’elle ne respecte pas les exigences fixées par le règlement de la consultation relatives au mode de transmission de ces documents, sous réserve que ces exigences ne soient pas manifestement inutiles.

Pour rejeter la demande de la société requérante, le juge des référés a estimé, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, que l’obligation imposée aux candidats par l’article 6-1 du règlement de la consultation de déposer une version sur support numérique des dossiers de candidature n’était pas une formalité inutile, en raison notamment de ce qu’elle avait pour objet de permettre l’analyse des candidatures déposées dans des délais contraints. Les candidats à l’attribution d’un contrat de concession doivent respecter les exigences imposées par le règlement de la consultation et ne peuvent être exonérés de cette obligation que dans l’hypothèse où l’une de ces exigences serait manifestement dépourvue de toute utilité pour l’examen des candidatures ou des offres. Par suite, c’est sans commettre d’erreur de droit que le juge des référés a estimé que l’absence de version sous format dématérialisé du dossier de candidature de la société requérante avait pour effet de rendre cette candidature incomplète au sens de l’article 23 du décret du 1er février 2016, alors même qu’une version sous format papier comportant les pièces et informations demandées avait été également déposée.

Acte détachable de la conduite des relations internationales ne faisant pas grief

CE, 27 mai 2019, n° 422069, Association française des riverains de l’aéroport de Genève. La décision de rejet de la demande tendant à ce que le gouvernement émette un avis négatif dans le cadre de la consultation préalable à l’adoption par les autorités suisses de la fiche du plan sectoriel de l’infrastructure aéronautique relative à l’aéroport international de Genève est détachable de la conduite des relations internationales et des stipulations de l’accord conclu le 22 juin 2001 entre l’État français et la Confédération suisse relatif à la délégation consentie par la France à la Suisse pour la fourniture des services de la circulation aérienne dans une partie de l’espace aérien français. Toutefois, si la juridiction administrative est compétente pour en connaître, le refus d’émettre un tel avis ne fait pas grief et ne produit par lui-même aucun effet juridique. Il en résulte que les conclusions tendant à son annulation sont manifestement irrecevables.

Seul le juge de l’excès de pouvoir peut connaître des recours, autres qu’indemnitaires, relatifs à une subvention

CE, avis, 29 mai 2019, n° 428040, SAS Royal Cinéma. Une décision qui a pour objet l’attribution d’une subvention constitue un acte unilatéral qui crée des droits au profit de son bénéficiaire ; de tels droits ne sont ainsi créés que dans la mesure où le bénéficiaire de la subvention respecte les conditions mises à son octroi, que ces conditions découlent des normes qui la régissent, qu’elles aient été fixées par la personne publique dans sa décision d’octroi, qu’elles aient fait l’objet d’une convention signée avec le bénéficiaire, ou encore qu’elles découlent implicitement mais nécessairement de l’objet même de la subvention.

Indépendamment des actions indemnitaires qui peuvent être engagées contre la personne publique, les recours relatifs à une subvention, qu’ils aient en particulier pour objet la décision même de l’octroyer, quelle qu’en soit la forme, les conditions mises à son octroi par cette décision ou par la convention conclue en application de l’article 10 de la loi du 12 avril 2000, ou encore les décisions de la personne publique auxquelles elle est susceptible de donner lieu, notamment les décisions par lesquelles la personne publique modifie le montant ou les conditions d’octroi de la subvention, cesse de la verser ou demande le remboursement des sommes déjà versées, ne peuvent être portés que devant le juge de l’excès de pouvoir, par le bénéficiaire de la subvention ou par des tiers qui disposent d’un intérêt leur donnant qualité à agir2. Un tel recours pour excès de pouvoir peut être assorti d’une demande de suspension de la décision litigieuse, présentée sur le fondement de l’article L. 521-1 du Code de justice administrative.

Un proche du défunt, qui entretenait des liens étroits avec lui, est un ayant-droit

CE, sect., 3 juin 2019, n° 414098, Mme J. et A. En prévoyant, depuis la loi du 9 août 2004, l’indemnisation au titre de la solidarité nationale des ayants-droit d’une personne décédée en raison d’un accident médical, d’une affection iatrogène ou d’une infection nosocomiale, le II de l’article L. 1142-1 du Code de la santé publique ouvre un droit à réparation aux proches de la victime, qu’ils aient ou non la qualité d’héritiers, qui entretenaient avec elle des liens étroits, dès lors qu’ils subissent du fait de son décès un préjudice direct et certain. Par ailleurs, lorsque la victime a subi avant son décès, en raison de l’accident médical, de l’affection iatrogène ou de l’infection nosocomiale, des préjudices pour lesquels elle n’a pas bénéficié d’une indemnisation, les droits qu’elle tirait des dispositions précitées sont transmis à ses héritiers en application des règles du droit successoral résultant du Code civil3.

Contentieux sociaux : office du juge

CE, sect., 3 juin 2019, n° 419903, Dpt de l’Oise ; CE, 3 juin 2019, n° 423001, Mme B. ; CE, 3 juin 2019, n° 422873, A. ; CE, 3 juin 2019, n° 415040, B. (4 esp.). Lorsqu’il statue sur un recours dirigé contre une décision par laquelle l’Administration, sans remettre en cause des versements déjà effectués, détermine les droits d’une personne en matière d’aide ou d’action sociale, de logement ou au titre des dispositions en faveur des travailleurs privés d’emploi, et sous réserve du contentieux du droit au logement opposable, il appartient au juge administratif, eu égard tant à la finalité de son intervention qu’à sa qualité de juge de plein contentieux, non de se prononcer sur les éventuels vices propres de la décision attaquée, mais d’examiner les droits de l’intéressé, en tenant compte de l’ensemble des circonstances de fait qui résultent de l’instruction et, notamment, du dossier qui lui est communiqué en application de l’article R. 7728 du Code de justice administrative. Au vu de ces éléments, il lui appartient d’annuler ou de réformer, s’il y a lieu, cette décision, en fixant alors lui-même tout ou partie des droits de l’intéressé et en le renvoyant, au besoin, devant l’Administration afin qu’elle procède à cette fixation pour le surplus, sur la base des motifs de son jugement.

Dans le cas d’un contentieux portant sur les droits au revenu de remplacement des travailleurs privés d’emploi, c’est au regard des dispositions applicables et de la situation de fait existant au cours de la période en litige que le juge doit statuer (n° 423001).

Lorsqu’il statue sur un recours dirigé contre une décision refusant une prise en charge par le service de l’aide sociale à l’enfance, il appartient au juge administratif, eu égard tant à la finalité de son intervention qu’à sa qualité de juge de plein contentieux, non de se prononcer sur les éventuels vices propres de la décision attaquée, mais d’examiner la situation de l’intéressé, en tenant compte de l’ensemble des circonstances de fait qui résultent de l’instruction et, notamment, du dossier qui lui est communiqué en application de l’article R. 772-8 du Code de justice administrative. Au vu de ces éléments, il lui appartient d’annuler, s’il y a lieu, cette décision en accueillant lui-même la demande de l’intéressé s’il apparaît, à la date à laquelle il statue, eu égard à la marge d’appréciation dont dispose le président du conseil départemental dans leur mise en œuvre, qu’un défaut de prise en charge conduirait à une méconnaissance des dispositions du Code de l’action sociale et des familles relatives à la protection de l’enfance et en renvoyant l’intéressé devant l’Administration afin qu’elle précise les modalités de cette prise en charge sur la base des motifs de son jugement (n° 419903).

Dans le cas d’un contentieux portant sur une demande de carte de stationnement pour personnes handicapées ou de carte « mobilité inclusion » mention « stationnement pour personnes handicapées », c’est au regard des dispositions applicables et de la situation de fait existant à la date à laquelle il rend sa propre décision que le juge doit statuer.

Eu égard, d’une part, aux éléments circonstanciés produits par l’intéressé et, d’autre part, à l’absence de communication, par l’Administration, du dossier constitué pour l’instruction de la demande, il y a lieu de reconnaître le droit de l’intéressé à la carte « mobilité inclusion » mention « stationnement pour personnes handicapées » pour une durée qui doit être fixée à 1 an, et, en conséquence, d’annuler la décision par laquelle le préfet a rejeté sa demande. La présente décision implique la délivrance de cette carte par le président du conseil départemental dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la présente décision (n° 422873).

Lorsqu’il statue sur un recours dirigé contre une décision refusant ou ne faisant que partiellement droit à une demande de remise gracieuse d’un indu d’une prestation ou d’une allocation versée au titre de l’aide ou de l’action sociale, du logement ou en faveur des travailleurs privés d’emploi, il appartient au juge administratif, eu égard tant à la finalité de son intervention qu’à sa qualité de juge de plein contentieux, non de se prononcer sur les éventuels vices propres de la décision attaquée, mais d’examiner si une remise gracieuse totale ou partielle est susceptible d’être accordée, en se prononçant lui-même sur la demande au regard des dispositions applicables et des circonstances de fait dont il est justifié par l’une et l’autre parties à la date de sa propre décision (n° 412040).

Placement à l’isolement d’un détenu : présomption d’urgence pour le juge du référé-suspension

CE, 7 juin 2019, n° 426772, Mme B. Eu égard à son objet et à ses effets sur les conditions de détention, la décision plaçant d’office à l’isolement une personne détenue ainsi que les décisions prolongeant éventuellement un tel placement, prises sur le fondement de l’article 726-1 du Code de procédure pénale, portent en principe, sauf à ce que l’administration pénitentiaire fasse valoir des circonstances particulières, une atteinte grave et immédiate à la situation de la personne détenue, de nature à créer une situation d’urgence justifiant que le juge administratif des référés, saisi sur le fondement de l’article L. 521-1 du Code de justice administrative, puisse ordonner la suspension de leur exécution s’il estime remplie l’autre condition posée par cet article4.

Amortissement des biens d’une collectivité candidate à un contrat

CE, 14 juin 2019, n° 411444, Sté Vinci construction maritime et fluvial, venant aux droits de la société Armor SNC. Le département de la Vendée a engagé une procédure d’appel d’offres en vue de la réalisation de travaux de dragage. La commission d’appel d’offres a attribué ce marché au département de la Charente-Maritime.

Hormis celles qui leur sont confiées pour le compte de l’État, les compétences dont disposent les collectivités territoriales ou leurs établissements publics de coopération s’exercent en vue de satisfaire un intérêt public local. Si aucun principe ni aucun texte ne fait obstacle à ce que ces collectivités ou leurs établissements publics de coopération se portent candidats à l’attribution d’un contrat de commande publique pour répondre aux besoins d’une autre personne publique5, ils ne peuvent légalement présenter une telle candidature que si elle répond à un tel intérêt public, c’est-à-dire si elle constitue le prolongement d’une mission de service public dont la collectivité ou l’établissement public de coopération a la charge, dans le but notamment d’amortir des équipements, de valoriser les moyens dont dispose le service ou d’assurer son équilibre financier, et sous réserve qu’elle ne compromette pas l’exercice de la mission. Une fois admise dans son principe, cette candidature ne doit pas fausser les conditions de la concurrence6. En particulier, le prix proposé par la collectivité territoriale ou l’établissement public de coopération doit être déterminé en prenant en compte l’ensemble des coûts directs et indirects concourant à sa formation, sans que la collectivité publique ne bénéficie, pour le déterminer, d’un avantage découlant des ressources ou des moyens qui lui sont attribués au titre de ses missions de service public et à condition qu’elle puisse, si nécessaire, en justifier par ses documents comptables ou tout autre moyen d’information approprié. Ces règles s’appliquent enfin sans préjudice des coopérations que les personnes publiques peuvent organiser entre elles, dans le cadre de relations distinctes de celles d’opérateurs intervenant sur un marché concurrentiel.

La candidature d’une collectivité territoriale à l’attribution d’un contrat de commande publique peut être regardée comme répondant à un intérêt public local lorsqu’elle constitue le prolongement d’une mission de service public dont la collectivité a la charge, notamment parce que l’attribution du contrat permettrait d’amortir des équipements dont elle dispose. Cet amortissement ne doit toutefois pas s’entendre dans un sens précisément comptable, mais plus largement comme traduisant l’intérêt qui s’attache à l’augmentation du taux d’utilisation des équipements de la collectivité, dès lors que ces derniers ne sont pas surdimensionnés par rapport à ses propres besoins.

Il ressort des pièces du dossier que la drague acquise par le département de la Charente-Maritime a été dimensionnée pour faire face aux besoins et spécificités des ports de ce département mais n’est utilisée qu’une partie de l’année pour répondre à ces besoins. Dès lors, son utilisation hors du territoire départemental peut être regardée comme s’inscrivant dans le prolongement du service public de création, d’aménagement et d’exploitation des ports maritimes de pêche dont le département a la charge en application des dispositions de l’article L. 601-1 du Code des ports maritimes, sans compromettre l’exercice de cette mission, une telle utilisation de cette drague permettant d’amortir l’équipement et de valoriser les moyens dont dispose, dans ce cadre, le service public de dragage de la Charente-Maritime. Par suite, le moyen tiré de ce que la candidature du département de la Charente-Maritime n’aurait pas répondu à un intérêt public local doit être écarté.

Lorsque le prix de l’offre d’une collectivité territoriale est nettement inférieur à ceux des offres des autres candidats, il appartient au pouvoir adjudicateur de s’assurer, en demandant la production des documents nécessaires, que l’ensemble des coûts directs et indirects a été pris en compte pour fixer ce prix, afin que ne soient pas faussées les conditions de la concurrence. Si l’offre de la collectivité est retenue et si le prix de l’offre est contesté dans le cadre d’un recours formé par un tiers, il appartient au juge administratif de vérifier que le pouvoir adjudicateur ne s’est pas fondé, pour retenir l’offre de la collectivité, sur un prix manifestement sous-estimé au regard de l’ensemble des coûts exposés et au vu des documents communiqués par la collectivité candidate.

Précisions sur le regroupement de pièces en cas de télétransmission

CE, 14 juin 2019, n° 420861, Mme B. Après avoir rappelé la jurisprudence Sergent7, le Conseil d’État précise que les articles R. 414-1 et R. 414-3 du Code de justice administrative relatifs à la transmission de la requête et des pièces qui y sont jointes par voie électronique ne font pas obstacle, lorsque l’auteur de la requête entend transmettre un nombre important de pièces-jointes constituant une série homogène eu égard à l’objet du litige, telles que des documents visant à établir la résidence en France d’un étranger au cours d’une année donnée, à ce qu’il les fasse parvenir à la juridiction en les regroupant dans un ou plusieurs fichiers sans répertorier individuellement chacune d’elles par un signet, à la condition que le référencement de ces fichiers ainsi que l’ordre de présentation, au sein de chacun d’eux, des pièces qu’ils regroupent soient conformes à l’énumération, figurant à l’inventaire, de toutes les pièces jointes à la requête8.

Si la requérante pouvait regrouper dans un même fichier les pièces visant à établir sa résidence en France au cours d’une année donnée sans répertorier individuellement chacune d’elles par un signet, c’était à la condition d’énumérer toutes ces pièces dans l’inventaire détaillé qui accompagne la requête et de les regrouper en respectant l’ordre indiqué par cet inventaire. Or il ressort des pièces du dossier que l’inventaire qui accompagnait sa requête d’appel ne comportait pas l’énumération des pièces regroupées par années de présence en France. Dans ces conditions les pièces jointes à la requête n’ont pas été présentées conformément aux exigences résultant de l’article R. 414-3 du Code de justice administrative. La requête doit, par suite, être rejetée comme irrecevable.

Notes de bas de pages

  • 1.
    V. CE, 13 avr. 2016, n° 391431, Cne de Baillargues : Lebon, p. 131.
  • 2.
    V. CE, 5 juill. 2010, n° 308615, CCI de l’Indre : Lebon, p. 238 – CE, 26 juill. 2011, n° 324523, EARL Le Patis Maillet : Lebon, p. 419.
  • 3.
    V., sur CE, 9 déc. 1970, n° 79808, ministre de l’Équipement et du Logement : Lebon, p. 745, indemnisation du beau-père de la victime.
  • 4.
    Ab. jur., CE, 29 déc. 2004, n° 268826, garde des Sceaux, min. Justice : Lebon T., p. 821 – CE, 1er févr. 2012, n° 350899 : Lebon, p. 912.
  • 5.
    V. CE, ass., 20 déc. 2014, n° 355563, Sté Armor SNC : Lebon, p. 433.
  • 6.
    V. CE, avis, 8 nov. 2000, n° 222208, Sté Jean-Louis Bernard Consultants : Lebon, p. 492 – CE, ass., 20 déc. 2014, Sté Armor SNC, préc.
  • 7.
    V. CE, sect., 5 oct. 2018, n° 418233, Sergent : Lebon, p. 367.
  • 8.
    V. CE, 6 févr. 2019, n° 415582, SARL Attractive Fragrances et Cosmetics.
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