Val-de-Marne (94)

Quentin Gauthier : « Les mineurs non accompagnés se trouvent dans un vide juridique » !

Publié le 15/11/2022

Née pendant le confinement de 2020, la Casa accompagne les jeunes mineurs non accompagnés autour de Paris. Elle a déjà soutenu 80 jeunes, qui ont été pris en charge par l’ASE ou ont intégré une formation. Depuis le mois de juin dernier, elle les accueille notamment au sein du foyer Lénine, un bâtiment de 20 chambres, situé à Ivry-sur-Seine (94). Rencontre avec Quentin Gauthier, cofondateur de l’association.

Actu-Juridique : Pouvez-vous nous présenter La Casa ?

Quentin Gauthier : L’objet de La Casa est l’hébergement et le soutien des mineurs non accompagnés. D’après nos lois, aucun mineur ne doit vivre dans la rue. Les départements sont responsables de la prise en charge des mineurs non accompagnés. Pour obtenir la protection de l’ASE, les mineurs doivent voir leur minorité reconnue, mais ce processus souffre de nombreux dysfonctionnements, régulièrement dénoncés par les associations, les avocats et le Défenseur des droits. Les départements ont mis en place des systèmes d’évaluations pour déterminer leur âge et sous-traités les examens à de grosses associations, comme la Croix Rouge. La plupart du temps, celles-ci concluent que les jeunes ne sont pas mineurs. À Paris, on estime qu’environ 80 % de ces jeunes sont ainsi rejetés par le département. Cette décision peut faire l’objet d’un recours devant le juge des enfants. Dans la moitié des cas, ce dernier va finalement protéger ces jeunes et prononcer une mesure de placement ou une mesure d’assistance éducative. Ce temps de recours peut s’étendre jusqu’à 18 mois. Pendant cette période de vide juridique, La Casa accompagne les jeunes, les héberge, les scolarise.

Actu-Juridique : La moitié des évaluations sont donc infirmées ?

Quentin Gauthier : Dans la moitié des cas en effet, ces évaluations sont contredites par la justice des enfants. Ces évaluations reflètent la volonté des départements de ne pas prendre en charge les mineurs non accompagnés. C’est violent dans tous les départements. Dans les Yvelines ou les Hauts-de-Seine, la politique à leur égard est particulièrement abjecte.

Actu-Juridique : Comment les accompagnez-vous ?

Quentin Gauthier : La Casa prend en charge leurs besoins élémentaires, tels que la nourriture, les transports, la santé, et assure également un accompagnement administratif et juridique. Tous les jeunes hébergés sont progressivement scolarisés, puis entament une formation générale ou professionnelle au lycée. Si le recours ne fonctionne pas, que le juge prononce un non-lieu en assistance éducative, on continue à héberger ces jeunes et on les aide à trouver une formation. On les suit généralement jusqu’à la fin de leur CAP.

Actu-Juridique : Quels hébergements pouvez-vous leur proposer ?

Quentin Gauthier : Nous avons quatre appartements, qui nous sont prêtés ou loués par des particuliers à Puteaux, Montreuil et Fontenay-sous-Bois. Nous y hébergeons des jeunes que nous connaissons bien, qui sont scolarisés et capables de vivre avec une certaine autonomie. Ceux qui viennent d’arriver ont besoin d’être davantage soutenus. Depuis fin décembre, le diocèse d’Ivry-sur-Seine nous prête un ancien foyer d’hébergement, vétuste mais habitable. Nous y avons fait de petites réparations et pouvons aujourd’hui y héberger 20 jeunes. Nous devons seulement assurer les charges de 1 500 euros par mois. Au rez-de-chaussée se trouve une grande salle commune, une cuisine et une petite pièce que nous avons aménagé en salle de sport. À l’étage, il y a 19 chambres, individuelles ou pouvant être partagées par deux personnes. Ce lieu nous est prêté pour quelques mois seulement car il devrait être vendu en février. Nous espérons en trouver d’autres similaires à l’avenir, car il y a toujours plus de jeunes non hébergés que de jeunes hébergés. On a une longue liste d’attente. Sans les associations, il y aurait encore plus de jeunes dormant dans des camps, comme à Paris, sans que cela n’émeuve grand monde !

Actu-Juridique : En quoi consiste le partenariat qui unit La Casa et la mairie de Fontenay-sous-Bois ?

Quentin Gauthier : Fontenay-sous-Bois est membre du réseau des villes accueillante, constitué par des communes qui ne s’opposent pas à l’installation et à l’accueil des personnes étrangères sur son sol et cherche au contraire à les inclure. La ville soutient l’inclusion des mineurs non accompagné à travers le sport et la culture. Ce soutien n’est pas toujours facile à traduire concrètement, parce que les équipements tels que les clubs sportifs sont indépendants, mais c’est un soutien et un signal politique bienvenu.

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