Panorama de droit administratif (15 novembre – 31 décembre 2018)

Publié le 18/03/2019

Durant les six dernières semaines de l’année 2018, l’activité contentieuse du Conseil d’État et du tribunal des conflits a été riche de décisions importantes, tant en ce qui concerne la répartition des compétences entre les deux ordres en matière de contrats, que le contentieux, apportant de précieux enseignements sur la hiérarchisation des moyens en excès de pouvoir, donnant des précisions sur les conditions de publicité et de déclenchement du délai de recours contre les actes des autorités départementales, et les recours ouverts aux détenus.

Une clause d’un contrat administratif ne peut déroger à la compétence du juge administratif

T. confl., 10 déc. 2018, n° 4143, Syndicat mixte pour l’aménagement et l’exploitation de la station d’Isola 2000 et a. La convention qui liait la SAI et le syndicat mixte et qui a été résiliée par ce dernier était un contrat administratif. Le litige porte sur les conditions dans lesquelles la SAI doit, en application du contrat, être indemnisée. Alors même que les parties auraient entendu convenir d’une attribution de compétence au profit du juge judiciaire et dès lors qu’il ne résulte d’aucune disposition législative que la compétence devrait être attribuée à la juridiction judiciaire, le juge administratif est seul compétent pour connaître d’un tel litige, y compris pour fixer le montant de la plus-value à prendre en compte au titre des terrains restitués sur lesquels des travaux ont été réalisés.

Contrat de travail de droit privé et compétence, à titre préjudiciel, du juge administratif

T. confl., 12 nov. 2018, n° 4136, Mme A. Selon les dispositions, alors en vigueur, de l’article L. 5134-41 du Code du travail, le « contrat d’avenir » est un contrat de travail de droit privé à durée déterminée. Il en est de même du « contrat unique d’insertion » aux termes des dispositions combinées des articles L. 5134-19-3 et L. 5134-24 du même code. Il appartient en principe à l’autorité judiciaire de se prononcer sur les litiges nés de la conclusion, de l’exécution et de la rupture de tels contrats, même si l’employeur est une personne publique gérant un service public à caractère administratif. Il lui incombe, à ce titre, de se prononcer sur une demande de requalification de ces contrats et d’indemnisation des conséquences des manquements de l’employeur, y compris lorsqu’ils portent sur les conditions dans lesquelles les contrats ont été conclus et renouvelés.

Toutefois, d’une part, dans le cas où la contestation met en cause la légalité de la convention passée, notamment, entre l’État et l’employeur, la juridiction administrative est seule compétente pour se prononcer sur la question préjudicielle ainsi soulevée. D’autre part, le juge administratif est également seul compétent pour tirer les conséquences d’une éventuelle requalification d’un contrat, soit lorsque celui-ci n’entre en réalité pas dans le champ des catégories d’emplois, d’employeurs ou de salariés visées par le Code du travail, soit lorsque la requalification effectuée par le juge judiciaire, pour un autre motif, a pour conséquence non la réparation du préjudice résultant de la rupture du contrat mais la poursuite d’une relation contractuelle entre le salarié et la personne morale de droit public gérant un service public administratif, au-delà du terme du ou des contrats relevant de la compétence du juge judiciaire1.

Le Greta assure un service public administratif

T. confl., 12 nov. 2018, n° 1437, Société de maintenance pétrolière. Il résulte des articles L. 122-5, L. 423-1, D. 423-1, D. 423-6, D. 423-9 et D. 423-10 du Code de l’éducation que les missions de formation professionnelle font partie des missions légalement dévolues aux établissements publics d’enseignement. Les établissements publics d’enseignement relevant du ministère de l’Éducation nationale exercent ces missions en s’associant dans des groupements dépourvus de personnalité morale dits Greta. Le recteur d’académie arrête la composition et le fonctionnement du groupement et détermine l’établissement public support, membre de ce groupement, chargé d’en assurer la gestion administrative, financière et comptable. L’ordonnateur et le comptable du groupement sont ceux de l’établissement public support. En raison tant de son objet que de son mode de fonctionnement, le service public assuré par le Greta est un service public administratif. Par suite, le litige opposant la société au Greta relève de la compétence de la juridiction administrative.

Le titulaire d’un marché de prestations de vérification d’installations d’assainissement collectif ne gère pas un service public

T. confl., 12 nov. 2018, n° 4139, SARL Millet BTP et SMABTP. En vertu des dispositions du III de l’article L. 2224-8 du Code général des collectivités territoriales, la commune assure le contrôle des installations d’assainissement non collectif. La compétence que la commune tirait de ces dispositions a été transférée à une communauté de communes. Cet établissement public confie à un prestataire privé, par des marchés de prestations de services, la vérification de la conformité des installations d’assainissement non collectif aux prescriptions applicables ainsi que la rédaction et la transmission aux services de la communauté de rapports techniques comportant des propositions de décision. Le titulaire du marché ne peut être regardé comme gérant le service public de l’assainissement non collectif, qui demeure exploité en régie par la communauté de communes. Le litige opposant les sociétés à une association, au titre d’une faute que cette association aurait commise à l’occasion d’une vérification effectuée en exécution d’un tel marché, est un litige entre personnes privées relevant de la juridiction judiciaire.

Conditions d’établissement d’une redevance pour service rendu

CE, 28 nov. 2018, n° 413839, SNCF Réseau. Une redevance pour service rendu peut être légalement établie à la condition, d’une part, que les opérations qu’elle est appelée à financer ne relèvent pas de missions qui incombent par nature à l’État2 et, d’autre part, qu’elle trouve sa contrepartie directe dans une prestation rendue au bénéfice propre d’usagers déterminés34.

Détention dans des conditions attentatoires à la dignité humaine : réparation du préjudice moral

CE, sect., 3 déc. 2018, n° 412010, A. En raison de la situation d’entière dépendance des personnes détenues vis-à-vis de l’administration pénitentiaire, l’appréciation du caractère attentatoire à la dignité des conditions de détention dépend notamment de leur vulnérabilité, appréciée compte tenu de leur âge, de leur état de santé, de leur personnalité et, le cas échéant, de leur handicap, ainsi que de la nature et de la durée des manquements constatés et eu égard aux contraintes qu’implique le maintien de la sécurité et du bon ordre dans les établissements pénitentiaires. Les conditions de détention s’apprécient au regard de l’espace de vie individuel réservé aux personnes détenues, de la promiscuité engendrée, le cas échéant, par la sur-occupation des cellules, du respect de l’intimité à laquelle peut prétendre tout détenu, dans les limites inhérentes à la détention, de la configuration des locaux, de l’accès à la lumière, de l’hygiène et de la qualité des installations sanitaires et de chauffage5.

Seules des conditions de détention qui porteraient atteinte à la dignité humaine, appréciées à l’aune de ces critères et des articles D. 349 à D. 351 du Code de procédure pénale, révèlent l’existence d’une faute de nature à engager la responsabilité de la puissance publique. Une telle atteinte, si elle est caractérisée, est de nature à engendrer, par elle-même, un préjudice moral pour la personne qui en est la victime qu’il incombe à l’État de réparer6. À conditions de détention constantes, le seul écoulement du temps aggrave l’intensité du préjudice subi.

Le préjudice moral subi par un détenu à raison de conditions de détention attentatoires à la dignité humaine revêt un caractère continu et évolutif. Par ailleurs, rien ne fait obstacle à ce que ce préjudice soit mesuré dès qu’il a été subi. La créance indemnitaire qui résulte de ce préjudice doit être rattachée, dans la mesure où il s’y rapporte, à chacune des années au cours desquelles il a été subi.

Publicité des actes départementaux et déclenchement du délai – prise en charge des mineurs étrangers

CE, sect., 3 déc. 2018, n° 409667, Ligue française pour la défense des droits de l’Homme et du citoyen. S’il résulte de l’article L. 3131-1 du Code général des collectivités territoriales que la formalité de publicité qui conditionne l’entrée en vigueur d’un acte réglementaire pris par une autorité départementale peut être soit la publication, soit l’affichage, l’affichage d’un tel acte à l’hôtel du département ne suffit pas à faire courir le délai de recours contentieux contre cet acte. Sont en revanche de nature à faire courir ce délai soit la publication de l’acte au recueil des actes administratifs du département7, dans les conditions prévues aux articles L. 3131-3 et R. 3131-1, soit sa publication, en complément de l’affichage à l’hôtel du département, dans son intégralité sous forme électronique sur le site internet du département, dans des conditions garantissant sa fiabilité et sa date de publication8.

Si, en principe, le fait qu’une décision administrative ait un champ d’application territorial limité fait obstacle à ce qu’une association ayant un ressort national justifie d’un intérêt lui donnant qualité pour en demander l’annulation, il peut en aller autrement lorsque la décision soulève, en raison de ses implications, notamment dans le domaine des libertés publiques, des questions qui, par leur nature et leur objet, excèdent les seules circonstances locales. L’arrêté attaqué, qui est de nature à affecter de façon spécifique les mineurs étrangers isolés, présente une portée qui excède le seul département de la Mayenne. Par suite, l’association qui, aux termes de ses statuts, s’est notamment donnée pour objet le combat contre toute forme de discrimination, justifie d’un intérêt lui donnant qualité pour agir à l’encontre de cet arrêté9.

Il résulte des articles 375, 375-3 et 375-5 du Code civil, L. 221-1, L. 221-2 alors en vigueur, L. 222-1 alors en vigueur et L. 223-2 du Code de l’action sociale et des familles qu’il incombe au service de l’aide sociale à l’enfance, notamment, de prendre en charge les mineurs qui lui sont confiés par le juge des enfants ou le procureur de la République et, en cas d’urgence et si leurs représentants légaux sont dans l’impossibilité de donner leur accord, d’assurer le recueil provisoire des mineurs dont la santé, la sécurité ou la moralité sont en danger. À cette fin, il appartient au président du conseil général, comme à tout chef de service, de prendre les mesures nécessaires au bon fonctionnement du service de l’aide sociale à l’enfance placé sous son autorité, et, à cet effet, d’organiser les moyens nécessaires à l’accueil et à l’hébergement de ces mineurs et de déterminer les conditions de leur prise en charge au regard notamment d’un risque sanitaire avéré, le cas échéant en coopération avec les autorités sanitaires compétentes. En revanche, il ne saurait subordonner l’accueil de certains mineurs par le service de l’aide sociale à l’enfance du département à une prise en charge préalable par d’autres autorités.

Le juge de la transaction est celui du différend compris dans la transaction

T. confl., 10 déc. 2018, n° 4142, GFA de Fraise et EARL de Fraise. Le différend auquel la transaction invoquée a mis fin est né de l’installation par la commune d’un ouvrage public sur une propriété privée et de l’emprise ainsi réalisée sur cette propriété. Le différend compris dans la transaction ressortissant à la compétence de la juridiction administrative, cette juridiction est compétente pour connaître du litige.

Hiérarchisation des moyens en excès de pouvoir

CE, sect., 21 déc. 2018, n° 409678, Société Eden. Le motif par lequel le juge de l’excès de pouvoir juge fondé l’un quelconque des moyens de légalité soulevés devant lui ou des moyens d’ordre public qu’il relève d’office, suffit à justifier l’annulation de la décision administrative contestée. Il s’ensuit que, sauf dispositions législatives contraires, le juge de l’excès de pouvoir n’est en principe pas tenu, pour faire droit aux conclusions à fin d’annulation dont il est saisi, de se prononcer sur d’autres moyens que celui qu’il retient explicitement comme étant fondé.

La portée de la chose jugée et les conséquences qui s’attachent à l’annulation prononcée par le juge de l’excès de pouvoir diffèrent toutefois selon la substance du motif qui est le support nécessaire de l’annulation. C’est en particulier le cas selon que le motif retenu implique ou non que l’autorité administrative prenne, en exécution de la chose jugée et sous réserve d’un changement des circonstances, une décision dans un sens déterminé. Il est, à cet égard, loisible au requérant d’assortir ses conclusions à fin d’annulation de conclusions à fin d’injonction, tendant à ce que le juge enjoigne à l’autorité administrative de prendre une décision dans un sens déterminé, sur le fondement de l’article L. 911-1 du Code de justice administrative, ou à ce qu’il lui enjoigne de reprendre une décision dans un délai déterminé, sur le fondement de l’article L. 911-2 du même code.

Lorsque le juge de l’excès de pouvoir annule une décision administrative alors que plusieurs moyens sont de nature à justifier l’annulation, il lui revient, en principe, de choisir de fonder l’annulation sur le moyen qui lui paraît le mieux à même de régler le litige, au vu de l’ensemble des circonstances de l’affaire. Mais lorsque le requérant choisit de présenter, outre des conclusions à fin d’annulation, des conclusions à fin d’injonction tendant à ce que le juge enjoigne à l’autorité administrative de prendre une décision dans un sens déterminé, il incombe au juge de l’excès de pouvoir d’examiner prioritairement les moyens qui seraient de nature, étant fondés, à justifier le prononcé de l’injonction demandée. Il en va également ainsi lorsque des conclusions à fin d’injonction sont présentées à titre principal sur le fondement de l’article L. 911-1 du Code de justice administrative et à titre subsidiaire sur le fondement de l’article L. 911-2.

De même, lorsque le requérant choisit de hiérarchiser, avant l’expiration du délai de recours, les prétentions qu’il soumet au juge de l’excès de pouvoir en fonction de la cause juridique sur laquelle reposent, à titre principal, ses conclusions à fin d’annulation, il incombe au juge de l’excès de pouvoir de statuer en respectant cette hiérarchisation, c’est-à-dire en examinant prioritairement les moyens qui se rattachent à la cause juridique correspondant à la demande principale du requérant.

Dans le cas où il ne juge fondé aucun des moyens assortissant la demande principale du requérant mais retient un moyen assortissant sa demande subsidiaire, le juge de l’excès de pouvoir n’est tenu de se prononcer explicitement que sur le moyen qu’il retient pour annuler la décision attaquée : statuant ainsi, son jugement écarte nécessairement les moyens qui assortissaient la demande principale.

Si le jugement est susceptible d’appel, le requérant est recevable à relever appel en tant que le jugement n’a pas fait droit à sa demande principale. Il appartient alors au juge d’appel, statuant dans le cadre de l’effet dévolutif, de se prononcer sur les moyens, soulevés devant lui, susceptibles de conduire à faire droit à la demande principale.

Compétence pour connaître d’un litige entre membres d’un groupement de constructeurs réalisant des travaux publics

T. confl., 10 déc. 2018, n° 4144, SARL Egis Bâtiments Centre Ouest. Le litige né de l’exécution d’un marché public de travaux et opposant des participants à l’exécution de ces travaux relève de la compétence de la juridiction administrative, sauf si les parties en cause sont unies par un contrat de droit privé. Lorsque le juge administratif est saisi d’un litige né de l’exécution d’un marché public de travaux opposant le maître d’ouvrage à des constructeurs qui ont constitué un groupement pour exécuter le marché, il est également compétent pour connaître des actions en garantie engagées par les constructeurs les uns envers les autres si le marché indique la répartition des prestations entre les membres du groupement ou si la répartition des prestations résulte d’un contrat de droit privé conclu entre eux, sous réserve d’une éventuelle question préjudicielle au juge judiciaire en cas de difficulté sérieuse portant sur la validité ou l’interprétation de ce contrat.

Toutefois le litige oppose deux sociétés membres du même groupement et liées entre elles par un contrat de droit privé, hors tout litige né de l’exécution d’un marché public de travaux et qui aurait opposé le maître de l’ouvrage à un ou des constructeurs. Il ne met en cause que les conditions d’exécution de ce contrat de droit privé et ainsi uniquement des relations de droit privé. Il appartient, dès lors, au juge judicaire d’en connaître.

Contrat faisant participer une association au service public muséal

T. confl., 10 déc. 2018, n° 4140, Association pour le musée des Îles Saint-Pierre-et-Miquelon. L’exploitation d’un musée, au sens de l’article L. 410-1 du Code du patrimoine, relève d’une mission de service public. Il ressort des stipulations de la convention litigieuse que l’association pour le musée des Îles Saint-Pierre-et-Miquelon a transféré la propriété de l’intégralité de sa collection à la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon, dans le but de constituer le fonds initial du musée créé par cette dernière. Ladite convention stipule, en outre, que l’association pourra participer, sous l’autorité du responsable du musée, à l’enrichissement des collections, ainsi qu’à l’organisation de visites guidées, d’expositions temporaires et de conférences. Enfin, elle prévoit que la collection dévolue au musée de la collectivité ne pourra faire l’objet d’aucune autre affectation, d’aucun dépôt ni d’aucun prêt sans l’accord de l’association. Il résulte de l’ensemble de ces éléments que celle-ci participe à l’exécution du service public dont a la charge le musée de la collectivité territoriale. Dès lors, la convention présente le caractère d’un contrat administratif et son contentieux ressortit à la compétence de la juridiction administrative.

L’un des ordres a rejeté la demande sans décliner sa compétence : absence de potentiel conflit négatif

T. confl., 10 déc. 2018, n° 4145, Mme A. Le tribunal des affaires de sécurité sociale a rejeté la demande formée à l’encontre de la caisse primaire d’assurance maladie sans décliner sa compétence. Par suite, s’il incombe à la juridiction judiciaire de connaître des demandes de Mme A. à l’encontre de la commune tendant au paiement de prestations et de dommages et intérêts, c’est à tort qu’il a, par application de l’article 32 du décret du 27 février 2015, dont les conditions n’étaient pas remplies, renvoyé au tribunal des conflits le soin de se prononcer sur la question de compétence.

Droit au recours d’un détenu contre une translation judiciaire

CE, 12 déc. 2018, n° 417244, Section française de l’observatoire international des prisons. Par sa décision n° 2018-715 QPC du 22 juin 2018, le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la constitution les mots « sous réserve que l’autorité judiciaire ne s’y oppose pas » figurant à l’article 40 de la loi du 24 novembre 2009, a reporté au 1er mars 2019 la date de cette abrogation et jugé que les décisions de refus prises après la date de cette publication pouvaient être contestées dans les conditions prévues par la deuxième phrase du quatrième alinéa de l’article 145-4 du Code de procédure pénale.

L’absence de prescriptions relatives à la remise en cause des effets produits par les dispositions déclarées contraires à la constitution avant leur abrogation doit, en l’espèce, eu égard à la circonstance que le Conseil constitutionnel a décidé de reporter dans le temps les effets abrogatifs de sa décision, être regardée comme indiquant que celui-ci n’a pas entendu remettre en cause les effets que la disposition déclarée contraire à la constitution avait produits avant la date de son abrogation.

Le Conseil constitutionnel ayant consacré l’existence d’une voie de recours permettant, dès la date de publication de sa décision, aux détenus prévenus de contester le refus par l’autorité judiciaire de les autoriser à exercer leur droit de correspondance avec des tiers, le moyen tiré de la violation des stipulations de l’article 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales ne peut qu’être écarté.

Il résulte du régime de la détention provisoire prévu par les articles 143-1 et suivants du Code de procédure pénale que toutes les décisions affectant ses modalités d’exécution impliquent nécessairement l’intervention du magistrat judiciaire saisi du dossier de la procédure. Le pouvoir réglementaire était compétent pour définir les conditions dans lesquelles l’autorité judiciaire ordonne la translation judiciaire d’une personne détenue en prévention.

Eu égard à leur nature et à leurs effets, afin de respecter les exigences fixées par l’article 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, les décisions de changement d’affectation entre établissements de même nature doivent pouvoir faire l’objet d’un recours, au moins lorsque la nouvelle affectation s’accompagne d’une modification du régime de détention entraînant une aggravation des conditions de détention ou, si tel n’est pas le cas, lorsque sont en cause des libertés et des droits fondamentaux des détenus. Le pouvoir réglementaire ne pouvait légalement intervenir tant que le législateur n’avait pas préalablement organisé, dans son champ de compétence relatif à la procédure pénale, une voie de recours effectif permettant de contester des mesures de translation judiciaire, à tout le moins dans les cas mentionnés précédemment.

De la distinction entre les deux modes de gestion des bois et forêts

CE, sect., 21 déc. 2018, n° 404912, Commune de Saint-Jean de Marsacq. La commune demande l’annulation de la décision par laquelle le directeur général de l’office national des forêts a refusé de faire droit à sa demande tendant à ce qu’il adopte et propose à l’approbation du ministre chargé des Forêts un projet de règlement type de gestion, tel que prévu par les articles L. 124-1 et R. 124-2 du Code forestier, correspondant à la catégorie de bois et forêts dont relèvent ses bois communaux et de la décision implicite de rejet née du silence gardé par le ministre sur sa demande tendant à ce qu’il approuve ce règlement type de gestion.

Il résulte des termes mêmes de l’article L. 211-1 du Code forestier que les bois et forêts susceptibles d’aménagement, d’exploitation régulière ou de reconstitution appartenant aux communes doivent, pour relever du régime forestier, au sens de cet article, avoir fait l’objet d’une décision de l’autorité administrative compétente de l’État prononçant l’application de ce régime dans les conditions définies à l’article L. 214-3 du même code. Il résulte du dernier alinéa de l’article L. 124-1, de l’article R. 124-2 et du second alinéa de l’article D. 212-10 que, lorsque, faute d’avoir fait l’objet d’une telle décision, ces bois et forêts ne relèvent pas du régime forestier, ils présentent des garanties de gestion durable s’ils sont gérés conformément à un règlement type de gestion élaboré par l’ONF et approuvé par le ministre chargé des Forêts. Si, selon l’article D. 156-6, la commune ne peut prétendre aux aides publiques attribuées par l’État ou pour son compte que si le régime forestier a été rendu applicable à ces bois et forêts, le fait que ceux-ci présentent des garanties de gestion durable a notamment pour effet de les dispenser d’obtenir l’autorisation de coupe d’arbres prévue à l’article L. 124-5 du Code forestier.

Les bois et forêts de la commune sont susceptibles d’aménagement, d’exploitation régulière ou de reconstitution mais n’ont pas fait l’objet d’une décision administrative prise sur le fondement de l’article L. 214-3 du Code forestier. En conséquence, ils ne peuvent présenter de garanties de gestion durable que s’ils sont gérés conformément à un règlement type de gestion édicté sur le fondement du neuvième alinéa de l’article L. 124-1 du Code forestier.

Il résulte de l’article L. 124-1, du 2° de l’article R. 124-2 et de l’article D. 212-10 du Code forestier qu’il incombe à l’ONF de proposer à l’approbation du ministre chargé des Forêts un projet de règlement type de gestion pour chaque catégorie de bois et forêts appartenant à des personnes publiques et auxquels le régime forestier n’a pas été rendu applicable. En refusant, respectivement, d’élaborer et d’approuver un règlement type de gestion pour la ou les catégories dont relèvent les bois et forêts de la commune, auxquels le régime forestier n’a pas été rendu applicable, l’ONF et le ministre ont méconnu ces dispositions.

Absence d’obligation de mise à disposition par le CNFPT d’un agent chargé d’une mission

CE, 28 déc. 2018, n° 411695, Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT). Il résulte de l’article 97 de la loi du 26 janvier 1984 que le fonctionnaire qui a perdu son emploi et qui est pris en charge par le CNFPT est placé sous l’autorité du centre qui exerce à son égard les prérogatives de l’autorité investie du pouvoir de nomination. Pendant cette prise en charge, le centre peut confier au fonctionnaire des missions qui sont exercées soit pour le compte du centre pour satisfaire ses besoins propres, soit pour le compte de collectivités territoriales ou d’établissements publics. Si l’article 97 prévoit que ces dernières missions exercées pour le compte de collectivités territoriales ou d’établissements publics peuvent être assurées dans le cadre d’une mise à disposition dans les conditions prévues aux articles 61 et 62 de la loi du 26 janvier 1984, ni les termes de cet article ni aucune autre disposition de la loi n’imposent d’avoir recours exclusivement à cette position statutaire.

Pourvoi en cassation versus immunité des États

CE, 28 déc. 2018, n° 418889, État d’Ukraine. Les dispositions de l’article 1009-1 du Code de procédure civile ouvrent la faculté au premier président de la Cour de cassation ou à son délégué, sur demande du défendeur, de subordonner l’exercice du recours en cassation à la justification de l’exécution de la décision juridictionnelle contestée. Une telle mesure ne constitue ni ne permet, par elle-même, une exécution forcée de cette décision juridictionnelle.

Le refus d’abrogation des articles 1009-1, 1009-2 et 1009-3 du Code de procédure civile n’est pas entaché d’une erreur manifeste d’appréciation en tant qu’il soumettrait la République française au risque de se voir, par réciprocité, appliquer une procédure similaire devant une juridiction étrangère et en tant qu’il nuirait à l’attractivité de la France en matière d’arbitrage.

Notes de bas de pages

  • 1.
    V. T. confl., 22 nov. 2010, n° C3789, X. et. c/ Lycée David d’Angers ; T. confl., 22 nov. 2010, n° C3790, X. et. c/ Lycée David d’Angers ; T. confl., 22 nov. 2010, n° C3791, X. et. c/ Lycée David d’Angers : Lebon T., p. 685 et 1007 – T. confl., 7 juin 1999, n° 3152, préf. Essonne : Lebon, p. 451 – T. confl., 13 mars 2000, n° 3159, Quesada : Lebon, p. 756 – T. confl., 12 déc. 2005, n° 3485 : Cne de Cestas c/ Bensacq : Lebon, p. 670.
  • 2.
    V. CE, ass., 30 oct. 1996, n° 136071, Mmes Wajs et Monnier ; CE, ass., 30 oct. 1996, n° 142688, Mmes Wajs et Monnier : Lebon, p. 387.
  • 3.
    V. CE, sect., 10 févr. 1995, n° 145607, Ch. synd. du transport aérien ; CE, sect., 10 févr. 1995, n° 148035, Ch. synd. du transport aérien : Lebon, p. 69 et 70.
  • 4.
    V. CE, ass, 21 nov. 1958, n° 30693, Synd. nat. des transporteurs aériens ; CE, ass., 21 nov. 1958, n° 33939, Synd. nat. des transporteurs aériens : Lebon, p. 572.
  • 5.
    V. CE, sect., 6 déc. 2013, n° 363290 : Lebon, p. 972 – CE, 13 janv. 2017, n° 389711 : Lebon, p. 6.
  • 6.
    V. CE, 13 janv. 2017, n° 389711, X. : Lebon, p. 6.
  • 7.
    V. CE, 3 mars 1995, n° 162657, Mme X. : Lebon, p. 120.
  • 8.
    V. CE, sect., 27 juill. 2005, n° 259004, X. : Lebon, p. 336.
  • 9.
    V. CE, 4 nov. 2015, n° 375178, Assoc. Ligue des droits de l’homme : Lebon, p. 375.
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