« 2020 est une année record pour les investissements étrangers en Île-de-France », malgré la crise sanitaire et économique
2020 restera dans l’histoire au niveau du bilan des investissements des entreprises étrangères en Île-de-France. Ils ont généré la création de 11 000 emplois en un an dans la région francilienne. Une hausse de 12 % par rapport à 2019. Un record. Les sociétés déjà présentes sur le territoire réinvestissent de manière importante. Les États-Unis sont les premiers investisseurs en Île-de-France. Ils représentent 34 % des emplois créés. Mais si on réunit l’ensemble des pays européens, ce taux est de 58 %. L’attractivité de la région parisienne est favorisée par les infrastructures présentent sur le territoire et les compétences recherchées par les sociétés étrangères. Lionel Grotto, directeur général de Choose Paris Région, l’agence de l’attractivité de la région Île-de-France, donne son analyse de la situation, qui n’a rien de paradoxale par rapport à la crise sanitaire.
Actu-Juridique : Quel bilan faites-vous de l’attractivité économique de la région Île-de-France en 2020 ?
Lionel Grotto : Le niveau des investissements étrangers en Île-de-France est un record historique en 2020. L’année dernière, il y a eu 11 000 créations d’emplois grâce à des entreprises étrangères. En 2016, cet indicateur atteignait 6 600 emplois créés. La croissance est régulière depuis cinq ans. Nous constatons une progression sur les filières stratégiques et sur une large partie des territoires franciliens. Les entreprises étrangères déjà présentes en Île-de-France ont osé réinvestir. Il y a plus de réinvestissement en réalité. Mais la région parisienne reste attractive pour les primo implantations même en période de crise sanitaire. Nous avons eu 162 prises de position pour créer un centre de décision en Île-de-France par des sociétés internationales, en 2020. Malgré la crise, il y a eu une progression, même si les grands groupes sont plus concernés, dans certaines filières comme les technologies de l’information (IT), le conseil. En revanche, l’hôtellerie et le tourisme n’ont pas connu cette dynamique.
AJ : Comment expliquez-vous cette progression et le record des investissements étrangers alors que nous étions dans un contexte de crise sanitaire et économique ?
L. G. : Nous pouvons l’expliquer en regardant l’analyse un peu plus détaillée, par secteur. Au niveau du commerce, de la distribution et de la logistique, nous avons notamment quelques projets dans le e-commerce. Il y a de nombreux acteurs étrangers dans ces domaines-là, avec plusieurs programmes en cours. Nous savons qu’il y a de fortes attentes du côté des consommateurs. Après, il y a des centres de R&D. Il y a quelques jours, un exemple donne la tendance : même si c’est un groupe français, LVMH a annoncé vouloir construire un site de R&D à Saclay, avec 600 chercheurs pour travailler sur tous les métiers du groupe. Les activités de conseil, en IT par exemple, et beaucoup de start-up continuent d’investir parce que les marchés sont dynamiques. Des entreprises comme Fujitsu, spécialisées dans les technologies et les services numériques et de télécommunications, sont florissantes. Puis, sur l’industrie, nous n’avons pas le même bilan que d’autres régions industrielles françaises ou européennes. Nous avons multiplié par deux notre chiffre d’emplois industriels. Il y a des secteurs qui souffrent mais ce ne sont pas ceux qui vont être le plus créateur d’emplois via l’investissement direct étranger. L’hôtellerie, le tourisme et la restauration ont baissé. C’est passé de 900 à 260 créations mais sur 11 000 emplois, c’est marginal, sans que cela n’enlève rien au poids de ces secteurs dans notre économie.
AJ : Quels sont les territoires franciliens qui sont les plus attractifs ?
L. G. : Nous avons un territoire très attractif autour de Melun et Sénart. Beaucoup d’emplois notamment dans la logistique mais aussi une vraie ambition industrielle sur ce territoire. Sur le bilan 2020, nous avons de nombreuses créations de postes dans cette zone. Le deuxième département avec le plus de projets, c’est les Hauts-de-Seine : Nanterre, Courbevoie, Boulogne, Asnières-sur-Seine sont des villes qui accueillent des projets. Nous avons bien évidemment Paris-Saclay qui s’étend entre l’Essonne et les Yvelines. Sur la Seine-Saint-Denis aussi notamment Saint-Denis ou Noisy-le-Grand. Cependant, Paris reste la locomotive notamment dans le 16e et le 8e arrondissement.
AJ : En quoi le plan France Relance et les différents dispositifs de soutien économique de la région Île-de-France ont-ils favorisé l’attractivité ?
L. G. : Nous avons assuré le relais des mesures prises par la région et par l’État. Les investisseurs nous interrogent à ce propos et essayent de sentir si certaines tendances se développent en Île-de-France. Parmi eux, il y en avait un certain nombre qui comparaient ce que faisaient chaque pays, chaque territoire. Mais dans cette crise, finalement, c’est le long terme qui reste déterminant. Nous avons mené avec nos collègues de Paris Capitale économique une enquête avec Opinion Way auprès de 500 dirigeants internationaux : quand nous demandons quelles sont les trois métropoles les plus engagées sur le développement durable, l’Île-de-France est en première position devant Londres et New-York. 22 % des décideurs donnent cette réponse. Cette image s’est construite sur le long terme et elle est clé dans les décisions. Par exemple, en 2020, Protera, une start-up qui développe des ingrédients alimentaires à base de protéines, a choisi l’Île-de-France ; ils ont déplacé leur siège social à Neuilly-sur-Seine notamment pour développer une équipe d’intelligence artificielle et bénéficier des compétences et du réseau du premier hub numérique mondial. Comme on le voit, un certain nombre d’entreprises font ces choix d’implantation et recherchent une visibilité de long terme sur les politiques qui sont menées : c’est surtout cela qui est déterminant au-delà des éléments conjoncturels de la crise.
AJ : Qu’en est-il par rapport au plan France Relance ?
L. G. : Pour le plan France Relance, plusieurs secteurs sont priorisés avec des filières d’excellences. Mais ce sont aussi et peut-être surtout certaines actions régionales qui fonctionnent auprès de nos cibles, je pense notamment à la mobilité aérienne volante. Nous avons lancé des initiatives assez fortes pour développer cette filière et je suis assez confiant sur le fait que nous allons avoir prochainement des annonces d’implantation, suite à l’appel à manifestation d’intérêt lancé avec le groupe Aéroport de Paris (ADP), la RATP et la Région Île-de-France. Nous avons proposé des expérimentations sur l’aérodrome de Pontoise. Nous avons aussi des projets en cours sur le véhicule électrique, les batteries, l’hydrogène, l’agroalimentaire et le domaine de la santé. Par exemple, nous avons Regenlab, une biotech suisse, qui a choisi en 2020 le plateau de Saclay pour installer une usine de production de dispositifs médicaux destinés aux thérapies cellulaires.
AJ : Au-delà de la crise sanitaire, quels sont les facteurs structurels et conjoncturels qui attirent les investisseurs étrangers en Île-de-France ?
L. G. : Beaucoup d’investisseurs étrangers viennent en Île-de-France parce qu’ils ont un certain nombre de recrutements prévus et c’est chez nous qu’ils vont réussir à les réaliser. Ils viennent aussi pour la qualité des infrastructures, c’est un facteur clé. Nous avons des infrastructures aéroportuaires par exemple qui sont des atouts importants pour développer et expérimenter des choses. Nous savons que l’industrie aux États-Unis s’est développée à partir de l’aéronautique et de la défense. Nous avons la chance d’avoir ce réseau et ce maillage d’aéroports et d’aérodromes sur lesquels on peut expérimenter. Nous le faisons notamment avec ADP à travers plusieurs initiatives en 2020. Nous avons aussi des data centers et de puissants réseaux de fibre optique : nous sommes ainsi un grand hub numérique à l’échelle européenne. Par ailleurs, les écosystèmes comme celui de Paris-Saclay sont recherchés. Un certain nombre de filières doivent se développer aujourd’hui pour pouvoir faire face à la transition écologique, aux grands chantiers sur la mobilité et la santé. Nous avons besoin de mettre ensemble ces forces académiques et de recréer un véritable tissu industriel. Les grands systèmes d’innovation se basent aussi sur ces écosystèmes de recherche. Les Américains sont très attentifs là-dessus et d’ailleurs c’est le premier investisseur étranger en Île-de-France avec 34 % des emplois créés en 2020, ce qui représentent 3 400 emplois contre 1 800 emplois en 2018.
AJ : Quelle est la tendance pour le début de l’année 2021 ?
L. G. : La tendance est assez élevée surtout sur les projets, un peu mois sur les emplois. Nous continuons à mettre l’accent sur les projets industriels, même si nous n’avons pas encore atteint tout notre potentiel sur ce sujet. Nous pensons qu’il faut continuer à simplifier notamment les procédures administratives. Nous devons gagner en délai dans les instructions à mener sur les projets industriels, pour passer un cap en obtenant plus d’implantations dans ce domaine. Nous avons identifié 26 sites clé en main à vocation industrielle en 2020. Notre objectif, c’est qu’ils donnent lieu à des réussites de projet au cours de l’année. Aujourd’hui, du côté de la région ou de l’État, l’artificialisation des terres n’est plus acceptée. Il faut donc être de plus en plus inventif et partager de bonnes pratiques, qui peuvent exister sur la manière de requalifier une friche industrielle. De plus, c’est cohérent avec le fait que les sites les plus intéressants sont ceux qui ont déjà été occupés car nous avons déjà des accès aux réseaux et à des infrastructures.
Référence : AJU233330