L’évolution d’un plan local d’urbanisme à la suite de son annulation partielle

Publié le 10/01/2022
Urbanisme
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Le Conseil d’État est venu clarifier l’évolution d’un plan local d’urbanisme à la suite de l’annulation partielle de celui-ci. Sur le fond de cette évolution, il a affirmé l’obligation d’élaborer de nouvelles dispositions en précisant l’articulation des articles L. 153-7, L. 600-12 et L. 174-6 du Code de l’urbanisme. Sur la forme de cette évolution, il a affirmé l’obligation de mettre en œuvre la décision de justice en passant par une procédure de révision ou de modification du plan. La présente décision, si elle donne de précieuses précisions formelles, ne permettra pas pour autant une mise en œuvre rapide de la décision juridictionnelle. Le problème des délais reste entier à ce stade. Cette décision permet néanmoins une mise en œuvre plus transparente des décisions d’annulation partielle du plan local d’urbanisme pour les administrés.

CE, 5e-6e ch. réunies, 16 juill. 2021, no 437562

Le Conseil d’État est venu clarifier l’évolution d’un plan local d’urbanisme (PLU) à la suite de l’annulation partielle de celui-ci. Sur le fond de cette évolution, il a affirmé l’obligation d’élaborer de nouvelles dispositions en précisant l’articulation des articles L. 153-7, L. 600-12 et L. 174-6 du Code de l’urbanisme. Sur la forme de cette évolution, il a affirmé l’obligation de mettre en œuvre la décision de justice en passant par une procédure de révision ou de modification du plan1.

Les suites de l’annulation juridictionnelle partielle d’un plan local d’urbanisme sont souvent incertaines pour une commune. Bien sûr, le Code de l’urbanisme a prévu cette éventualité, en précisant qu’« en cas d’annulation partielle par voie juridictionnelle d’un plan local d’urbanisme, l’autorité compétente élabore sans délai les nouvelles dispositions du plan applicables à la partie du territoire communal concernée par l’annulation »2. Deux questions surgissent à la lecture de cet article : Est-il obligatoire d’élaborer de nouvelles dispositions ? Quelle procédure la commune doit-elle mettre en œuvre ? En réalité, bien souvent, les communes prennent une nouvelle délibération, sans forcément mettre en œuvre une procédure de révision ou de modification prévue par le Code de l’urbanisme. Cette problématique pose la question des formes que doit prendre l’action publique locale à la suite d’une annulation contentieuse.

Cependant, il ne faut pas oublier que l’effet premier d’une annulation partielle est de « remettre en vigueur (…) le plan local d’urbanisme, le document d’urbanisme en tenant lieu ou la carte communale immédiatement antérieur »3 ou le plan local d’urbanisme antérieur4. Ainsi, la parcelle litigieuse ne reste pas dans une anomie, des règles s’y appliquent. Mais ces règles ne sont pas forcément favorables au requérant qui remporte le litige face à une commune, il se peut très bien que les dispositions remises en vigueur ne changent pas la situation du point de vue du requérant. En effet, l’autorité compétente devrait élaborer, « sans délai », de nouvelles dispositions. Cette dernière expression laisse planer un doute dans lequel s’engouffrent les communes, postulant alors l’absence de délai. La commune de La Londe-les-Maures a donc dans un premier temps pris ces mots au pied de la lettre, comme nous le rappellent les faits de l’espèce.

L’affaire qui nous occupe a opposé la société Kennel Tonnelier à la commune de La Londe-les-Maures. En l’espèce, la société Kennel Tonnelier est propriétaire, sur le territoire de la commune de La Londe-les-Maures, de deux parcelles sur lesquelles elle exerce une activité de stationnement collectif de bateaux. Par une délibération du 19 juin 2013 adoptant son nouveau plan local d’urbanisme, la commune a procédé au classement de ces parcelles dans une zone ne permettant plus l’exercice de cette activité. Par un jugement du 2 juin 2016, devenu définitif, le tribunal administratif de Toulon a, à la demande de la société Kennel Tonnelier, jugé que ce classement était entaché d’erreur manifeste d’appréciation et a annulé dans cette mesure le plan local d’urbanisme de La Londe-les-Maures. De plus, saisi par la société Kennel Tonnelier sur le fondement de l’article L. 911-4 du Code de justice administrative, le tribunal a, par un jugement du 19 juin 2018, enjoint à la commune d’adopter dans un délai de quatre mois une délibération approuvant un nouveau classement des parcelles concernées dans une zone où les aires de stationnement collectif de bateaux sont autorisées, en assortissant cette injonction d’une astreinte. La commune de La Londe-les-Maures, tout en ayant exécuté le jugement du 2 juin 2016 par l’adoption d’une délibération du 19 septembre 2018, se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 13 novembre 2019 par lequel la cour administrative d’appel de Marseille a rejeté sa requête dirigée contre le jugement du 19 juin 2018.

Le problème dans cette affaire réside dans ce que le Code de l’urbanisme ne prévoit pas de procédure à adopter pour faire application des dispositions de l’article L. 153-7 du Code de l’urbanisme. Ici, le Conseil d’État clarifie cette situation en estimant que dans le cas d’une annulation partielle du règlement d’un document d’urbanisme, « lorsque l’exécution d’une décision juridictionnelle prononçant l’annulation partielle d’un plan local d’urbanisme implique nécessairement qu’une commune modifie le règlement de son plan local d’urbanisme dans un sens déterminé, il appartient à la commune de faire application, selon la nature et l’importance de la modification requise, de l’une de ces procédures, en se fondant le cas échéant, dans le respect de l’autorité de la chose jugée, sur certains actes de procédure accomplis pour l’adoption des dispositions censurées par le juge ».

Dès lors, le Conseil d’État établit clairement l’obligation pour l’autorité compétente d’élaborer de nouvelles dispositions conformes à la décision de justice rendue, quand bien même le document précédent est remis en vigueur (I). De plus, il règle la question de la procédure que doit adopter une commune lorsqu’elle voit des dispositions du règlement de plan local d’urbanisme annulées partiellement (II). Ainsi, les autorités compétentes devront veiller à élaborer de nouvelles dispositions conformes à l’autorité de la chose jugée et adopter la procédure de révision ou de modification prévue par le Code de l’urbanisme. Il est donc désormais clair que l’annulation partielle d’un plan local d’urbanisme suppose la mise en œuvre d’une procédure de révision ou de modification de ce plan.

I – L’obligation d’élaborer de nouvelles dispositions conformes à l’autorité de la chose jugée en cas d’annulation partielle de dispositions du règlement d’un PLU

Le Conseil d’État a estimé que les dispositions du premier alinéa de l’article L. 153-7 du Code de l’urbanisme « font obligation à l’autorité compétente d’élaborer, dans le respect de l’autorité de la chose jugée par la décision juridictionnelle ayant partiellement annulé un plan local d’urbanisme, de nouvelles dispositions se substituant à celles qui ont été annulées par le juge, alors même que l’annulation contentieuse aurait eu pour effet de remettre en vigueur, en application des dispositions de l’article L. 600-12 du même code ou de son article L. 174-6, des dispositions d’un plan local d’urbanisme ou, pour une durée maximale de vingt-quatre mois, des dispositions d’un plan d’occupation des sols qui ne méconnaîtraient pas l’autorité de la chose jugée par ce même jugement d’annulation ». Il donne donc une interprétation de l’articulation des articles L. 153-7, L. 600-12 et L. 174-6 du Code de l’urbanisme.

En effet, il n’était pas évident que les communes eussent l’obligation d’élaborer de nouvelles dispositions lors d’une annulation partielle d’un document d’urbanisme. Dans le cas présent, la commune de La Londe-les-Maures n’avait pas pris de nouvelles dispositions concernant les parcelles litigieuse et conservait donc l’application de dispositions issues de deux documents : le plan local d’urbanisme approuvé par la délibération du 19 juin 2013 et les dispositions du document précédent pour les parcelles litigieuses. En ce sens, des travaux précédents ont montré que les communes développent des stratégies de résistance formelles et informelles aux décisions de justice annulant partiellement ou totalement leurs plans locaux d’urbanisme5. Ce cas d’espèce illustre une résistance informelle d’une commune face à une décision de justice, qui, premièrement, a ignoré la décision de justice du tribunal administratif, puis sa résistance formelle se pourvoyant en appel puis en cassation contre une injonction provenant d’un tribunal. Le Conseil d’État semble répliquer à cette résistance informelle en ne permettant plus aux autorités compétentes de laisser subsister deux documents en parallèle, le document en vigueur et le document précédent pour les parcelles qui ont vu leur zonage annulé partiellement. Cet arrêt marque l’obligation pour les communes de prendre de nouvelles dispositions. Et ce, sans attendre une injonction.

En effet, l’annulation partielle du plan local d’urbanisme a remis en vigueur le document précédent. Or les dispositions de ce document antérieur ne correspondaient pas non plus à la volonté de la société Kennel Tonnelier, celle de voir les parcelles classées dans une zone lui permettant d’exercer son activité de stationnement collectif de bateaux. La société a donc demandé au tribunal administratif d’enjoindre la commune de mettre en œuvre le premier jugement, et donc que l’élaboration des nouvelles dispositions du règlement du plan local d’urbanisme lui permette de poursuivre son activité économique. Pour rappel, l’article L. 11 du Code de justice administrative dispose que « les jugements sont exécutoires ». Ainsi, dès lors que la décision de justice a été notifiée aux parties, celles-ci doivent prendre les mesures nécessaires à l’exécution de la chose jugée. Le Conseil d’État a estimé qu’en ce qui concerne le juge judiciaire, « la faculté reconnue aux juges de prononcer une astreinte, en vue de l’exécution tant de leurs décisions que des mesures d’instruction qui en sont le préalable, a le caractère d’un principe général du droit ; qu’il n’appartient qu’au législateur de déterminer, d’étendre ou de restreindre les limites de cette faculté »6. Par ailleurs, comme le fait remarquer Franck Moderne : « Le droit processuel privé admet depuis longtemps que toute décision de justice a force exécutoire, que la fonction juridictionnelle est aussi une fonction d’autorité et qu’elle comporte, outre le pouvoir de dire le droit (jurisdictio) celui d’en imposer la mise en œuvre (imperium) par la célèbre “formule exécutoire” et le recours, si besoin est, à la force publique »7. Le juge administratif s’est vu doter de ce pouvoir d’astreinte par le législateur en 19808. Le pouvoir d’injonction lui a été confié en 19959. La juridiction peut prescrire d’office ces mesures ou être sollicitée par un requérant pour donner suite à une décision contentieuse qui revêt la force de la chose jugée. Ce qui fait dire à Franck Moderne que « dans l’image séculaire de la justice, le glaive a sa place aux côtés de la balance »10. Pour le juge administratif, le prononcé de l’injonction et de l’astreinte reflète ses pouvoirs face à l’inaction de l’Administration. Selon le vice-président honoraire du Conseil d’État, Jean-Marc Sauvé, avec l’injonction, « le juge administratif ne s’est donc pas taillé des habits neufs dans la pourpre de l’administrateur, il s’est simplement mis à exercer la part d’imperium qui lui revient. Il ne se borne plus à constater platoniquement ce qui est ou non conforme au droit »11. Pour Michel Fromont, l’injonction est le marqueur d’une protection renforcée des droits subjectifs devant le juge administratif en France12. Le Code de justice administrative prévoit cette injonction aux articles L. 911-113 et L. 911-414. De plus, selon son article R. 921-1, alinéa 2, « la demande d’exécution d’un arrêt rendu par une cour administrative d’appel est adressée à celle-ci ». L’article R. 921-5 du Code de justice administrative dispose que « le président de la cour administrative d’appel ou du tribunal administratif saisi d’une demande d’exécution sur le fondement de l’article L. 911-4, ou le rapporteur désigné à cette fin, accomplissent toutes diligences qu’ils jugent utiles pour assurer l’exécution de la décision juridictionnelle qui fait l’objet de la demande ». Ici, le tribunal administratif avait accordé 4 mois au tribunal pour mettre en œuvre sa décision, cette injonction étant assortie d’une astreinte.

Cette possibilité d’enjoindre une commune à effectuer une procédure de modification pour faire application d’un jugement d’annulation partiel d’un document d’urbanisme existait déjà au sein de la jurisprudence administrative. Mais elle s’était appliquée au refus d’un maire de rectifier le classement d’un terrain et non à la délibération approuvant le document. En effet, Pierre Soler-Couteaux identifie une affaire dans laquelle un tribunal administratif a assorti sa décision d’une injonction à modification de ce document dans les 6 mois suivant la décision. Le document d’urbanisme en question était un plan d’occupation des sols. À l’époque, il pense que cette décision « présente toutefois une portée limitée ; elle ne saurait, à notre sens, être étendue dans l’hypothèse où ce n’est pas la décision du maire refusant de rectifier le classement d’un terrain qui est annulée, mais la délibération approuvant la révision d’un POS/PLU. En effet, dans ce cas, les dispositions de l’article L. 121-8 auxquelles le juge administratif ne saurait légalement déroger prévoient que « l’annulation (…) d’un plan local d’urbanisme, (…) ou d’un plan d’occupation des sols ou d’un document d’urbanisme en tenant lieu a pour effet de remettre en vigueur (…) le plan local d’urbanisme (…) ou le plan d’occupation des sols ou le document d’urbanisme en tenant lieu immédiatement antérieur »15. Ici, la décision du Conseil d’État s’applique bien à la délibération approuvant le plan local d’urbanisme.

Ainsi, ce contentieux illustre une situation particulière que rencontrent certains requérants en matière de contentieux de l’urbanisme, c’est-à-dire que l’annulation partielle du document d’urbanisme ne leur permettait pas pour autant de réaliser leur projet sur les parcelles litigieuses. Ce contentieux silencieux semble peu porté devant le Conseil d’État. Ici, il a eu l’occasion d’y répondre en estimant que l’autorité compétente doit prendre des nouvelles dispositions conformes à l’autorité de la chose jugée. Il résulte donc de l’article L. 153-7 du Code de l’urbanisme une obligation pour les autorités compétentes en matière de documents d’urbanisme de prendre de nouvelles dispositions conformes à la décision de justice annulant partiellement leur plan local d’urbanisme.

II – L’obligation de respecter les formes d’évolution des documents d’urbanisme en cas d’annulation partielle de dispositions du règlement

Le Conseil d’État a estimé que « les dispositions de l’article L. 153-7 du Code de l’urbanisme n’ont pas pour effet de permettre à l’autorité compétente de s’affranchir, pour l’édiction de ces nouvelles dispositions, des règles qui régissent les procédures de révision, de modification ou de modification simplifiée du plan local d’urbanisme prévues, respectivement, par les articles L. 153-31, L. 153-41 et L. 153-45 du même code. Ainsi, lorsque l’exécution d’une décision juridictionnelle prononçant l’annulation partielle d’un plan local d’urbanisme implique nécessairement qu’une commune modifie le règlement de son plan local d’urbanisme dans un sens déterminé, il appartient à la commune de faire application, selon la nature et l’importance de la modification requise, de l’une de ces procédures, en se fondant le cas échéant, dans le respect de l’autorité de la chose jugée, sur certains actes de procédure accomplis pour l’adoption des dispositions censurées par le juge ».

Le Conseil d’État donne donc ici un mode d’emploi de la mise en œuvre des décisions d’annulation partielle des plans locaux d’urbanisme pour les autorités responsables de ceux-ci lorsque des dispositions du règlement du plan local d’urbanisme ont fait l’objet d’une annulation partielle. En effet, à la suite de l’annulation de leurs plans locaux d’urbanisme, les communes prennent parfois une nouvelle délibération tirant les conséquences de la décision de justice, sans pour autant mettre en œuvre les procédures prévues par le Code de l’urbanisme. Plusieurs cas ont par exemple été identifiés dans le contentieux des plans locaux d’urbanisme de communes supports des stations de ski dans les Alpes du nord16. Dans plusieurs affaires, une simple délibération est prise par la commune, sur les conseils de l’architecte-urbaniste, de l’avocat ou des services de l’État dans le département. Le Conseil d’État met fin à cette pratique, les autorités devront désormais passer par une procédure de révision ou de modification du document prévu par le Code de l’urbanisme.

La procédure choisie dépendra de l’ampleur de l’évolution à apporter au plan. Le champ matériel de la révision concerne un changement dans les orientations définies par le projet d’aménagement et de développement durables ou une création d’orientations d’aménagement et de programmation de secteur d’aménagement valant création d’une zone d’aménagement concerté, de réduire un espace boisé classé, une zone agricole ou une zone naturelle et forestière, de réduire une protection prévue par le document ou d’ouvrir à l’urbanisation une zone à urbaniser17. Concernant la procédure à suivre, la commune doit se conformer à celle prévue pour l’élaboration du plan18, et donc notamment prévoir un débat sur les orientations du projet d’aménagement et de développement durables qui peut avoir lieu lors de la décision de révision19 et une enquête publique. Le champ matériel de la modification concerne « le règlement, les orientations d’aménagement et de programmation ou le programme d’orientations et d’actions » du plan local d’urbanisme20. L’initiative en revient au président de l’établissement public de coopération intercommunale ou au maire21. Pour mémoire, ces procédures sont : la modification de droit commun22 et la modification simplifiée23. En cas de modification de droit commun, cela implique dans certains cas la soumission à enquête publique24. En cas de modification simplifiée, cela implique une mise à disposition du public25. Ainsi, les communes ne pourront plus prendre une simple délibération pour modifier le plan local d’urbanisme à la suite d’une annulation. Elles devront passer par une enquête publique ou une mise à disposition du public et recueillir les avis des personnes publiques associées. Ce qui renforce la transparence et la publicité des nouvelles disposition du plan local d’urbanisme, mais ce qui expose aussi plus la modification à un potentiel contentieux.

De plus, au cours des contentieux précédents, la question de l’articulation d’une annulation de la délibération d’approbation du plan local d’urbanisme et d’une révision générale postérieure à cet arrêt s’était posée. La cour administrative d’appel de Lyon avait eu l’occasion d’apporter des précisions dans le cas d’une révision d’un plan local d’urbanisme faisant suite à une annulation, mais n’en découlant pas pour autant. Dans un premier temps, la cour avait adressé une injonction à la commune car elle estimait que cette dernière n’avait pas tiré les conséquences de l’annulation partielle de la délibération d’approbation du plan local d’urbanisme26. La cour avait estimé que la mise en œuvre d’une révision générale du plan local de la commune ne constituait pas une mise en œuvre d’une décision de justice découlant d’une injonction à mettre en œuvre les dispositions de l’article L. 153-7 du Code de l’urbanisme27. La cour avait pourtant refusé de liquider l’astreinte, considérant la procédure de révision générale du plan local d’urbanisme engagé par la commune en cours28. Il résultait donc de ces arrêts, que quand bien même cette révision ne constituait pas une application de la décision d’annulation, elle pouvait être considérée comme suffisante pour ne pas liquider l’astreinte. Dans l’affaire d’espèce concernant la commune de La Londe-les-Maures, il est désormais clair que les autorités responsables des documents d’urbanisme devront faire découler leur modification de l’annulation elle-même, comme le rappelle le Conseil d’État en l’espèce. Il est vrai que la question d’une révision reste ouverte.

Il ressort donc de l’arrêt du Conseil d’État que les autorités responsables du document d’urbanisme en cause devront choisir la procédure de modification la plus adéquate et devront la faire découler directement de la décision d’annulation partielle. Ce qui ne veut pas forcément dire qu’elles doivent choisir la procédure la plus rapide pour satisfaire les raisons pour lesquelles un requérant a obtenu l’annulation de dispositions du document litigieux. En effet, la cour administrative d’appel de Lyon avait eu l’occasion de constater, à la suite d’une injonction, qu’elle avait prononcé que « même si la commune a choisi la voie de la révision de son plan local d’urbanisme, qui ne constitue pas la procédure la plus rapide pour exécuter les arrêts rendus par la cour de céans, il ne peut qu’être constaté au jour de la présente décision que cette procédure est très avancée et devrait prochainement aboutir »29. La question reste donc entière concernant le délai dans lequel une commune doit mettre en œuvre une décision juridictionnelle. Ici, le tribunal administratif avait donné 4 mois à la commune de La Londe-les-Maures pour prendre de nouvelles dispositions.

Dès lors, en cas d’annulation de dispositions du règlement d’un document d’urbanisme pour erreur manifeste d’appréciation, l’autorité responsable du document devra élaborer de nouvelles dispositions dans le respect d’une procédure de modification qu’elle aura choisie. Le délai reste, lui, problématique du point de vue des requérants qui devront attendre la fin de la procédure choisie par l’autorité pour voir l’objectif original de leur requête contentieuse finalement satisfaite. Ce qui paradoxalement pourrait allonger les délais dans lesquels la commune se plie aux volontés des requérants, ayant pourtant eu gain de cause devant la juridiction, dans la mesure où les pratiques précédentes voyaient par exemple des conseils municipaux se réunir quelques jours après la décision juridictionnelle afin d’en tirer les conséquences dans une simple délibération. La présente décision, si elle donne de précieuses précisions formelles, ne permettra pas pour autant une mise en œuvre rapide de la décision juridictionnelle. Ainsi, dans le cas d’espèce, la société Kennel Tonnelier avait obtenu un jugement définitif le 2 juin 2016. Après la décision du Conseil d’État du 16 juillet 2021, il lui faut encore attendre que la commune de La Londe-les-Maures engage une procédure de modification. Le problème des délais reste entier à ce stade. Cette décision permet néanmoins une mise en œuvre plus transparente des décisions d’annulation partielle du plan local d’urbanisme pour les administrés.

Notes de bas de pages

  • 1.
    P. Soler-Couteaux, « Suite d’une annulation partielle du PLU », RDI 2021, p. 498.
  • 2.
    C. urb., art. L. 153-7, al. 1.
  • 3.
    C. urb., art. L. 600-12.
  • 4.
    C. urb., art. L. 174-6.
  • 5.
    O. Sulpice, Le contentieux des plans locaux d’urbanisme en station de ski comme fabrique de la jurisprudence, thèse, 2020, université de Grenoble, https://lext.so/TZj45a.
  • 6.
    CE, 10 mai 1974, n° 85132, arrêt Barre et Honnet.
  • 7.
    F. Moderne, « Sur le nouveau pouvoir d’injonction du juge administratif », RFDA 1996, p. 43.
  • 8.
    L. n° 80-539, 16 juill. 1980, relative aux astreintes prononcées en matière administrative et à l’exécution des jugements par les personnes morales de droit public : JO, 17 juill. 1980.
  • 9.
    L. n° 95-125, 8 févr. 1995, relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative : JO, 9 févr. 1995.
  • 10.
    F. Moderne, « Sur le nouveau pouvoir d’injonction du juge administratif », RFDA 1996, p. 43.
  • 11.
    J.-M. Sauvé, L’injonction – la loi du 8 février 1995 après vingt ans de pratique, discours, 5 sept. 2014, https://lext.so/hZiBNg.
  • 12.
    M. Fromont, « Les pouvoirs d’injonction du juge administratif en Allemagne, Italie, Espagne et France », RFDA 2002, p. 551.
  • 13.
    « Lorsque sa décision implique nécessairement qu’une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public prenne une mesure d’exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d’un délai d’exécution. »
  • 14.
    « En cas d’inexécution d’un jugement ou d’un arrêt, la partie intéressée peut demander au tribunal administratif ou à la cour administrative d’appel qui a rendu la décision d’en assurer l’exécution (…) Si le jugement ou l’arrêt dont l’exécution est demandée n’a pas défini les mesures d’exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d’exécution et prononcer une astreinte (…). »
  • 15.
    P. Soler-Couteaux, « Précisions sur le pouvoir d’injonction du juge administratif en matière de POS », RDI 2003, p. 588.
  • 16.
    O. Sulpice, Le contentieux des plans locaux d’urbanisme en station de ski comme fabrique de la jurisprudence, thèse, 2020, université de Grenoble, https://lext.so/TZj45a.
  • 17.
    C. urb., art. L. 153-31.
  • 18.
    C. urb., art. L. 153-11 à C. urb., art. L. 153-26.
  • 19.
    C. urb., art. L. 153-33.
  • 20.
    C. urb., art. L. 153-36.
  • 21.
    C. urb., art. L. 153-37.
  • 22.
    C. urb., art. L. 153-41.
  • 23.
    C. urb., art. L. 153-45.
  • 24.
    C. urb., art. L. 153-41.
  • 25.
    C. urb., art. L. 153-47.
  • 26.
    CAA Lyon, 22 févr. 2011, n° 8LY00170 et CAA Lyon, 31 juill. 2012, n° 12LY00091.
  • 27.
    « Il est constant que la commune (…) qui ne peut utilement se prévaloir de la mise en révision générale de son plan local d’urbanisme n’a pas tiré les conséquences de l’annulation partielle de son plan local d’urbanisme » : CAA Lyon, 31 juill. 2012, n° 12LY00091.
  • 28.
    CAA Lyon, 3 déc. 2013, n° 12LY00091.
  • 29.
    CAA Lyon, 3 déc. 2013, n° 12LY00091.
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