Panorama de droit administratif (1er avril – 15 mai 2019)

Publié le 28/10/2019

Un grand nombre de décisions rendues du 1er avril au 15 mai 2019 apportent des précisions en contentieux administratif : sur le champ d’application du référé-liberté et du déféré préfectoral, la portée de l’annulation d’un titre exécutoire et le contrôle du juge. Le Conseil d’État poursuit l’extension du champ des jurisprudences Czabaj et Eden, dans un souci de sécurité juridique, qui semble désormais primer sur le respect du principe de légalité. D’autres décisions sont relatives à des domaines divers : contrats administratifs, collectivités territoriales, fonction publique ou encore environnement et domaine public.

Acte d’une personne privée étranger à l’organisation du service public et référé-liberté

CE, réf., 4 avr. 2019, n° 429370, Sté France Télévisions. France Télévisions est une personne morale de droit privé chargée d’une mission de service public. Comme telle, elle entre dans le champ des dispositions de l’article L. 521-2 du Code de justice administrative.

Les décisions de France Télévisions de ne pas inviter certaines personnalités politiques à un débat télévisé s’inscrivent dans le champ des missions de service public que lui confère la loi. Ainsi, quand bien même les décisions par lesquelles cette société conçoit les émissions qu’elle diffuse et détermine les conditions de leur programmation ne relèvent pas, au sens strict, de l’organisation du service public dont elle est chargée et pourraient, en conséquence, ne pas être regardées comme des actes administratifs susceptibles de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir, les demandes en référé ne peuvent être regardées comme échappant, de façon manifeste, à la compétence que le juge administratif des référés tient des dispositions de l’article L. 521-2 du Code de justice administrative1.

Le déféré préfectoral est possible contre un acte préparatoire

CE, 5 avr. 2019, n° 418906, ministre de l’Intérieur. L’article L. 2224-13 du Code général des collectivités territoriales interdit certains transferts partiels de compétences en matière de collecte et de traitement des déchets des ménages. Eu égard à leur objet, ces dispositions s’appliquent non seulement aux transferts de compétences dans cette matière lorsqu’ils interviennent entre une commune et un établissement public de coopération intercommunale ou entre une commune et un syndicat mixte, mais également à de tels transferts lorsqu’ils interviennent entre un établissement public de coopération intercommunale et un syndicat mixte.

Il résulte de l’article L. 2131-6 du Code général des collectivités territoriales que le représentant de l’État dans le département peut déférer au juge administratif tous actes des collectivités territoriales qu’il estime contraires à la légalité, y compris ceux présentant un caractère préparatoire2. Il peut assortir ce recours d’une demande de suspension, y compris lorsqu’il est dirigé contre un acte présentant un caractère préparatoire ayant pour objet d’engager ou de poursuivre une procédure administrative. Est sans incidence la circonstance que l’acte préparatoire déféré par le représentant de l’État s’inscrirait dans une procédure administrative dont l’issue dépend d’une décision ressortissant à la compétence de ce dernier3. Ces dispositions ont été rendues applicables aux établissements publics de coopération intercommunale en vertu de l’article L. 5211-3 du Code général des collectivités territoriales.

Si les personnes publiques ne peuvent demander au juge de prononcer des mesures qu’elles ont le pouvoir de prendre, c’est sous réserve des cas où il en est disposé autrement par la loi. Tel est le cas lorsque le représentant de l’État dans le département demande au juge administratif, sur le fondement de l’article L. 2131-6 du Code général des collectivités territoriales, la suspension d’un acte d’une communauté de communes, sans qu’ait d’incidence à cet égard la circonstance que l’acte en cause ne revêtirait qu’un caractère préparatoire et s’inscrirait dans une procédure administrative dont l’issue dépend d’une décision ressortissant à la compétence du représentant de l’État.

Portée de l’annulation d’un titre exécutoire

CE, 5 avr. 2019, n° 413712, Sté Mandataires judiciaires associés, mandataire liquidateur judiciaire du Centre d’exportation du livre français. L’annulation d’un titre exécutoire pour un motif de régularité en la forme n’implique pas nécessairement, compte tenu de la possibilité d’une régularisation par l’Administration, l’extinction de la créance litigieuse, à la différence d’une annulation prononcée pour un motif mettant en cause le bien-fondé du titre.

Lorsque le requérant choisit de présenter, outre des conclusions tendant à l’annulation d’un titre exécutoire, des conclusions à fins de décharge de la somme correspondant à la créance de l’Administration, il incombe au juge administratif d’examiner prioritairement les moyens mettant en cause le bien-fondé du titre qui seraient de nature, étant fondés, à justifier le prononcé de la décharge4.

Dans le cas où il ne juge fondé aucun des moyens qui seraient de nature à justifier le prononcé de la décharge mais retient un moyen mettant en cause la régularité formelle du titre exécutoire, le juge n’est tenu de se prononcer explicitement que sur le moyen qu’il retient pour annuler le titre : statuant ainsi, son jugement écarte nécessairement les moyens qui assortissaient la demande de décharge de la somme litigieuse5.

Si le jugement est susceptible d’appel, le requérant est recevable à relever appel en tant que le jugement n’a pas fait droit à sa demande de décharge. Il appartient alors au juge d’appel, statuant dans le cadre de l’effet dévolutif, de se prononcer sur les moyens, soulevés devant lui, susceptibles de conduire à faire droit à cette demande6.

Si la clôture pour insuffisance d’actif d’une procédure de liquidation judiciaire de l’entreprise bénéficiaire d’une aide d’État illégale est susceptible, en fonction de la situation particulière de l’entreprise, de permettre à un État membre de démontrer qu’il est dans l’impossibilité absolue de récupérer cette aide, tel n’est pas le cas de la seule ouverture d’une telle procédure et de l’inscription de la créance de l’État au tableau des créances de la liquidation judiciaire.

Contrôle du juge sur l’interdiction d’un film aux mineurs

CE, 5 avr. 2019, n° 417343, Sté Margo Cinéma. L’article L. 211-1 du Code du cinéma et de l’image animée (CCIA) confère au ministre de la Culture l’exercice d’une police spéciale fondée sur les nécessités de la protection de l’enfance et de la jeunesse et du respect de la dignité humaine. À cette fin, il lui revient d’apprécier s’il y a lieu d’assortir la délivrance du visa d’exploitation d’une œuvre ou d’un document cinématographique de l’une des restrictions prévues par les dispositions précitées. Saisi d’un recours contre une telle mesure de police, il appartient au juge de l’excès de pouvoir de contrôler le caractère proportionné de la mesure retenue au regard des objectifs poursuivis par la loi.

S’agissant des mesures de classification prévues aux 4° et 5° de l’article R. 211-12 du CCIA, il lui appartient d’apprécier si le film, pris dans son ensemble, revêt un caractère pornographique ou d’incitation à la violence justifiant que la délivrance du visa d’exploitation soit accompagnée d’une interdiction de la représentation aux mineurs de 18 ans avec inscription sur la liste prévue à l’article L. 311-2 du CCIA ou si, alors même qu’il comporte des scènes de sexe non simulées ou de très grande violence, la manière dont cette œuvre ou ce document est filmé et la nature du thème traité conduisent à limiter la restriction dont il est assorti7.

Lorsqu’une œuvre ou un document cinématographique comporte des scènes violentes, il y a lieu de prendre en considération, pour déterminer si la protection de l’enfance et de la jeunesse et le respect de la dignité humaine justifient une des mesures de classification prévues aux 4° et 5° de l’article R. 211-12, la manière dont elles sont filmées, l’effet qu’elles sont destinées à produire sur les spectateurs, notamment si elles sont de nature à présenter la violence sous un jour favorable ou à la banaliser, enfin, toute caractéristique permettant d’apprécier la mise à distance de la violence et d’en relativiser l’impact sur la jeunesse.

En ce qui concerne les films à caractère documentaire, qui visent à décrire la réalité des situations dont ils portent témoignage et qui ont ainsi pour objet de contribuer à l’établissement et à la diffusion de connaissances, l’appréciation doit être portée par le ministre, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, compte tenu de la nécessité de garantir le respect de la liberté d’information, protégée notamment par l’article 11 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 et par l’article 10 de la convention européenne des droits de l’Homme.

Jurisprudence Eden et office du juge de cassation

CE, 5 avr. 2019, n° 420608, F. et a. Lorsque le tribunal administratif statue en dernier ressort, le requérant est recevable à se pourvoir en cassation contre le jugement en tant qu’il n’a pas fait droit à sa demande principale. Il appartient alors au juge de cassation de se prononcer sur les moyens, soulevés devant lui, qui contestent les motifs, même implicites, du jugement en ce qu’il a refusé de faire droit à la demande principale8.

Ouvrages fondés en titre : perte du droit à l’usage de l’eau

CE, 11 avr. 2019, n° 414211, C. et Mme B. Entrent dans le champ de l’article L. 214-6 du Code de l’environnement les installations hydrauliques qui, autorisées à la date du 18 octobre 1919 et dont la puissance ne dépasse pas 150 kilowatts, demeurent, en vertu du dernier alinéa de l’article 18 de la loi du 16 octobre 1919 relative à l’énergie hydroélectrique, aujourd’hui codifié à l’article L. 511-9 du Code de l’énergie, autorisées conformément à leur titre. Il en résulte que ces installations sont soumises, pour leur exploitation, aux articles L. 214-1 à L. 214-11 du Code de l’environnement, qui définissent le régime de la police de l’eau, notamment aux dispositions qui définissent les conditions dans lesquelles, en vertu de l’article L. 214-4, l’autorisation peut être abrogée ou modifiée sans indemnisation9.

Toutefois, dès lors que les autorisations délivrées avant le 18 octobre 1919 réglementaient des droits à l’usage de l’eau qui avaient la nature de droits réels immobiliers antérieurement acquis par les propriétaires des installations hydrauliques, le droit à l’usage de l’eau, distinct de l’autorisation de fonctionnement de l’installation mais attaché à cette installation, ne se perd que lorsque la force motrice du cours d’eau n’est plus susceptible d’être utilisée par son détenteur, du fait de la ruine ou du changement d’affectation des ouvrages essentiels destinés à utiliser la pente et le volume de ce cours d’eau10. L’abrogation de l’autorisation susceptible d’être prononcée sur le fondement du II de l’article L. 214-4 du Code de l’environnement est ainsi sans incidence sur le maintien du droit d’usage de l’eau attaché à l’installation.

Permis valant autorisation commerciale : office du juge

CE, avis, 15 avr. 2019, n° 425854, Sté Difradis. Il appartient à la cour saisie d’une requête dirigée contre un permis de construire en tant qu’il vaut autorisation d’exploitation commerciale de s’assurer, le cas échéant d’office, au vu des pièces du dossier qui lui est soumis et indépendamment de la position préalablement adoptée par la Commission nationale d’aménagement commercial :

– d’une part, que le requérant est au nombre de ceux qui ont intérêt pour agir devant le juge administratif et notamment, s’il s’agit d’un concurrent, que son activité, exercée dans les limites de la zone de chalandise du projet, est susceptible d’être affectée par celui-ci11 ;

– d’autre part, si le projet a fait l’objet d’un avis favorable de la commission départementale d’aménagement commercial, que le requérant a, préalablement à l’introduction de sa requête, déposé contre cet avis un recours devant la Commission nationale qui respecte les conditions de recevabilité fixées aux articles L. 752-17 et R. 752-30 à R. 752-32 du Code de commerce.

Si la Commission nationale a, sur l’un ou l’autre des deux points mentionnés ci-dessus, porté une appréciation qui l’a conduite à rejeter comme irrecevable le recours, alors que la cour juge recevable la requête, le rejet pour irrecevabilité prononcé par la Commission nationale doit être regardé comme une irrégularité entachant la procédure de délivrance du permis de construire.

Il appartient toutefois à la cour, saisie d’un moyen en ce sens, d’apprécier, au vu de l’ensemble des circonstances de l’espèce, notamment de la teneur des autres recours, le cas échéant examinés sur le fond par la Commission nationale, si cette irrégularité est susceptible d’avoir eu une incidence sur le sens de la décision attaquée, l’obligation de saisir préalablement la Commission nationale d’aménagement commercial avant toute introduction d’un recours contentieux ne constituant pas, en tout état de cause, une garantie pour les personnes intéressées12.

« Czabajisation » des titres exécutoires

CE, 16 avr. 2019, n° 422004, Cté d’agglomération de Saint-Quentin en Yvelines. S’agissant des titres exécutoires, sauf circonstances particulières dont se prévaudrait son destinataire, le délai raisonnable de recours ne saurait excéder un an à compter de la date à laquelle le titre, ou à défaut, le premier acte procédant de ce titre ou un acte de poursuite a été notifié au débiteur ou porté à sa connaissance13.

Procédure d’expulsion d’un CROUS

CE, 16 avr. 2019, n° 426074, Mme B. Les articles L. 411-1 et L. 412-1 à L. 412-6 du Code des procédures civiles d’exécution ne trouvent pas à s’appliquer lorsqu’est en cause l’expulsion d’un occupant d’un logement situé dans une résidence pour étudiants gérée par un CROUS, qui relève de la compétence du juge administratif.

Il incombe au juge administratif, saisi d’un litige relatif à l’expulsion d’un occupant d’un logement situé dans une résidence gérée par un CROUS, de prendre en compte, d’une part, la nécessité d’assurer le fonctionnement normal et la continuité du service public dont cet établissement public a la charge et, d’autre part, la situation de l’occupant en cause ainsi que les exigences qui s’attachent au respect de sa dignité et de sa vie privée et familiale. Il en va notamment ainsi lorsque, saisi d’une demande d’expulsion en application de l’article L. 521-3 du Code de justice administrative, le juge des référés apprécie, pour décider s’il y a lieu d’y faire droit, si les conditions d’utilité et d’urgence posées par cet article sont remplies14.

Projets relatifs aux conseils de prud’hommes : la consultation du Conseil supérieur de la prud’homie est une garantie

CE, 24 avr. 2019, n° 405793, CGT et a. Il résulte de l’article R. 1431-3 du Code du travail que l’Administration était tenue de consulter le Conseil supérieur de la prud’homie sur le projet d’arrêté fixant la répartition des sièges de conseillers prud’hommes attribués sur proposition des organisations professionnelles représentatives et le calendrier de dépôt des candidatures pour le mandat prud’homal 2018-2021. Le projet d’arrêté n’a été adressé aux membres de ce conseil que par un courriel le matin même de la consultation, sans que ses membres aient disposé plus en amont des éléments nécessaires pour être en mesure de porter utilement une appréciation sur la répartition des sièges figurant dans ce projet, alors même que la répartition des sièges à laquelle procède l’arrêté résulte de l’addition de nombreux résultats, suivant l’affiliation de nombreuses organisations, secteur par secteur, représentant des centaines de pages de documents. Les membres du Conseil supérieur de la prud’homie n’ont pas disposé des documents nécessaires à l’exercice de leur mission dans un délai leur permettant d’en prendre utilement connaissance et ont, par suite, été privés d’une garantie15.

Calcul du salaire minimum d’un détenu

CE, 24 avr. 2019, n° 423009, garde des Sceaux, ministre de la Justice. Il résulte du dernier alinéa de l’article 717-3 du Code de procédure pénale et de l’article 33 de la loi du 24 novembre 2009, éclairé par les travaux préparatoires de la loi, que le législateur a entendu garantir aux détenus exerçant une activité professionnelle un salaire horaire minimum individuel, dont les modalités sont fixées dans l’acte d’engagement signé entre un détenu et le chef de l’établissement pénitentiaire où il exerce cette activité.

Il résulte des articles R. 57-9-2, D. 432-1, D. 433-1 et D. 433-2 du Code de procédure pénale que le salaire horaire minimum individuel garanti à chaque détenu correspond, pour les activités de production, à une rémunération qui ne peut être inférieure à 45 % du salaire minimum interprofessionnel de croissance. L’appréciation du respect de ce minimum s’effectue au regard de la rémunération globale versée au détenu.

La rémunération versée à un détenu, sur la base d’un acte d’engagement, au titre du travail qu’il effectue en détention, peut être composée de plusieurs éléments dont une part variable, dès lors que le montant de la rémunération individuelle globale qui en résulte ne correspond pas, compte tenu du nombre d’heures effectivement travaillées, à un taux horaire inférieur à ce minimum.

Il y a lieu de tenir compte, pour vérifier que la rémunération horaire respecte le minimum légal, de l’ensemble des sommes versées au détenu en contrepartie de son travail, y compris les primes.

Retrait d’une communauté de communes : l’avis de la formation restreinte de la CDCI suffit

CE, 24 avr. 2019, n° 419842, Cne de Courcelles-les-Gisors et autres. Il résulte du second alinéa de l’article L. 5211-45 du Code général des collectivités territoriales, demeuré inchangé après la modification du premier alinéa par la loi du 16 décembre 2010, que le législateur a notamment entendu soumettre à l’avis d’une formation restreinte de la commission départementale de la coopération intercommunale les demandes de retrait d’une communauté de communes justifiées par le souhait des communes demanderesses d’adhérer à une autre communauté de communes, sans que soit applicable la procédure de consultation de la commission en formation plénière prévue par le premier alinéa pour les projets de modification du périmètre d’un établissement public.

Professeurs des universités : procédures de recrutement différentes, critères communs…

CE, 6 mai 2019, nos 408531 et 420468, B. Si, pour l’application de l’article 1er du décret n° 92-70 du 16 janvier 1992 aux recrutements des professeurs d’université, il appartient à chaque section du Conseil national des universités de publier les critères et modalités d’appréciation des candidatures qu’elle entend appliquer, tant dans le cadre de la procédure de droit commun, pour les décisions relatives à l’inscription préalable sur une liste de qualification, que dans le cadre de la procédure particulière prévue au 3° de l’article 46 du décret du 6 juin 1984, pour les avis qu’elle doit rendre à ce titre, il ne résulte ni de ces dispositions, ni d’aucune autre disposition ou d’aucun principe que les sections seraient tenues d’établir et de publier des critères distincts pour ces deux procédures de recrutement.

Exceptions au principe de non-rétroactivité des actes administratifs

CE, 6 mai 2019, n° 418482, Mme A. Les décisions administratives ne peuvent légalement disposer que pour l’avenir. Par suite, en l’absence de disposition législative l’y autorisant, l’Administration ne peut, même lorsqu’elle est saisie d’une demande de l’intéressé en ce sens, déroger à cette règle générale et conférer un effet rétroactif à une décision d’admission à la retraite, à moins qu’il ne soit nécessaire de prendre une mesure rétroactive pour tirer les conséquences de la survenance de la limite d’âge, pour placer l’agent dans une situation régulière ou pour remédier à une illégalité.

Le contrat conclu entre un port et une société pour la surveillance et le gardiennage d’un terminal est de droit privé

T. confl., 8 avr. 2019, n° 4157, Sté Cie nouvelle de manutentions portuaires (CNMP). En vertu du Code des transports, si l’État est responsable de la définition des mesures de sûreté portuaire et s’il incombe à l’autorité portuaire d’élaborer un plan de sûreté portuaire, les mesures visant à assurer la sûreté des opérations portuaires doivent être mises en œuvre, pour ce qui les concerne, par les exploitants d’installations portuaires. Il appartient, en particulier, à ces exploitants de prendre les mesures de sûreté permettant d’interdire l’accès des installations dont ils ont la charge aux personnes non autorisées et d’y empêcher l’introduction d’objets ou produits prohibés.

Par le contrat conclu, pour le terminal de l’Atlantique, entre une société et le port du Havre, le port s’est engagé, contre rémunération, à exécuter une prestation de surveillance et de gardiennage consistant à contrôler l’accès aux installations du terminal, essentiellement par la mise à disposition en permanence de deux agents au poste de contrôle situé à l’entrée principale du terminal, afin de contrôler les personnes, véhicules et conteneurs entrant et sortant du terminal par cet accès et de vérifier les dispositifs de fermeture des accès au périmètre des installations.

Ce contrat n’a pas pour objet l’organisation ou l’exécution d’une mission de service public incombant au port. Il ne comporte aucune clause qui, notamment par les prérogatives reconnues à la personne publique contractante dans l’exécution du contrat, impliquerait, dans l’intérêt général, qu’il relève du régime exorbitant des contrats administratifs.

Ce contrat ne comporte pas, par lui-même, occupation du domaine public et n’est pas l’accessoire de la convention ayant autorisé la CNMP à occuper des dépendances du domaine public portuaire. Par ailleurs, il ne concerne pas la réalisation de travaux publics.

N’ayant pas été conclu pour les besoins du port, il ne saurait constituer un marché public. Il ne peut présenter le caractère d’un contrat administratif par détermination de la loi du 11 décembre 2001.

Ce contrat présente le caractère d’un contrat de droit privé. Il appartient à la juridiction judiciaire de connaître du litige relatif à son exécution.

Liberté d’expression versus droits d’un accusé

CE, 13 mai 2019, n° 42177, Sté France Télévisions. France Télévisions a diffusé, lors de l’émission Envoyé spécial, un reportage évoquant des faits qui avaient donné lieu à des poursuites pénales pour viol contre un maire et qui étaient soumis au jugement de la cour d’assises. Le reportage était centré sur l’une des personnes qui s’étaient portées partie civile. Le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) a considéré que France Télévisions avait méconnu les dispositions de l’article 35 de son cahier des charges et l’a mise en demeure de respecter ces dispositions à l’avenir. Si cette décision ne prononce pas une sanction, elle rend possible l’engagement d’une procédure de sanction en cas de réitération de faits de même nature. Elle doit être regardée, au sens des stipulations de l’article 10 de la convention européenne des droits de l’Homme, comme une ingérence de l’autorité publique dans l’exercice de la liberté qu’elles garantissent. Toutefois, une telle mesure a pour objet d’assurer la protection de la réputation et des droits d’autrui et de garantir l’impartialité de l’autorité judiciaire. En adressant à France Télévisions la mise en demeure de respecter à l’avenir les dispositions de l’article 35 de son cahier des charges après la diffusion du reportage en cause, le CSA n’a pas, eu égard au contenu du reportage litigieux et au moment où il a été diffusé, porté une atteinte disproportionnée à la liberté d’expression garantie par l’article 10 de la convention européenne des droits de l’Homme.

Répartition des compétences en matière d’aide sociale

T. confl., 8 avr. 2019, n° 4154, Mme A. Il résulte des articles L. 134-3 du Code de l’action sociale et des familles et L. 211-16 du Code de l’organisation judiciaire, dans leur rédaction issue de la loi du 18 novembre 2016, que sont transférés à la juridiction judiciaire les recours des obligés alimentaires contestant les décisions prises par l’État ou le département pour obtenir le remboursement des sommes avancées par la collectivité, les recours contre les décisions relatives à l’admission à l’aide sociale continuant en revanche de relever de la juridiction administrative même en présence d’obligés alimentaires.

Sa cession ne modifie pas la nature d’une créance

T. confl., 8 avr. 2019, n° 4756, Sté Forbo Sarlino. Le contrat conclu entre un office public de l’habitat et une société pour la construction de 20 logements collectifs porte sur la réalisation de travaux publics. Il revêt ainsi un caractère administratif. La nature de la créance que détient sur la personne publique son cocontractant en exécution de ce contrat n’est pas modifiée par la cession dont elle peut faire l’objet. L’action du cessionnaire de la créance, dirigée contre l’établissement public et tendant au paiement de cette créance, relève de la compétence de la juridiction administrative.

Notes de bas de pages

  • 1.
    CE, 21 mars 2001, n° 231087, Synd. de lutte pénitentiaire de l’union rég. Antille-Guyane : Lebon T., p. 1006, 1060, 1096, 1104 et 1117 – CE, 29 oct. 2001, n° 237132 : Lebon T., p. 872, 906, 908 et 1090.
  • 2.
    CE, ass., 15 avr. 1996, n° 120273, Synd. CGT des hospitaliers de Bédarieux : Lebon, p. 130 ; CE, 30 déc. 2009, n° 308514, Dpt du Gers : Lebon T., p. 638, 643 et 878.
  • 3.
    CE, 30 mai 1913, n° 49241, Préf. Eure : Lebon, p. 583.
  • 4.
    CE, sect., 21 déc. 2018, n° 409678, Sté Eden : Lebon, p. 468.
  • 5.
    Ab. jur., CE, sect., 13 mars 2015, n° 364612, Office de développement de l’économie agricole d’outre-mer : Lebon, p. 84.
  • 6.
    CE, 30 janv. 2019, n° 408513.
  • 7.
    V. CE, 1er juin 2015, n° 372057, Assoc. Promouvoir : Lebon, p. 178.
  • 8.
    CE, sect., 21 déc. 2018, n° 409678, Sté Eden ; Lebon, p. 468.
  • 9.
    CE, 2 déc. 2015, n° 384204, Fédération des moulins de France : Lebon T., p. 684.
  • 10.
    CE, 5 juill. 2004, n° 246929, S.A. Laprade Energie : Lebon, p. 294.
  • 11.
    CE, 26 sept. 2018, n° 402275, Sté Distribution Casino France : Lebon, p. 588.
  • 12.
    CE, ass., 23 déc. 2011, n° 335033, Danthony : Lebon, p. 649.
  • 13.
    CE, ass., 13 juill. 2016, n° 387763, Czabaj : Lebon, p. 340.
  • 14.
    T. confl., 12 févr. 2018, n° 4112, CROUS de Paris : Lebon, p. 492.
  • 15.
    CE, ass., 23 déc. 2011, n° 335033, Danthony : Lebon, p. 649.
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